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Importations agricoles ukrainiennes

Les 27 durcissent les restrictions, sans plafonner le blé


AFP le 27/03/2024 à 19:12

Les Vingt-Sept se sont accordés mercredi pour durcir le plafonnement de certaines importations agricoles dédouanées venant d'Ukraine en ajustant les niveaux limites, mais sans restreindre les volumes de blé comme le réclamaient plusieurs Etats, dont la France et la Pologne. (Article mis à jour à 19h13)

Les ambassadeurs des Etats membres ont adopté une version légèrement modifiée de l’accord trouvé le 20 mars entre négociateurs des Etats et eurodéputés pour reconduire pour un an, à partir de juin, l’exemption douanière à l’Ukraine assortie de restrictions.

Ce texte faisait l’objet de divergences entre les Etats qui souhaitaient protéger plus strictement leurs marchés, notamment en plafonnant le blé et abaissant les niveaux de plafonnement, et les Etats entendant ménager les revenus commerciaux de Kiev.

Accordée depuis 2022 pour soutenir l’Ukraine face à l’invasion russe, cette exemption de droits de douane alimente la colère des agriculteurs européens, qui accusent l’afflux de produits ukrainiens de plomber les prix locaux et de relever d’une concurrence « déloyale ».

Selon l’accord, Bruxelles pourra adopter rapidement « des mesures correctives » en cas de « perturbations importantes » sur le marché, même dans un seul pays, avec une surveillance accrue des flux de céréales.

Surtout, les importations de volailles, œufs, sucre, maïs, miel et avoine exemptées de droits de douane seraient plafonnées aux volumes importés en 2022-2023, au-dessus desquels des tarifs seraient automatiquement réimposés.

Le compromis entériné mercredi « reste le même, avec un ajout : la période de référence pour l’activation du « mécanisme de sauvegarde » (niveau du plafonnement automatique) serait étendue au second semestre 2021 », selon un diplomate, évoquant « un équilibre extrêmement délicat ».

La France réclamait l’élargissement à l’année 2021 entière de cette période de référence, faisant valoir que les volumes de 2022-2023 correspondent à des importations déjà massives. Le Parlement européen s’y était également dit favorable, mais plusieurs Etats s’y refusaient farouchement.

Avant cet ajustement, Bruxelles prévoyait que les restrictions envisagées réduiraient au total d’environ 240 millions d’euros les exportations ukrainiennes vers l’UE par rapport à 2023.

« Déstabilisation »

Désormais, les eurodéputés se pencheront sur le texte amendé avant un vote final en plénière en avril, en vue d’une entrée en vigueur d’ici l’expiration au 5 juin de l’exemption douanière actuelle.

En revanche, le mécanisme de plafonnement n’inclut toujours pas le blé tendre et l’orge, comme le réclamaient plusieurs Etats –France, Pologne et Hongrie en tête– à l’unisson des organisations agricoles, et comme le souhaitaient initialement les eurodéputés.

Il fallait pour l’entériner une majorité qualifiée d’Etats (15 pays représentant 65% de la population de l’UE).

« On a une déstabilisation des marchés des céréales », en raison de « la stratégie russe d’empêcher l’Ukraine d’aller sur ses marchés traditionnels » en Afrique et au Moyen-Orient, avait fait valoir mardi le ministre français de l’Agriculture Marc Fesneau. Il avait défendu des « demandes équilibrées », se disant soucieux d’éviter d’éroder « le soutien de l’opinion » à l’Ukraine dans l’UE.

« Les routes maritimes via la mer Noire fonctionnent à nouveau, les produits ukrainiens vont retrouver leurs marchés », a observé son homologue hongrois Istvan Nagy. « Sans l’inclusion du blé, (l’accord) est inacceptable » pour Budapest, a-t-il prévenu.

Le texte adopté mercredi, préparé par la présidence belge du Conseil de l’UE, ne contient finalement qu’un engagement « renforcé » de la Commission européenne à activer des mesures de sauvegarde en cas de déséquilibre des marchés, notamment pour les céréales.

« Cette proposition de compromis est une bonne base pour la reprise de discussions avec le Parlement européen », assure cependant une source française.

Mardi, le ministre allemand de l’Agriculture Cem Özdemir s’était dit hostile à toute révision de l’accord initial. « Beaucoup ne comprennent pas que la défense de l’Ukraine, et donc notre défense à tous, ne consiste pas seulement à fournir des munitions, mais aussi à ne pas reprendre la propagande russe selon laquelle la baisse problématique des prix des céréales serait due aux livraisons ukrainiennes. Il n’y a aucune preuve de cela! », s’était-il agacé.

Kiev ne cache pas son incompréhension. « Nous sommes déçus. L’Ukraine a comblé un déficit de sucre dans l’UE », empêchant les prix de s’envoler trop, et lui « fournit environ 1 % de sa consommation totale d’œufs, 2 % de sa consommation de volaille: ce que pourraient facilement consommer les réfugiés ukrainiens », avait expliqué lundi à l’AFP le ministre ukrainien de l’Agriculture Mykola Solsky.