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[Reportage] Quinoa

La petite graine commence à prendre racine en France


TNC le 12/07/2019 à 06:58
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Selon Damien et Marion Breteau, il est essentiel de penser aux débouchés avant de se lancer dans une nouvelle production. (©Barbara Atès)

À son installation en 2014, Marion Breteau et son compagnon décident de se lancer dans une diversification originale : la production de quinoa, une plante exotique des hauts plateaux andins, où elle est cultivée depuis plusieurs millénaires à 4 000 m d'altitude. Des conditions de culture très différentes de celles du Berry où se situe l'exploitation des jeunes agriculteurs. Qu'est-ce qui les a donc incité à choisir cette espèce, plutôt rare dans les assolements français ? Réponse dans ce reportage...

En 2014, Marion Breteau rejoint son compagnon Damien qui a repris l’exploitation familiale de 350 ha, dont 80 ha de prairies destinés aux 70 vaches Salers. Les jeunes agriculteurs cultivaient du blé, de l’orge, du colza et du tournesol. Mais pour le blé, ils sont en concurrence avec des pays qui produisent moins cher. Quant au colza, compte tenu des conditions météorologiques, une fois sur deux, il ne lève pas. Ils décident alors de se diversifier.

Lors de leur cursus, à l’École supérieure d’agriculture de Purpan, ils avaient eu un cours sur les graines issues d’autres continents, dont le quinoa. Cette dernière pourrait peut-être remplacer certaines cultures de l’exploitation, dont les performances techniques ou économiques ne sont plus garanties. Mais pas question de foncer sans réfléchir : ils rencontrent d’abord quelques-uns des rares producteurs français et partent au Pérou, pour découvrir les méthodes de culture du quinoa, le matériel utilisé et les techniques de préparation.

Une culture différente

Le quinoa n’est pas si simple à cultiver. Il existe plus de 120 variétés, aux couleurs très diverses (blanc, noir, rose, rouge, vert, violet, marron) et dont la hauteur peut varier entre 50 cm et 3 m : les unes poussent sur les hauts plateaux, les autres en bord de mer, certaines supportent la sécheresse alors que quelques-unes préfèrent l’humidité… Avant de décider laquelle semer, Marion a fait plusieurs essais sur 4 ha. Puisque le quinoa est une culture de printemps, les jeunes producteurs réalisent les semis en mars pour une récolte en septembre. Étant en TCS, ils ne labourent pas et préparent le sol avec un déchaumeur Terrano. Ils utilisent un semoir monograine, avec une densité de 10 kg/ha. La levée est une étape délicate : le climat doit être chaud sans trop d’humidité.

Le désherbage n’est pas simple non plus : il n’existe pas d’herbicide homologué pour le quinoa en France car cette culture est très peu répandue. La principale difficulté : éradiquer les adventices de la même famille, c’est-à-dire appartenant aux chénopodiacées. Marion et Damien se servent d’une bineuse et pour les parcelles trop sales, ils terminent à la main. Le reste de la croissance de la plante se déroule sans trop de problèmes, avec parfois un peu de mildiou et lors de la floraison, l’apparition d’insectes de type altises ou pucerons. La récolte est assez simple et s’effectue à la mi-septembre : les plants mesurent alors autour d’1,10 m et il est possible d’utiliser une moissonneuse classique moyennant quelques réglages. Au fil des années, le couple a gagné en technicité et cultive désormais 40 ha de quinoa. Il pratique une rotation sur cinq ans, sachant que cette culture structure très bien le sol.

Un produit fini complexe

Avant d’être consommées, les graines doivent être débarrassées de leur couche protectrice. Généralement, cette étape consiste à les brosser ou les frotter pour enlever la saponine, puis ensuite à les laver pour supprimer tous résidus. Marion et Damien ont mis deux ans à mettre au point leur technique de désaponification, avec une machine qu’ils ont adaptée. Ils la gardent donc secrète et n’excluent pas de la faire breveter. En revanche, ils partagent volontiers le reste de l’expérience qu’ils ont acquis avec d’autres agriculteurs du Cher qu’ils forment à la culture du quinoa.

Penser commercialisation avant toute production

Selon Marion, il est essentiel de penser aux débouchés avant de se lancer dans une nouvelle production. C’est pourquoi elle a lancé une étude de marché, dont les résultats se sont avérés encourageants. En France, en 2017, la consommation de quinoa avoisinait 6 000 t, importées à 70 %. Cet aliment est en effet très prisé grâce à sa haute valeur nutritionnelle et son absence de gluten.

Même si 80 % de sa production est vendue aux grossistes, Marion a créé sa propre marque, qu’elle a baptisée « Sa majesté la graine », et développé le site web samajestelagraine.com, où les consommateurs peuvent notamment consulter la liste des distributeurs, de l’épicerie fine au supermarché, et trouver des recettes. L’agricultrice commercialise aussi du petit épeautre (30 ha) et des lentilles corail (30 ha).

Pour promouvoir son quinoa et assurer sa commercialisation, Marion a su utiliser les réseaux sociaux et impliquer les élus qui, chacun à leur manière, ont contribué à la notoriété de la marque. Par exemple, la carte du restaurant parlementaire à l’Assemblée nationale propose un plat nommé « Barbue rôti, galette moelleuse de quinoa du Berry ».

Un défi rentable

Finalement, la culture du quinoa est plus rentable qu’une céréale. Les rendements sont conséquents − 2,2 t/ha − mais la semence reste onéreuse. D’ailleurs, la principale difficulté lorsqu’on commence une nouvelle culture est d’obtenir une bonne semence, qui soit adaptée au terrain et les jeunes agriculteurs n’en ont pas encore trouvé qui le soient parfaitement aux sols argilo-calcaires et limono-argileux de l’exploitation. À côté du quinoa, de l’épeautre et des lentilles corail, ils continuent à cultiver du blé, commencent le pois et n’ont presque plus de colza, d’orge ni de tournesol.

Pour l’avenir, ils se dirigent en douceur vers une production de quinoa bio. Marion s’implique sur les réseaux sociaux et essaie, en particulier, de faire prendre conscience aux consommateurs, qu’acheter un produit français limite l’empreinte carbone et que si son prix est souvent supérieur aux aliments des contrées lointaines, les exigences sanitaires pour le produire, comme les salaires, sont nettement supérieurs.