Moisson 2016

Les chiffres d’une récolte « catastrophique » de blé tendre s’affinent


Grandes cultures le 09/08/2016 à 18:25
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La société de conseil Agritel estime la récolte 2016 de blé tendre à 28,68 Mt, avec un maigre rendement moyen de 5,48 t/ha. Du jamais vu depuis 1983 ! La récolte 2016 « catastrophique » va impacter tous les acteurs et va faire perdre à la France, pour la première fois de son histoire, sa place de premier exportateur européen.

Après celles d’ODA et du ministère de l’agriculture, les estimations de production de blé tendre livrées par Agritel mardi 9 août 2016 confirment une moisson 2016 de blé tendre désastreuse.

Selon la société de conseil, le rendement national moyen en blé tendre va s’établir autour de 5,48 t/ha, soit une baisse de 26 % par rapport à la moyenne quinquennale de 7,39 t/ha. Malgré une hausse des surfaces de 1,2 % en un an, la production française sera de l’ordre de 28,68 Mt, soit 12,2 Mt de moins qu’en 2015, année qui avait été excellente.

« Nous n’avons pas enregistré de tels rendements depuis 1983, a expliqué Michel Portier, mardi 9 août 2016, lors d’une conférence de presse. Statistiquement parlant, la probabilité pour que de tels résultats soient enregistrés était très faible. « De tels résultats ne se produiraient que tous les 1500 ans. » Devant des journalistes inhabituellement nombreux en cette période estivale, le patron d’Agritel fait même la démonstration avec deux épis de blé, en apparence semblables : l’un ne compte que 17 grains, contre 50 pour l’autre épi « beaucoup difficile à trouver ».

La cause de ce bilan prévisionnel reste météorologique. « Les pluies printanières très abondantes ont bloqué les plantes. Ces dernières n’ont pas eu assez de luminosité en mai et juin pour que les épis se développent correctement et que les grains se remplissent. »

Pour les céréaliers français, se profile le pire scénario : la France est le seul grand pays producteur a subir une si faible récolte. Les autres pays vont enregistrer des récoltes « excellentes », notamment aux Etats-Unis, au Canada ou en Ukraine, voire « record » en Russie. En fait, la production mondiale de blé tendre devrait augmenter de plus de 23 Mt. Autrement dit : ce que n’auront pas moissonné les céréaliers français a été produit par leurs concurrents.

Ce pire scénario va se solder par une double peine : aux faibles rendements, et donc à la moindre production, s’ajoutent des prix bas qui ne se redresseront pas.

Agritel calcule ainsi que les céréaliers français vont perdre, en moyenne, environ 500 €/ha pour cette récolte 2016. Le calcul est simple : « une ferme céréalière moyenne de 120 ha pourrait perdre de l’ordre de 60 000 € ». Et les besoins de trésorerie seront de l’ordre de 1 000 €/ha, puisqu’il faut compter « 480 €/ha pour produire le blé de 2017 ».

La société de conseil suggère d’ores-et-déjà au Gouvernement de prendre de nouvelles mesures à court terme. « Il faut de toute évidence retirer l’année 2016 des années de référence en matière d’assurance récolte. » L’année 2016 fera mathématiquement baisser la moyenne quinquennale des rendements, et donc limitera encore les possibilités de déclenchement de l’assurance les prochaines années.

« Il faut aussi renoncer à l’obligation de livraison en matière de Pac. » Les vérifications en matière d’aides couplées végétales, comme pour le blé dur ou les pois, se font sur les volumes collectés. « Or, certaines parcelles ne méritaient pas d’être récoltées tellement les rendements étaient faibles. »

Le PDG d’Agritel dénonce aussi la convergence des aides européennes. « Il faut arrêter cette convergence entre pays européens. Ou du moins l’adapter jusqu’à ce que nos concurrents européens aient les mêmes charges que nos agriculteurs. » Selon lui, « les aides européennes doivent venir compenser les distorsions de concurrences entre pays ».

La récolte française 2016 de blé tendre est si désastreuse qu’elle va faire bouger l’échiquier du commerce mondial de grains : la France va perdre, pour la première fois de son histoire, son rang de premier exportateur européen de blé tendre, au profit de l’Allemagne. Outre la faiblesse du volume exportable, la qualité fera souvent défaut. « Les intempéries n’ont pas altéré la qualité sanitaire des blés. Nous n’avons pas de problème de qualité panifiable, ni de protéines, mais avec des poids spécifiques avoisinant les 70 kg au lieu des 76 kg requis dans les cahiers des charges, « la plupart des blés seront difficilement exportables ».

Le disponible exportable vers pays tiers serait de seulement 5,1 Mt pour la campagne 2016/2017, contre 12,8 Mt l’an passé. L’Allemagne pourrait quant à elle exporter 6,65 Mt.

En revanche, le piètre bilan 2016 ne devrait pas impacter la consommation intérieure, tant auprès des fabricants d’aliments que des meuniers, pas plus que les exportations au sein même de l’Union européenne.

Compte tenu des prix actuels du blé tendre sur les marchés, Agritel estime à 2 milliards d’euros la baisse de l’excédent commercial de la filière blé tendre. Pour les autres cultures – orge, blé dur, pois, maïs notamment – il faut s’attendre à une baisse supplémentaire d’un milliard d’euros.