L’affichage de la composition des vins européens fait débat
AFP le 31/05/2023 à 14:11
Longtemps exemptés d'indiquer leur composition aux consommateurs, les vins européens vont avoir la possibilité de le faire par le biais d'un QR code plutôt que sur l'étiquette, une solution qui ne satisfait pas les associations écologistes du secteur.
Le vin peut contenir de nombreux additifs comme le soufre, le blanc d’œuf, la vessie de poisson séchée et divers composés chimiques, mais il a longtemps bénéficié d’un régime d’exception.
Alors que la plupart des produits alimentaires sont soumis à un affichage de leur composition depuis des décennies, c’est seulement en 2017 que la Commission européenne a estimé qu’il n’y avait aucune « raison objective » de maintenir ce passe-droit.
La nouvelle règle, qui entrera en vigueur en décembre, exige que les vins produits dans l’UE détaillent leur composition. Soit sur l’étiquette, comme les autres produits alimentaires, soit selon une méthode qui leur est propre, avec un QR code renvoyant vers un site internet.
« La Commission a compris la nécessité d’être flexible sur la manière de communiquer ces informations sans perturber notre commerce », souligne Ignacio Sanchez Recarte, secrétaire général du Comité européen des entreprises vinicoles (CEEV), qui conteste aussi auprès de la Commission européenne le projet irlandais d’apposer des avertissements sanitaires sur les boissons alcoolisées.
« Le vin ne suit pas de recette. Le raisin évolue en fonction du soleil et des conditions climatiques… Les ingrédients ne sont pas les mêmes d’une récolte à l’autre », explique-t-il.
Le CEEV considère donc que l’étiquetage numérique est le seul moyen d’obtenir l’adhésion de tous les viticulteurs de l’UE (au nombre de 2,2 millions en 2020, selon Eurostat). Il permet également la traduction des ingrédients dans toutes les langues européennes.
Coûts et conséquences
« Vous vous imaginez (…) scanner plusieurs QR codes pour comparer par exemple les additifs de trois vins, mémoriser les résultats et faire votre choix ? », rétorque Olivier Paul-Morandini, fondateur d’une association qui milite pour plus de transparence dans le secteur du vin, Transparency for Organic World Association (TOWA).
L’association estime aussi que l’instauration de ces QR codes témoigne d’un manque d’engagement en faveur d’une agriculture plus respectueuse de l’environnement, pourtant présentée par l’UE comme une de ses priorités.
Les « étiquettes électroniques » favoriseraient, en effet, les agriculteurs conventionnels utilisant des pesticides et des engrais chimiques, qui reçoivent l’écrasante majorité des subventions de la politique agricole commune.
Pour Julien Guillot, viticulteur biologique en Bourgogne (centre-est), pas besoin de QR code lorsqu’il s’agit d’un vin en biodynamie, dans lequel il y a « très peu de produits ajoutés ». L’étiquette sur la bouteille suffit. « Par contre, un grand négociant, il lui faudrait un dictionnaire donc, évidemment, un QR code sera nécessaire », résume-t-il.
« Nous n’avons pas seulement besoin d’une liste d’ingrédients. Nous devrions avoir une liste de toutes les conséquences de l’agriculture conventionnelle et de son coût », ajoute M. Paul-Morandini. « La pollution des sols, de l’eau, de la santé et de l’environnement a un prix qui est payé par les consommateurs et la société ».