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Classement de Saint-Emilion

Un grand nom du vignoble bordelais condamné : nouveau coup dur


AFP le 26/10/2021 à 10:13

Une grande figure du vignoble français du Bordelais a été condamnée lundi pour prise illégale d'intérêt dans le classement 2012 des grands crus de Saint-Emilion, ébranlant un peu plus cette hiérarchie prestigieuse dont les critères sont aussi contestés devant la justice administrative.

Copropriétaire du célèbre château Angélus, Hubert de Boüard a été condamné à 60 000 euros d’amende, dont 20 000 avec sursis, pour avoir joué un rôle dans le classement 2012 des grands crus de Saint-Emilion alors qu’il avait des intérêts dans plusieurs propriétés candidates, dont le célèbre château Angélus. Son coprévenu Philippe Castéja, important négociant et propriétaire du châ teau Trotte Vieille, a lui été relaxé.

Les deux pontes de la célèbre région viticole du sud-ouest de la France, respectivement âgés de 65 et 72 ans, avaient comparu fin septembre à Bordeaux pour « prise illégale d’intérêt » pour leur implication présumée, à des degrés divers, dans l’élaboration entre 2010 et 2012 de ce prestigieux classement, révisable tous les dix ans, qui garantit d’importantes retombées commerciales, financières et médiatiques.

En 2012, le classement avait promu Angélus premier grand cru classé « A », sommet de la pyramide, maintenu Trotte Vieille « B » et récompensé huit autres propriétés pour lesquelles M. de Boüard était consultant ou superviseur.

Les deux hommes étaient alors membres du comité national des vins de l’INAO, organe rattaché au ministère de l’Agriculture et qui a validé le règlement du classement et ses résultats, élaborés par une commission dont il avait préalablement nommé les membres.

En outre, M. de Boüard était membre de l’Organisme de défense et de gestion (ODG) des vins de Saint-Emilion, qui avait participé à l’élaboration du cahier des charges avec l’INAO, selon l’instruction.

Au procès, les deux prévenus avaient nié en bloc avoir usé d’une quelconque influence.

Mais le tribunal correctionnel a finalement estimé que le comportement de M. de Boüard, absent lundi, était « manifestement l’expression d’un entre-soi » et un « trouble grave à l’ordre public économique et social ».

« C’est un bel épilogue et un soulagement après huit ans de parcours du combattant », a relevé Me Eric Morain, l’avocat des parties civiles, trois propriétés familiales recalées en 2012. « Ce jugement, c’est aussi un appel pour que les choses se fassent mieux à l’avenir », a ajouté Me Morain. Ce classement « est une vitrine qui doit être irréprochable et qui ne l’a pas été (en 2012) ». Conseil de M. Boüard, Me Antoine Vey a indiqué à l’AFP qu’ils se laissaient le temps avant de décider de faire appel ou non.

Un appel prolongerait la procédure pénale de plusieurs mois avec le risque de jeter le discrédit sur la mouture 2022 du classement, en cours d’élaboration sur des critères plus ou moins semblables à celui de 2012 et attendue pour juin.

D’autant que sur un autre front judiciaire, la cour administrative d’appel de Bordeaux doit se prononcer sur la validité de ce classement, contestée pour la pertinence de certains critères de notation. Une décision est attendue pour début 2022, avant la publication du nouveau classement.

« Si le juge administratif annule le classement 2012, alors le 2022 (…) risque la même chose. Et il pourrait même ne plus y avoir un classement de Saint-Emilion avant un bon bout de temps… », souligne Pierre Carle, propriétaire associé de Croque-Michotte, un des trois châteaux plaignants.

La stature du classement a aussi été égratignée cet été par la non candidature pour 2022 des châteaux Ausone et Cheval-Blanc, poids lourds historiques des grands crus, jugeant que les critères laissaient trop de place à des « éléments secondaires » (notoriété, accueil du public…) au détriment des « fondamentaux » (terroir, dégustation…).