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Consommation

Les boissons sans alcool arrosent le marché sans modération


AFP le 19/01/2022 à 07:05

Le même plaisir gustatif, le mal de crâne en moins : vins, bières et spiritueux sans alcool séduisent de plus en plus de consommateurs cherchant la modération mais pas forcément l'abstinence, une tendance qui dépasse les opérations ponctuelles de type « Dry January ».

« Je me suis mise à la bière 0% le soir après le travail, cela permet de limiter ma consommation d’alcool en semaine tout en gardant le plaisir d’une pause apéro et détente, sans le coup de fatigue qui vient après une bière alcoolisée. J’ai essayé plusieurs marques et franchement le plaisir du goût est là ! », raconte à l’AFP Elisabeth, 51 ans.

« Il y a beaucoup d’engouement et de curiosité pour ces boissons, mais comme la France est quand même le pays du vin, les consommateurs ont un niveau d’exigence élevé et il faut proposer de la qualité », résume Jean-Philippe Braud, fondateur du site « Gueule de Joie » qui regroupe 200 références non alcoolisées.

Avec 150 000 bouteilles vendues en 2021 – « soit 300 % de croissance en un an » – il constate une demande « très forte » du public mais aussi des bars et restaurants : « en quatre ans, on a vu naître des producteurs de spiritueux sans alcool, il y a aussi des alternatives chez les brasseurs et même des vignerons qui consacrent désormais une petite partie de leur production à la désalcoolisation ».

Ce segment des boissons pas ou très faiblement alcoolisées représente aujourd’hui 3,5 % du marché mondial de l’alcool en volume et devrait croître de 8% par an d’ici à 2025 – contre un faible + 0,7 % pour l’alcool classique, selon l’institut britannique IWSR Drinks Market Analysis, référence pour le secteur.

« Ces boissons, majoritairement consommées à la maison, ont bénéficié des confinements pendant lesquels beaucoup de gens ont aussi commencé à faire plus attention à leur santé », met en avant Emily Neill, responsable des opérations chez IWSR.

Et même si le « Dry January » – opération « mois sec » observée dans plusieurs pays – dynamise les ventes, ces dernières « sont beaucoup plus étalées qu’auparavant sur le reste de l’année » souligne-t-elle. « C’est une vraie tendance de fond qui touche des profils divers : des sportifs qui veulent réduire leur consommation d’alcool, des personnes au régime, des femmes enceintes, ceux qui veulent alterner alcool et sans alcool, ou qui nous achètent pour des raisons culturelles ou religieuses », constate Sabrina Stansfield, co-fondatrice d’Alavie, apéritif pétillant vendu 49 euros les trois bouteilles.

 « Sans sucre »

Encore récemment, ce marché était dominé par des boissons « positionnées bas de gamme et bourrées de sucre, additifs et conservateurs, il manquait une offre saine. Nous utilisons des distillats botaniques faits à Grasse, des extraits de fleurs, fruits et épices, il y a un vrai savoir-faire pour obtenir une boisson sophistiquée sans sucre », indique-t-elle.

« Les offres aujourd’hui sont plus « premium » avec une recherche autour du goût, des ingrédients mais aussi de la bouteille, car l’idée c’est de l’assumer à côté du (vrai) gin dans son bar, alors que jusqu’à présent il y avait un côté un petit peu honteux au sans-alcool », renchérit Valérie de Sutter, fondatrice de JNPR – à prononcer Juniper, soit la baie de genévrier en anglais, composante essentielle du gin.

Vendu 28 euros, le principal spiritueux sans alcool de JNPR est distillé en alambic et a été élaboré avec un barman réputé : « l’expérience est quasi similaire sans être absolument identique » aux cocktails avec alcool, souligne Valérie de Sutter.

Les grands alcooliers ne sont pas en reste : Pernod Ricard propose le Ceder’s, gin sans alcool qui « marche très très bien. Le Pacific existe depuis des années, et Suze a sorti un cocktail déjà préparé, Suze Tonic Zéro. On observe qu’il y a de nouveaux consommateurs, qui sont parfaitement conscients des seuils de consommation. On s’adapte à leurs goûts », résume Emmanuel Vouin, responsable de l’engagement externe du groupe.

Pour Addictions France, « on ne peut pas reprocher [aux alcooliers] de vouloir vendre du sans alcool, mais il y a une collusion des intérêts entre les marques 0 % et les « pas 0 % » : quand ils font de la pub pour l’un, ça se répercute sur l’autre, l’idée c’est quand même de faire de la pub pour la marque alcool », estime Franck Lecas, responsable du pôle Loi Evin au sein de l’association.