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Betteraves et marché du sucre

Pour les planteurs, le pire scénario dans cette nouvelle ère post-quotas


TNC le 20/12/2018 à 09:30
fiches_Arracheuse_betteraves_Grimme_-_Credit_photo__FarmerSeb

Avec la fin des quotas sucriers, les betteraviers pouvaient s’attendre à une conjoncture de marché plus difficile à encaisser. Mais peut être pas à un scénario aussi pénalisant : à la chute des prix l’an passé se succède une baisse de la production due à la sécheresse automnale. Pour cette campagne 2018-2019, la CGB annonce une perte moyenne de 400 €/ha pour les planteurs de betteraves.

Il y a deux ans, les betteraviers ne s’attendaient probablement pas à un « après-quotas » aussi mouvementé. Les quotas sucriers ont été supprimé le 30 septembre 2017 alors que les planteurs de betteraves européens avaient le pied sur l’accélérateur. La hausse de la production européenne aux premières heures de la nouvelle ère a été telle que les cours mondiaux ont été divisés par deux en douze mois. Fin septembre 2017, la tonne de sucre se négociait autour de 370 $ à la bourse de Londres, contre plus de 580 $ un an plus tôt.

Depuis, les cours peinent à passer la barre des 350 $/t. « Après les plus bas niveaux atteints en août et en octobre 2018, les cours mondiaux du sucre se sont redressés sous l’effet de fondamentaux haussiers pour la campagne 2018/19, mais ils restent volatils », commentait FranceAgriMer le 10 décembre 2018, à l’issue du conseil spécialisé pour la filière sucrière.

Cours du sucre à la bourse de Londres, en $/t

De l’excédent en 2017-2018 au déficit en 2018-2019

« Après les niveaux record de production en 2017/18 et les annonces d’excédents pléthoriques, les prévisionnistes mondiaux ont largement revu à la baisse leurs prévisions d’excédents. Certains prévoient même un retour à des déficits dès 2018/19. En effet, le Brésil a confirmé ses arbitrages en faveur de l’éthanol, avec deux-tiers de sa production orientés vers cette utilisation. L’Inde est pénalisée par la sécheresse et des infestations de vers blancs dans les plantations de cannes des principaux États producteurs de la fédération. La production est également attendue en recul au Pakistan et en Thaïlande », a détaillé l’établissement public.

En Europe aussi, la production s’annonce en forte baisse du fait d’une sécheresse persistante dans les régions productrices. La production sucrière européenne ne devrait pas dépasser 18,4 Mt en 2018, selon les dernières données de la Commission européenne, en recul de près de 3 Mt par rapport à l’an passé. La baisse des disponibilités devrait se traduire par un recul de 30 % des exportations européennes au cours de la campagne 2018/19. En France, la production sucrière est estimée à moins de 5,2 Mt en métropole, contre plus de 6,2 Mt l’an passé, en raison de la sécheresse persistante qui a affecté les rendements des cultures betteravières. Le rendement en sucre extractible est estimé à 11,7 tonnes par hectare.

Pour la campagne commerciale 2018/19, Franceagrimer prévoit à ce stade, des exportations françaises de sucre en l’état de 3,1 Mt, dont deux-tiers vers l’Union européenne et un tiers vers les autres pays. Les exportations de produits sucrés resteraient stables à 0,8 Mt. Sur le marché français, les utilisations sont prévues à 2,9 Mt. Dans un contexte de disponibilités plus faibles qu’en 2017/18, les stocks de fin de campagne, qui étaient à un niveau élevé, pourraient diminuer de plus de 50 %.

« 400 €/ha en moins » pour les planteurs français

Des rendements plombés par le sec et des prix au plus bas auront raison des résultats économiques de la production pour les planteurs. « Les planteurs de betteraves vont en moyenne perdre 400 €/ha. Du jamais vu non plus », a expliqué Eric Lainé, lors de l’assemblée générale de la CGB mardi 18 décembre 2018.

« Le prix moyen européen s’est encore dégradé à 320 €/t en octobre 2018, très en deçà du prix de référence (404 €/tonne) », confirme FranceAgriMer.

Manque d’anticipation ?

Chez les betteraviers français, on estime la baisse moyenne de la production de 15 à 20 % par rapport à l’an dernier, certains planteurs ayant été plus fortement touchés. « Cela met une nouvelle fois en lumière tout l’intérêt d’avoir à disposition des assurances récoltes qui se déclencheraient dès 20 % de perte », souligne par ailleurs Eric Lainé. « Dans le cadre de la Pac post-2020, cette évolution est incontournable. Espérons que notre nouveau ministre de l’agriculture prenne la mesure du besoin vital d’avoir des outils assurantiels indispensables pour nous protéger des pertes de rendement liées au changement climatique et aux interdictions successives des produits de protection des plantes. »

Ceci dit, rappelons que la fin des quotas sucriers a été actée dès la mi-2014 dans le cadre de la précédente réforme de la Pac. Il semble acquis que les représentants de la filière, de l’aveu même d’Eric Lainé, président du conseil spécialisé de Franceagrimer pour la filière sucrière et président de la CGB, n’ont pas suffisamment anticipé les possibles remouds que provoquerait cette rupture conjoncturelle. « Avec la fin des quotas, il est urgent de rétablir un vrai projet interprofessionnel où le collectif appuie les stratégies de chacun », a-t-il expliqué.

Parmi les chantiers urgents, selon le responsable professionnel, les acteurs doivent mener un travail collectif entre « planteurs et fabricants pour mieux valoriser la qualité de nos productions, mieux nous organiser mais qu’également nos relations économiques et contractuelles soient adaptées au nouveau contexte de marché. »