70 vaches traites au robot qui pâturent 10 mois de l’année
TNC le 23/05/2025 à 05:05
Adrien Durécu est de ceux qui s'informent, se forment et vont au bout de leurs idées. Convaincu des systèmes pâturants après un séjour en Irlande, il a commencé par modifier le système fourrager de sa ferme normande, puis est passé au robot de traite naturellement sans rien modifier de ses pratiques.
« Ça ne prend pas plus de temps de maintenir le pâturage avec le robot de traite, c’est juste différent ! » Adrien Durécu est éleveur de vaches laitières dans le Pays de Caux en Normandie. Et depuis son retour sur la ferme familiale en 2015 (d’abord en tant que salarié puis en tant que chef d’exploitation), il a multiplié les changements afin de combiner pâturage et robotisation.
Son objectif : « produire un maximum de lait, le moins cher possible, en valorisant ce qu’on a ». Il explique sa démarche à Camille Olinet, du réseau des Civam normands dans une vidéo tournée en novembre 2024 par Ver de terre production.
Dans un premier temps : davantage d’herbe…
C’est au retour d’un stage en Irlande en 2014 qu’Adrien rejoint son père sur la ferme familiale en tant que salarié. À l’époque, l’élevage comptait 50 vaches traites sur 70 ha dont 20 de blé, 15 de maïs, 5 de betteraves et 30 de prairies. Et après un tour au pays du pâturage, le jeune homme a voulu intensifier la production de lait à l’herbe. « On a commencé à découper les parcelles pour faire des parcs de 50 ares pour une journée. Et 2 ans après, je me suis formé, donc on a redécoupé les parcs en 2 afin de distribuer 2 repas d’herbe fraîche chaque jour. »
… puis un passage en AB
En 2019, père et fils franchissent le cap de la conversion biologique. Ils reprennent quelques hectares d’herbe autour du corps de ferme, ce qui leur permet de tourner sur une quarantaire de parcs pour les vaches.
En attendant la première livraison de lait bio prévue pour novembre 2021, Adrien affine encore le système en créant des paddocks de jour et des paddocks de nuit. « Le bâtiment est au centre. On a 12 ha de paddocks de jour d’un côté et 12 ha de paddocks de nuit de l’autre. Ils sont plus grands qu’avant puisqu’ils font à peu près 1 ha chacun et on y avance un fil à l’intérieur car les vaches y font 3 à 4 repas. »

Le temps de retour sur les parcelles varie de 3 semaines à 1 mois selon la période. En pleine pousse d’ailleurs, l’éleveur n’hésite pas à en redécouper et débrayer certaines qui sont récoltées en enrubannage ou ensilage. Les génisses d’1 à 2,5 ans (voire plus jeunes pour celles nées entre mars et juillet qui sortent dès leur sevrage) pâturent quant à elles les prairies permanentes un peu plus éloignées, en pâturage tournant sur 10 à 15 jours.
Une rotation herbe, maïs, méteil, orge
Avec le passage en bio, les exploitants arrêtent les betteraves et le blé qu’ils remplacent par du méteil récolté en grain et un peu d’orge. Toutes les surfaces sont consacrées à l’alimentation du troupeau. La rotation est la suivante : 3 ans d’herbe, maïs ensilage (semé à la mi-mai après la dernière coupe d’ensilage d’herbe), méteil grain (dont certaines parcelles sont ensuite semées en orge) avant de revenir à l’herbe. Les prairies temporaires durent donc 3 à 4 ans. Ils y épandent 20 à 30 m3 de lisier après chaque première fauche en mai.
Pour le méteil, Adrien explique : « On met 60 kg de féverole, 100 de triticale, 50 d’avoine et 15 de pois. On moissonne le tout, on l’écrase et on le met en boudin qu’on reprend au godet pour mettre au robot. »
Installer un robot de traite…
Alors que son père est à 2 ans de la retraite, Adrien réfléchit en 2020 à moderniser sa salle de traite : « On était en 2×4 avec une installation vieillissante. Pour l’agrandir, il fallait tout refaire à neuf. » C’est à ce moment-là qu’il visite plusieurs fermes équipées en robot. « Il y a encore quelques années, je n’aurais pas pensé qu’il était possible de pâturer avec un robot de traite, avoue l’éleveur qui a pourtant été convaincu. Et finalement notre organisation avec les paddocks de jour et de nuit se prêtait très bien à son installation. »

C’est une machine rouge qui rejoint donc l’exploitation dans la foulée pour un total d’un peu plus de 200 00 € amortis sur 10 ans (160 000 pour le robot, 20 000 de maçonnerie et 25 000 de plomberie, vis à granulés et électricité). À cela s’ajoutent 70 000 € de logettes et 30 000 € de fosse à lisier. « On a obtenu une subvention de la région de 100 000 € pour ces investissements. »
…tout en maintenant le pâturage
Ici les vaches pâturent 10 mois de l’année : de mi-février à mi-décembre. Concrètement comment ça se passe ? « Elles reviennent de leur paddock de nuit vers 6h le matin pour se faire traire. La barrière de tri les fait ressortir ensuite dans un paddock de jour avec de l’herbe fraîche. Elles reviennent au robot vers 17h le soir et même chose : elles sont renvoyées vers le paddock de nuit où de l’herbe fraîche les attend. » Et les vaches ont vite compris le mécanisme : « Elles reviennent souvent seules. Un peu moins lorsque les journées raccourcissent. Je vais systématiquement chercher les dernières restées dans le paddock de nuit à midi ou dans le paddock de jour à 20h le soir. »

Avec un robot pour 70 vaches traites, ce dernier est assez saturé. Les vaches y font en moyenne 2 passages par jour (jusqu’à 2,4 lorsqu’elles sortent moins). « Il est finalement surtout demandé sur les plages 6h-15h et 17h-1h pendant la période tout herbe. » Et quand les vaches ont de la ration à l’auge, l’éleveur change un peu les horaires de la porte de tri pour qu’elles aient un temps à l’auge avant de passer dans un nouveau paddock.
Des transitions à faire en douceur
Très satisfait de son système, Adrien referait le choix du robot de traite sans hésiter : « J’ai beaucoup plus d’infos qu’avant, les vaches vont se faire traire quand elles veulent et c’est plus flexible pour moi depuis que je suis seul, notamment à la période des foins car souvent l’herbe est bonne à presser vers 16h et c’était l’heure de la traite avant. » Il recommande en revanche de bien choisir sa période de mise en route : « On l’a faite en mars et c’était en plein démarrage de pâturage, ce n’était pas l’idéal. Mieux vaut faire ça l’hiver. »
Difficile de comparer des chiffres avant/après robot puisque son arrivée a coïncidé avec le passage à l’AB, mais l’éleveur estime avoir maintenu sa production laitière grâce au robot : « Les hautes productrices ne se seraient pas maintenues autant si elles étaient restées limitées à 2 traites par jour. » Il espère même l’augmenter encore un peu : « J’aimerais passer de 430 000 litres livrés à 500 000. »

L’éleveur constate en revanche deux principaux points négatifs :
– les réformes (ou en tout cas la sélection) sont davantage conditionnées par le robot (conformation de la mamelle, vitesse de traite, passage au robot). Les vaches font en moyenne 3 lactations dans le troupeau avant d’être réformées ;
– les vaches sont plus sensibles aux changements : « Avant on les rentrait en bâtiment s’il pleuvait trop, maintenant ça les perturbe plus qu’autre chose. Et à partir de novembre lorsqu’elles ne sortent plus qu’en journée, c’est une période de transition plus difficile à gérer je trouve. »