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Marché des céréales

Le blé reprend de la hauteur, inquiétudes sur les exportations russes


AFP le 29/03/2023 à 19:25

Déprimés par la crise bancaire et la reconduction de l'accord sur les exportations ukrainiennes, les cours du blé ont fini par rebondir ces derniers jours, stimulés par la stabilisation du système financier et des craintes d'un durcissement côté russe.

Sur le marché Euronext, la tonne de blé tendre est montée jusqu’à 271,75 euros mercredi, en hausse de plus de 11 % depuis son creux de la semaine dernière, qui constituait un plus bas de 14 mois. 

« Le marché est moins sous la pression de la crise bancaire, ce qui permet de revenir sur un marché un peu plus ouvert aux prises de risques et aux anticipations », a commenté Sébastien Poncelet, du cabinet Agritel. Par ailleurs, les intervenants s’inquiètent « de la menace d’un possible prix minimum imposé par la Russie » sur ses exportations de blé, a indiqué Jon Scheve, de Superior Feed Ingredients.

Le site d’information russe Agro Investor a rapporté vendredi que le ministère de l’Agriculture pourrait imposer la suspension des exportations de blé et de tournesol, du fait de la récente chute des cours. L’information a été contredite par l’agence Reuters, selon laquelle le gouvernement russe souhaite fixer un prix plancher pour assurer aux producteurs des revenus suffisants et non empêcher les exportations. Les autorités russes n’ont ni confirmé ni infirmé officiellement aucune des deux informations.

« Cela ressemble à une manipulation de marché », a affirmé Damien Vercambre, du cabinet Inter-Courtage. « Alors que le marché avait de bonnes raisons de baisser, les Russes font remonter les prix du blé artificiellement. » Les tensions liées à la Russie ont été encore accentuées par la décision du géant agroalimentaire américain Cargill de ne plus contribuer aux exportations de céréales russes à compter de la campagne 2023/24, qui débute en juillet, selon une déclaration transmise à l’AFP.

Le ministère russe de l’agriculture a assuré à Reuters que cette mesure n’aurait pas d’impact sur les exportations du pays.

L’« anxiété » des fermiers russes 

Selon Andreï Sizov, du cabinet SovEcon, les volumes de blé exportés par la Russie n’ont pas fléchi et se situent toujours actuellement autour d’un million de tonnes par semaine. Les agriculteurs russes souffrent du poids de la taxe à l’exportation imposée par Moscou, qui se situe autour de 50 dollars la tonne et comprime leurs marges, selon l’analyste. « Il y a beaucoup d’anxiété chez les fermiers russes » en ce moment, rapporte l’analyste, au point que certains envisagent de réduire les surfaces dédiées au blé.

« Il y a eu un appel d’offre hier de la Turquie, sur lequel il n’y a pas eu clairement d’offre russe », relève Sébastien Poncelet. « C’est un peu ambigu », et cela « entretient la théorie et la rumeur. Peut-être qu’ils n’ont juste pas été retenus pour cette offre, au profit d’un blé ukrainien moins cher ». 

« Cela recentre l’attention du marché sur le fait que tout n’est pas idéal en mer Noire », principale origine d’exportation des céréales russes mais aussi ukrainiennes, observe Michael Zuzolo, de Global Commodity Analytics and Consulting. Côté ukrainien, « les surfaces plantées sont attendues en baisse par rapport à l’an dernier », rappelle Dax Wedemeyer, d’US Commodities, ce qui ajoute un facteur d’incertitude.

À la Bourse de Chicago (CME), le prix du blé d’hiver de variété SRW (Soft Red Winter Wheat) a grimpé mercredi jusqu’à 7,24 dollars le boisseau (environ 27 kg), un sommet de plus d’un mois.

La crispation sur le marché du blé est aussi favorisée par la flambée du maïs, les deux céréales évoluant souvent de concert. Les cours du grain jaune sont aiguillonnés par un coup de chaud des commandes chinoises aux Etats-Unis. Depuis mi-mars, la Chine a acheté pour près de 3 millions de tonnes de maïs américain, ce qui représente plus de 6 % des exportations totales de la graminée depuis les États-Unis pour l’ensemble de la campagne en cours.

Pour Dax Wedemeyer, le marché reste néanmoins prudent à l’approche du rapport annuel du ministère américain de l’Agriculture (USDA) sur les surfaces plantées aux États-Unis, qui va renseigner sur les arbitrages des fermiers américains.

« Il y a pas mal d’incertitude du fait des coûts (de production) du maïs par rapport au soja », le premier étant nettement plus gourmand en engrais que le second, explique-t-il, soulignant que plusieurs analystes ont récemment relevé leurs prévisions de surfaces dédiées au soja. « Cela devrait nous offrir un feu d’artifice vendredi. »