Dermatose, Mercosur : l’exécutif rattrapé par la crise agricole


AFP le 14/12/2025 à 17:45

L'exécutif est de nouveau confronté à la colère du monde agricole, alors qu'une partie des éleveurs et de la classe politique critique sa gestion de la dermatose nodulaire contagieuse (DNC) et que la perspective d'une adoption de l'accord UE-Mercosur au Parlement européen se rapproche.

La contestation a gagné du terrain ces derniers jours: rassemblements devant des préfectures, « feux de la colère » dans la Marne, cercueil déposé devant le ministère de l’Agriculture et résistance contre les abattages.

A Carbonne (Haute-Garonne), une centaine d’agriculteurs ont établi un campement, faisant ressurgir le souvenir du mouvement de protestation agricole qui y avait pris naissance en janvier 2024. Et les images d’exploitations noyées sous les gaz lacrymogènes, en Ariège ou dans le Doubs, ont suscité la consternation.

Si l’alliance syndicale majoritaire FNSEA-Jeunes Agriculteurs soutient la stratégie de l’Etat face à l’épizootie, la Coordination rurale et la Confédération paysanne rejettent les abattages systématiques et plaident pour la généralisation de la vaccination.

La classe politique a relayé ces derniers jours l’indignation de ces deux syndicats, dont le premier est proche de l’extrême droite et le second classé à gauche.

Marine Le Pen (Rassemblent national) a ainsi souligné vendredi le besoin « urgent » d’une concertation avec les agriculteurs pour trouver des solutions alternatives à l’abattage des troupeaux.

Le chef de file de La France insoumise (LFI), Jean-Luc Mélenchon, a jugé « absurde » cette politique. Favorable à la « généralisation de la vaccination », la présidente du groupe des députés LFI, Mathilde Panot, a écrit vendredi à la ministre de l’Agriculture Annie Genevard et au Premier ministre Sébastien Lecornu, demandant à la première une rencontre et au second l’organisation d’un débat au Parlement.

Le secrétaire national du Parti communiste, Fabien Roussel, a apporté son « soutien » aux agriculteurs, tandis que la cheffe des Ecologistes, Marine Tondelier, a appelé sur France 3 la FNSEA à « revoir sa position ».

Dimanche, la présidente de la région Occitanie, Carole Delga (PS), a elle aussi interpellé le Premier ministre pour lui demander de « garantir, dans les plus brefs délais, un dialogue franc et sincère avec les agriculteurs » du pays.

Dialogue « permanent »

Interrogée sur cette demande dimanche sur France Inter, la porte-parole du gouvernement, Maud Bregeon, a évacué la question, soulignant que le dialogue avec les éleveurs était « permanent », et se félicitant du soutien de la FNSEA.

Vendredi, Mme Genevard avait elle-même renvoyé Mme Le Pen dans les cordes sur le réseau social X. « La stratégie sanitaire et vaccinale a été construite et validée collectivement », a-t-elle martelé, l’accusant de chercher « à polémiquer plutôt qu’à rassembler ».

Mme Genevard se rendra lundi en Occitanie pour « assister aux débuts de la vaccination sur ce territoire » pour un million de bêtes.

Le Premier ministre reste lui discret sur le sujet, à l’aube d’une nouvelle semaine décisive pour le budget. Si celui de la Sécurité sociale devrait être adopté définitivement mardi, les tractations se poursuivent sur celui de l’Etat, pour tenter d’arracher un compromis avant la fin de l’année.

La question agricole s’invitera cependant au Parlement mardi, avec l’examen au Sénat d’une proposition de résolution européenne demandant au gouvernement de saisir la Cour de justice de l’Union européenne pour empêcher la ratification de l’accord avec des pays du Mercosur.

C’est l’autre ferment de la colère agricole: l’accord de libre-échange entre l’UE et ce bloc sud-américain pourrait être validé entre le 16 et le 19 décembre par les Etats européens, avant son approbation début 2026 à Strasbourg.

Le ministre de l’Economie, Roland Lescure, a réaffirmé dimanche, dans une interview donnée à plusieurs médias européens, que « dans sa forme actuelle, le traité n'(était) pas acceptable ». La France continue des réclamer des clauses de sauvegarde, sur lesquelles le Parlement européen se prononcera mardi, ainsi que des « mesures miroirs » pour garantir une concurrence équitable et des « contrôles sur les importations ».

L’eurodéputée LFI Manon Aubry a minimisé sur CNews l’impact de ces mesures.

« Ces clauses de sauvegarde, c’est la publicité mensongère. Elles n’existent pas », a-t-elle assuré.

Les agriculteurs, notamment la FNSEA, prévoient de manifester jeudi à Bruxelles contre l’accord.

« L’accord avec le Mercosur est inacceptable. Il sera peut-être appliqué.

Car nous sommes 27 dans l’Union européenne », avait admis mardi Mme Genevard devant les producteurs de betteraves.