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Pertes liées au gel

Les agriculteurs commencent à sortir leur ardoise


AFP le 16/04/2021 à 11:33
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Vignes ravagées, arbres fruitiers « cramés », betteraves gelées : les agriculteurs ont commencé à chiffrer les dégâts provoqués par l'épisode de gel intense qui frappe la France depuis près de deux semaines et a détruit plusieurs centaines de milliers d'hectares de cultures.

Tour d’horizon des premières estimations de manque à gagner pour les productions touchées.

Loi des séries pour le colza et la betterave

10 %, c’est le niveau de perte estimé pour les cultures de colza et de betterave. Cet épisode de gel est un nouveau coup dur pour ces cultures qui collectionnent les désillusions depuis quelques années : sécheresses et recul inexorable des surfaces pour le colza; fin des quotas sucriers, chute des cours puis maladie de la jaunisse pour la betterave. Pour cette dernière, il est possible de resemer. Mais avec de lourdes pertes de rendement et des frais importants : au total 600 euros de manque à gagner par hectare, selon le syndicat des betteraviers.

La viticulture amputée d’un tiers de sa récolte

Un tiers au moins de la production viticole française « sera perdu » à cause du gel, ce qui représente « à peu près deux milliards d’euros de chiffre d’affaires en moins » pour la filière, selon une première estimation communiquée à l’AFP par le secrétaire général de la FNSEA Jérôme Despey. Dans le département de l’Hérault, les vignes ont été littéralement « ravagées », a rapporté jeudi le ministre de l’agriculture Julien Denormandie sur Sud Radio. « On dit qu’il y a simplement deux zones viticoles qui n’ont pas été impactées, l’Alsace et la Charente. » « Tous les autres vignobles ont été très durement touchés », renchérit Luc Servant, vice-président des chambres d’agriculture.

Quelques motifs d’espoir subsistent, notamment en Champagne, dans la « résilience » de la vigne, selon Maxime Toubart, président du syndicat général des vignerons (SGV) de ce bassin de production : « Des contre-bourgeons commencent à pousser dans certains secteurs », a-t-il déclaré à l’AFP.

Des pertes « historiques » redoutées dans les vergers

Du côté des producteurs de fruits, l’abricot figure déjà parmi les principales victimes, avec une perte de production estimée à ce stade à 60 %. « On risque d’avoir de l’abricot en début de saison et plus on va aller dans la saison, moins il y en aura », souffle Bruno Darnaud, président de l’AOP pêche et abricots de France. « En pêches et nectarines, on espère 60-65 % de récolte », ajoute M. Darnaud. Il craint qu’une partie des nectarines présente « un aspect visuel un peu plus compliqué », avec des « noyaux fendus, des fruits déformés » par le gel.

Pour les pommes, « on est encore dans le pré-bilan », avance prudemment Daniel Sauvaitre, président de l’association nationale des pommes et des poires (ANPP). À ce stade, « grosso modo, on se dit que les pertes au minimum seront autour de 30 %, et dans le pire des cas ça peut être 50 % » pour la production de pommes. « Historiquement, une demi-récolte, ce n’est jamais arrivé », relève-t-il.

« Au doigt mouillé », M. Darnaud estime que la France peut s’attendre à perdre cette année « la moitié » de sa production de fruits, soit un manque à gagner d’un milliard et demi d’euros.

Le gouvernement promet une réponse « exceptionnelle ». À la demande du Premier ministre Jean Castex, le ministre de l’agriculture travaille, avec son collègue de Bercy Olivier Dussopt, sur la mise en place d’un « fonds exceptionnel ». Celui-ci « doit se substituer aux revenus que nos arboriculteurs, viticulteurs, n’auront pas », a précisé M. Denormandie. Beaucoup de viticulteurs et de céréaliers notamment ne sont pas couverts aujourd’hui pour le manque à gagner.

Après une première réunion le 12 avril, un nouveau rendez-vous lundi doit permettre de faire « avancer » le dossier, a-t-on indiqué dans l’entourage du ministre. Concernant le financement de ce fonds, « c’est l’État » qui l’abondera, précise-t-on de même source. « Concrètement les arboriculteurs, c’est à partir de mi-juin début juillet que les ventes s’opèrent et donc la perte sèche de revenus elle arrive à partir de là, donc on parle d’une période très courte », a déclaré le ministre. Au-delà, cet épisode a démontré selon M. Denormandie qu’il fallait refonder en profondeur l’assurance-récolte, qui « n’est plus gréée pour faire face à de tels épisodes ».