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Vallée du Rhône

Nuit de gel catastrophique pour les arboriculteurs


AFP le 08/04/2021 à 17:22

« C'est la catastrophe ! » : les arboriculteurs de la vallée du Rhône n'ont pu lutter face aux fortes gelées qui ont touché leurs vergers dans la nuit de mercredi à jeudi, avec des pertes considérables à la clef.

Les dégâts sont encore difficiles à chiffrer, mais les premières remontées de terrain laissent craindre le pire. Plus encore pour les arboriculteurs, dont les productions étaient plus avancées, que pour les vignerons. « Au moins 80 % de notre production est touchée », explique Daniel Betton, qui exploite 55 hectares d’abricotiers à Mercurol-Veaunes (Drôme). « Les fruits qui étaient déjà sortis ont changé de couleur. À l’intérieur, l’amande est passée de blanche à brunâtre ». Lui et son fils ont utilisé sans succès des bougies chauffantes pour tenter de lutter contre le froid annoncé. « La température est devenue négative à partir de minuit et sur les coups de 7 heures, on est descendu à -4 degrés. Un petit vent a empêché la chaleur de se diffuser correctement », se désole M. Betton. « On a des avances de végétation d’au moins 15 jours par rapport aux autres années, ce qui fait que les conséquences s’annoncent redoutables puisque les abricots en étaient déjà au stade de petits fruits », indique Bruno Darnaud, secrétaire de la chambre d’agriculture de la Drôme, chargé de l’arboriculture. « Les arboriculteurs ont lutté toute la nuit. Ceux qui ont irrigué pour protéger ont eu l’effet inverse, tant le froid était sec, ils se sont retrouvés avec jusqu’à 4 centimètres de givre sur certains arbres », décrit encore M. Darnaud.

Dans l’Ardèche voisine, « on est descendu jusqu’à moins 7 degrés dans certains vergers et même des secteurs normalement non gélifs sont concernés », annonce Bernard Habauzit, responsable de la gestion des calamités agricoles à la chambre d’agriculture.

« Y’a rien qui a marché »

Les moyens largement déployés par les agriculteurs n’ont pas suffi à protéger les récoltes. « On a arrosé, on a chauffé et y’a rien qui a marché », affirme Stéphane Leyronas, dont les pousses de kiwi du bassin d’Aubenas se sont brisées sous le poids de la glace accumulée après qu’il a eu recours à l’aspersion. « J’ai aussi utilisé un canon à gaz et allumé plus de 700 chaufferettes qui n’ont même pas tenu la nuit », tant l’épisode de froid a duré.

« On a sélectionné le coteau principal et on a fait brûler des ballots de paille et des tas de bois pour essayer de sauver ce qui pouvait l’être », confie Rémy Nodin, vigneron à Saint-Péray (Ardèche), que l’adrénaline fait tenir après une nuit sans sommeil. « L’objectif était d’avoir un écran de fumée pour qu’au moment où le soleil arrive, il ne brûle pas la vigne à cause de l’humidité ». Mission en partie réussie, pour le jeune professionnel de 34 ans qui avait pris conseil auprès de confrères alsaciens plus habitués. « Des bourgeons de la vigne ont flétri, certaines vignes qui étaient bien avancées de 2-3 centimètres de haut ont noirci », note-t-il toutefois. « Dans le Rhône et la Loire », tous les secteurs sont impactés mais il est encore trop tôt pour mesurer les dégâts, « commente Christophe Gratadour, conseiller arboriculture à la chambre d’agriculture ». Nous craignons particulièrement le risque d’arrêt de sève sur les arbres qui ont subi des variations de températures importantes en quelques jours ». Fin mars, le thermomètre avait dépassé les 25 degrés sur plusieurs secteurs de ces deux départements. 

Jeudi matin, les feux allumés par les agriculteurs ont généré un voile de pollution sur la vallée du Rhône, conduisant l’organisme de surveillance de la qualité de l’air Atmo Auvergne-Rhône-Alpes à déclencher une « vigilance jaune » au regard « des niveaux de particules importants » . Sa directrice Marie-Blanche Personnaz a souligné que les agriculteurs étaient « tout à fait dans leur droit » en allumant ces feux, souvent de blocs de paraffine, mais aussi d’autres matières combustibles. « Mais il faudrait peut-être travailler sur le problème et trouver d’autres solutions quand le phénomène (de gel) est massif », a-t-elle relevé.