Poser un diagnostic de l’état structural de ses sols
TNC le 03/09/2024 à 18:02
Les interventions culturales réalisées en conditions humides, tout au long de la campagne 2023/24, ont pu dégrader la structure des sols. S’il y a effectivement des tassements, il peut être utile de mettre en place des actions correctives pendant l’interculture. C’est le sujet du rendez-vous technique organisé par la Chambre d’agriculture (CA) de l’Aisne à Juvigny le 30 août dernier.
« Entre janvier et juin 2024, nous avons reçu l’équivalent d’un an de précipitations, à la suite d’un automne déjà très pluvieux », note Émilie Nivelle, conseillère en agronomie à la Chambre d’agriculture (CA) de l’Aisne. « Les chantiers d’arrachage de betteraves, de semis d’automne mais également ceux du printemps, ont été réalisés pour la plupart dans des conditions limites. »
Se pose alors la question post-moisson de savoir s’il faut intervenir mécaniquement en profondeur ou non dans les parcelles.
Quels outils à disposition ?
Avant toute action, il convient d’abord de poser un diagnostic quant à la structure des sols. Et pour cela, les agriculteurs ont plusieurs outils à leur disposition : « on peut tout d’abord enfoncer une tige métallique (munie ou non d’un manomètre) dans le sol et se rendre compte à quelle profondeur on repère une zone plus compacte », explique Émilie Nivelle. Attention toutefois, « l’interprétation est très dépendante des conditions d’humidité du sol : l’idéal est de réaliser ce test dans des conditions ni trop sèches, ni trop humides, avec la même humidité sur toute la profondeur analysée », souligne Pierre Durand, conseiller en agriculture biologique.
« Si on ressent des choses plus denses sur les 25 premiers centimètres, on préconise de réaliser un test bêche pour en savoir plus, note Émilie Nivelle. Et s’il y a besoin d’intervenir, on peut partir sur des outils de déchaumage assez classiques. »
En revanche, « si on remarque des zones compactées au-delà de 20-25 cm, on peut partir sur l’utilisation d’un profil 3D (ou mini-profil), réalisé à l’aide de fourches plates sur un chargeur. L’intérêt de cette méthode est d’avoir, pour les sols qui le permettent, une vision sur au moins 60 cm de profondeur, et donc de repérer s’il y a des zones de compaction sur les différents horizons de travail du sol, en regardant plus précisément la structure du sol, l’enracinement et l’activité biologique. Des guides existent pour aider à l’interprétation, mais c’est surtout un exercice qu’il faut répéter afin d’être à l’aise dans la pratique ».
Le mini-profil pour un diagnostic rapide de l’état structural
Pour ce rendez-vous technique, le groupe a été accueilli chez Antonin Oudin, sur une parcelle destinée à recevoir un colza et avec un précédent blé sur labour, lui-même derrière des betteraves sucrières récoltées en conditions de portance du sol limitantes. Installé en polyculture-élevage bovin allaitant, l’agriculteur précise récolter la paille chaque année et revenir avec du fumier tous les 3-4 ans. Le sol est à dominante limoneuse, avec environ 20 % d’argile.
Avec le mini-profil, « on travaille de haut en bas, explique Émilie Nivelle. Une fois qu’on a défini les différents horizons de travail du sol, on peut ensuite regarder l’état des mottes pour chacun. Pour cet exemple, on repère l’horizon superficiel, qui correspond au dernier déchaumage (de 0 à 6 cm), à 30 cm, on observe le travail le plus profond actuellement, puis une zone de 5 cm en dessous qui correspond à la zone de travail historique (de l’époque du père d’Antonin Oudin) et ensuite l’horizon pédologique ».
Après observation, « on se rend compte qu’il y a une prise en masse des 10 premiers centimètres jusqu’à environ 35-40 cm, dans ce sol limoneux (avec 20 % d’argile). Cela n’est pas étonnant, compte-tenu des conditions humides de l’année. Pour autant, la descente racinaire se fait correctement et la prospection par les vers de terre est également présente. Il n’y a pas de semelle de labour à proprement parler, ni de zone hermétique », poursuit la conseillère.
Comme le rappelle Arvalis, quand l’observation met en évidence la présence de tassements, trois critères sont à prendre en compte pour définir les actions correctives à prévoir : « l’exigence de la culture suivante vis-à-vis de l’état structural du sol, l’intensité du tassement et la profondeur concernée ».
Dans le cas de la parcelle d’Antonin Oudin, « il n’y a pas de problème conséquent. On peut avoir un intérêt pour le colza qui va suivre à venir refragmenter les 20 premiers centimètres afin de favoriser l’enracinement du colza, surtout en conditions limitantes. Mais on pourrait s’en affranchir », note Émilie Nivelle.
Comparaison d’outils de fissuration/décompaction
Pour poursuivre l’exercice, Pierre Durand de la CA de l’Aisne a mis à l’essai plusieurs outils de décompaction et fissuration, présents chez l’agriculteur ou ses voisins. Parmi eux : un outil à dents Terrano (5 m), un décompacteur à dents Michel, un outil conçu par un agriculteur composé d’un châssis sur lequel sont montés des dents Eco-Dyn et un rouleau packer derrière, et enfin une sous-souleuse.
Un passage de chaque outil a été réalisé, ainsi qu’un profil de sol à la perpendiculaire de ces passages pour établir un diagnostic de leur action. À noter : tous ces outils ont été réglés pour travailler à 30 cm de profondeur, au niveau de la pseudo-semelle de labour.
Sur la zone témoin d’abord, « on observe davantage ce qu’on a vu sur le mini-profil : excepté l’horizon de surface, on reste de quelque chose d’assez massif jusqu’en bas de la fosse », note Pierre Durand. « Les dents du Terrano sont assez resserrées, ce qu’il lui permet de venir fissurer assez large l’horizon. En revanche, on peut voir de la terre fine qui descend au niveau des dents, mais cela reste globalement correct. Le principal inconvénient de cet outil reste son besoin d’une grosse puissance de traction (310 ch dans le cas de l’essai). »
En ce qui concerne le passage du décompacteur à dents Michel, Émilie Nivelle souligne « un travail plutôt satisfaisant. Au niveau de la structure, il a tendance à faire un effet de vague en soulevant les couches, mais elles se reposent assez naturellement. Avec un passage à 6-7 km/h, l’agriculteur a réussi à fissurer entre les passages de dents et il y a peu de descente de terre de fine au niveau de chaque dent ». « On n’observe pas de lissage, et le sol est plus aéré », complète Pierre Durand. C’est l’outil qui offre le « meilleur rapport qualité/prix » de l’essai.
Comme attendu, « le passage de sous-soleuse a fait son travail, mais entre les dents, on voit que rien n’a bougé. Antonin Oudin s’en sert principalement pour refaire ses passages de pulvé post-moisson ».
L’outil composé des dents Eco-Dyn est « celui qui a le plus chamboulé le sol en surface dans cet essai. Il a permis une bonne fissuration au niveau de la dent et sur les 10 cm autour, mais les dents étant assez écartées, il reste des zones non travaillées ».
« Tous les outils testés ont vraiment un intérêt à être couplés avec le semis d’un couvert végétal, car c’est le meilleur outil pour conserver la porosité créer et l’entretenir », note Pierre Durand.