Santé des sols : 12 questions à Sarah Singla, Samuel Boucher et Marc-André Selosse


TNC le 27/05/2025 à 14:10
Interviewsurlegrill

(© Sous le Hangar)

Jean-Baptiste Vervy a réuni trois experts pour une interview « Sur le grill » de la chaîne Youtube Sous le Hangar. En 25 minutes, ils livrent leurs avis sur la question du labour, des engrais chimiques ou encore des analyses microbiologiques.

« Faut-il interdire le labour d’ici 2040 ? Les couverts végétaux sont-ils vraiment perçus comme une culture à part entière ? Ou encore peut-on se passer des engrais chimiques… ? » Voici un échantillon des 12 questions de l’interview de « Sous le Hangar »  auxquelles ont été confrontées :

– Sarah Singla, agricultrice en Aveyron et formatrice en agronomie, 

– Samuel Boucher, agriculteur dans le Loiret et conseiller agricole indépendant (Phytosol),

– Et Marc-André Selosse, spécialiste des microbes et de la vie des sols au Musée d’histoire naturelle de Paris.

Oui ou non ? Les trois participants ont moins d’une minute à chaque question pour donner leur avis et argumenter.

Les couverts végétaux sont-ils considérés comme une véritable culture par les agriculteurs ?

« Ça dépend, mais normalement oui. Si on les considère ainsi, alors on les réussit », estime Sarah Singla. Pour Samuel Boucher, « ce n’est pas le cas. Il y a des rêves qui ont été proposés aux agriculteurs, ils se sont lancés mais n’ont pas forcément eu des années favorables. Les couverts végétaux sont vus pour beaucoup comme une charge supplémentaire, avec un succès pas forcément au rendez-vous. »

« Je ne sais pas ce qu’il en est réellement sur le terrain, mais je sais ce qu’il doit en être. Pour moi, entretenir son sol fait partie de l’activité agricole et les cultures intermédiaires y contribuent », indique Marc-André Selosse.

Le labour doit-il être interdit d’ici 2040 ?

Oui pour Sarah Singla : « il n’y a pas de raison de labourer, le travail est fait par les vers de terre ». Marc-André Selosse l’a rejoint, mais « à condition qu’on ait enseigné en formation continue aux agriculteurs comment faire sans la charrue. Et cette interdiction reste à moduler en fonction des types de sols, des terroirs et des cultures », précise-t-il.

« L’interdiction n’est pas un bon moyen, considère Samuel Boucher. Ça n’a jamais apporté de progrès. Par contre, il est indispensable d’aller vers le non-labour ».

Les analyses microbiologiques des sols devraient-elles être obligatoires pour toucher certaines aides agricoles ?

« Ces analyses ne sont pas toujours parlantes, indique Marc-André Selosse. Cela peut être intéressant entre deux parcelles ou si on compare un avant/après. Mais en routine, je pense qu’il faut revenir aux tests de base, comme le test bêche, le test du slip ou le test d’infiltration… Je ne suis pas un acharné du test microbiologique alors même que toute ma recherche est basée sur ça. La recherche qui contribue à la Formule 1 n’est pas celle qui sert dans les garages », illustre-t-il.  « Par contre, que le diagnostic soit obligatoire à la vente d’un sol, là je suis pour ! »

« Tout ce qui est obligatoire, je n’y crois pas, lance Samuel Boucher. On a des reliquats obligatoires et ça ne fonctionne pas. Je crois plutôt au profil de sol, mais on n’en voit pas beaucoup. Il faudrait réaliser ce type de diagnostic au moins une fois dans sa carrière et au moment de la vente des terres. Plusieurs pays le font depuis des années, comme en Allemagne. »

Sarah Singla les rejoint aussi : « il est difficile de se fier aux analyses microbiologiques, car le microbiote varie dans le temps et dans l’espace ». L’agricultrice et conseillère en agronomie invite à apprendre à observer son sol, le sentir. On peut proposer des choses plus simples et gratuites que chacun puisse mettre en place sur son exploitation 

Les agriculteurs doivent-ils être formés à la biologie des sols pendant leur parcours scolaire ? 

Les trois experts répondent de concert : « oui ! ». « Il y a urgence même », ajoute Samuel Boucher.

Le partage des connaissances des instituts techniques est-il suffisant pour accompagner les agriculteurs dans ces transitions ?

« Il y a du travail, mais après il faut aller chercher l’info », indique Sarah Singla. « On peut retrouver différents webinaires, des journées techniques et de la recherche est réalisée aussi directement chez les agriculteurs. »

Samuel Boucher ne se dit « pas d’accord. On est en retard. Pour moi, rien n’a bougé depuis 30 ans. Je ne conteste pas qu’il y a du travail de fait, mais que cela ne soit pas diffusé, c’est un réflexe français ! ».

L’ACS est-elle la seule alternative viable au changement climatique ?

« Non, ce n’est pas la seule, ça donne plus d’espoir. Par contre, je suis inquiet de l’orientation énergétique que prend l’agriculture, qui pourrait mettre à mal la transition vers l’agro-écologie », indique Samuel Boucher.

Pour Marc-André Selosse et Sarah Singla, l’ACS fait partie des solutions, mais il faut aussi intégrer l’élevage et les arbres.