Grippe aviaire : Pasteur à l’affût de possibles transmissions à l’humain
AFP le 27/11/2025 à 13:15
Avec la multiplication des cas de grippe aviaire chez les animaux, dont des mammifères, le risque d'une propagation chez l'humain grandit. A l'Institut Pasteur, des scientifiques sont à l'affût pour alerter et se préparer au pire.
« Le scénario catastrophe serait l’adaptation à l’homme d’un de ces virus d’origine aviaire, H5 ou autre, qui serait capable de se transmettre d’homme à homme et pourrait provoquer une pandémie grippale dans la population humaine », souligne à la presse Marie-Anne Rameix-Welti.
La chercheuse dirige à Paris le Centre national de référence des virus respiratoires, une antenne de l’Institut Pasteur qui surveille avec une attention particulière d’éventuels cas de transmission de la grippe aviaire à l’homme.
Dans le monde, une sévère épizootie de grippe aviaire touche depuis plus de deux ans des volatiles, des mammifères mais aussi parfois des humains, majoritairement des personnes ayant été en contact direct avec des animaux infectés (volailles, vaches laitières…) ou dans des environnements fortement contaminés.
Ces cas sont, pour l’heure, issus de contaminations directes par des animaux. Mais sa circulation croissante chez les mammifères augmente la possibilité de le voir s’adapter et de pouvoir se transmettre entre humains, a averti en mai l’Organisation mondiale de la santé animale.
Contrairement à l’Amérique du Nord, Etats-Unis en tête, et à l’Asie du Sud-Est (Cambodge, Bangladesh…), la France n’a, jusqu’ici, détecté aucun cas d’infection humaine par la grippe aviaire. Mais la surveillance s’impose, car l’Hexagone est sur des carrefours migratoires aviaires et compte des animaux sauvages infectés ainsi que des foyers de volailles infectées.
Quand elle atteint un être humain, la grippe aviaire cause des symptômes proches d’une grippe classique. Mais les humains sont moins bien protégés par rapport à cette dernière, n’ayant pas développé d’immunité spécifique. Il existe toutefois des vaccins pour limiter les risques.
Environ la moitié des cas humains détectés en Europe depuis 2002 – 458 sur 876 – sont décédés à cause de la maladie.
L’Institut Pasteur est donc sur la brèche. Ainsi, un hôpital vient d’adresser au CNR un prélèvement de virus qu’il n’était pas parvenu à précisément identifier. « Il y avait la supposition que la personne ait rencontré un oiseau mort et que ce soit du H5N1 », raconte Vincent Enouf, le responsable adjoint.
Verdict des analyses : « fausse alerte » pour la grippe aviaire, mais une classique grippe saisonnière.
Un séquençage en 24 h
Depuis début 2025, le CNR parisien, qui couvre environ la moitié nord de l’Hexagone, a ainsi traité une cinquantaine de suspicions. Sur toute la métropole, le nombre de cas suspects s’établit autour d’une centaine, pour lesquels la grippe aviaire a finalement été écartée à chaque fois.
Vu les risques liés aux manipulations d’agents pathogènes, une partie des analyses se fait dans un laboratoire sécurisé de type P2+, petite pièce fermée, partiellement vitrée, d’où tout l’air expulsé à l’extérieur est finement filtré.
En combinaison blanche intégrale, avec des masques FFP2, gants et surchaussures, deux scientifiques à l’intérieur traitent des échantillons issus de prélèvements naso-pharyngés, susceptibles par exemple d’être positifs au virus H5N1.
« Ils prennent ce liquide, le partagent en plusieurs tubes, en gardent une partie – qui sera congelée à – 80°C pour revenir dessus ensuite – et font plusieurs étapes de biologie moléculaire pour détecter, ou pas, le virus recherché », décrit Vincent Enouf.
Tests PCR, voire séquençage haut débit – des techniques éprouvées depuis l’ère Covid -, permettent des expertises rapides.
« Le séquençage, on est capables de le faire dans les 24h suivant réception de l’échantillon », précise Marie-Anne Rameix-Welti. De quoi identifier quel virus serait en cause (clade, génotype…), d’éventuelles mutations pouvant augmenter son risque de devenir transmissible aux humains, à quels antiviraux il réagirait.
Pasteur travaille aussi à mettre au point des tests sérologiques pour détecter au besoin, via la présence d’anticorps dans le sang, une contamination humaine par la grippe aviaire passée inaperçue.
En tout état de cause, le risque d’une contamination entre humains reste à l’heure actuelle un scénario du pire. Il faudrait cependant que le virus franchisse plusieurs barrières de mutations, et, pour y parvenir plus aisément, il pourrait passer par un hôte intermédiaire, comme le porc.
« Si ce virus se met à circuler dans des élevages porcins, ce sera un facteur d’alerte », prévient la pilote du CNR.