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Agriculture de conservation des sols

Pour Jordan et Théophile, « le semis direct, on ne peut pas y arriver tout seul »


TNC le 20/11/2023 à 18:02
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Le choix du semoir est déterminant lors du passage en ACS. (© Jair/Adobe Stock)

Jordan Pruvot et Théophile Sollet ont entamé leur transition vers l’ACS. Epaulés par AgroLeague, ils témoignent de leurs premiers pas dans cette démarche et confient leur expérience.

Ils se voient dans 10 ans à 100 % en semis direct, avec des couverts permanents pour envoyer promener les graminées. Aujourd’hui, ils y vont, certes plein d’espoir et d’entrain, mais à pas prudents. Jordan Pruvot, installé dans l’Indre-et-Loire avec son cousin Damien, et Théophile Sollet, implanté dans l’Eure-et-Loir, ont raconté, ce jeudi 9 novembre, leurs débuts dans l’agriculture de conservation des sols. Et malgré les (petites) difficultés, les deux hommes, membres d’AgroLeague, groupe spécialisé dans l’ACS, sont formels : pour rien au monde, ils ne reviendraient en arrière. « Il n’y a rien de pire que d’avoir des doutes », clame Théophile.

Pour présenter rapidement leurs exploitations, Jordan est équipé d’un semoir Weaving, gère 350 truies en naisseur-engraisseur, s’est lancé dans la méthanisation, blé-orge-colza côté assolement, tournesol et sorgho en couverts d’été, relance du maïs, 70 % d’engrais de ferme. Théophile sème avec un Aitchison de 6 m à dents, assolement blé-orge-colza, engrais chimiques (il est passé de trois à deux voire un apport d’azote), a lancé lotier et colza l’année dernière, féverole et maïs non irrigué pour aider au désherbage, sarrasin pour le côté mellifère et moutarde en cultures dérobées avec ambition de récolte, et si possible de production de moutarde en vente directe.

Dégager du temps et augmenter les marges

Avec un père exploitant « ouvert d’esprit » comme modèle, c’est assez naturellement que Théophile s’est tourné vers l’ACS, même s’il opère dans un secteur géographique où l’agriculture conventionnelle domine. « C’est plus agréable de travailler avec du vivant que de la mécanique, clame-t-il. Surtout si cela permet de réduire les coûts et le travail du sol, tout en dégageant du temps pour développer d’autres activités ». Jordan a travaillé dans des exploitations en semis direct pendant ses études. Il côtoie des voisins qui travaillent ainsi depuis 20 ans. « La théorie, les réunions, c’est bien mais il faut aller aux champs voir ce qui fonctionne », souligne-t-il.

Dans leur transition, Jordan et Théophile sont accompagnés par AgroLeague, dont la communauté compte aujourd’hui plus de 6 000 fermes. « Notre objectif, c’est de faire concilier profits et impact environnemental positif en remettant l’agronomie au cœur des systèmes, déclare Jean-Christophe Girondin-Pompierre, co-fondateur et CEO de la plateforme. Nous avons une dizaine d’experts qui interviennent et conseillent les exploitants pour sécuriser leur passage à l’ACS et éviter les erreurs. »

Bien connaître son sol avant de se lancer

Avant de revendre sa charrue, Jordan conseille deux choses : faire analyser sa terre et déterminer si elle est compactée. « Comprendre son sol et savoir comment il vit, c’est primordial avant d’aller plus loin », explique-t-il. Même constat pour Théophile, qui suggère également de commencer en douceur, « avec un blé derrière un colza dans une parcelle historiquement propre » pour se faire la main avant de passer à des cultures plus complexes, type maïs ou colza.

« Dans tous les cas, il faut soit tester sur une petite parcelle, soit être accompagné, soit les deux, mais ne jamais tout basculer tout seul tout d’un coup. Les risques sont trop grands », résume Théophile. Jordan est catégorique : « le semis direct, on ne peut pas y arriver tout seul ».

Des sols bien ressuyés malgré les fortes pluies

Jordan et Théophile constatent déjà tous les deux des effets positifs, notamment en cet automne terriblement pluvieux. « Je suis sur des limons facilement battants, avec un risque de fermeture des sols. Et je vois qu’en cette année très humide, l’eau s’infiltre sans problème là où il y a du couvert », se félicite Théophile. « À la base, je suis plus éleveur que céréalier. Avant, le champ, on n’y allait pas souvent. En ACS, il faut être plus attentif. Et moi aussi, je vois que, malgré les fortes pluies, les sols sont bien ressuyés », se réjouit Jordan.

Ces réussites font naître d’autres envies d’expérimentations chez les deux agriculteurs. Théophile se verrait bien essayer le pois chiche, la lentille et le quinoa. « À la fois pour être dans le local et aussi pour moins subir les variations de prix », justifie-t-il. Jordan aimerait multiplier les cultures associées pour tendre vers l’autonomie alimentaire pour nourrir ses bêtes. « Le but de notre métier, ce n’est pas de reproduire toujours les mêmes schémas. Il faut tenter ! » conclut Théophile.