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Classement Saint-Emilion

La décision sur un procès connue le 28 mai 2020


AFP le 05/03/2020 à 18:20

La cour d'appel de Bordeaux dira le 28 mai si deux figures influentes du Bordelais doivent être jugées devant le tribunal correctionnel pour avoir pris une part active dans le classement des grands crus de Saint-Emilion de 2012 alors que leurs châteaux étaient candidats, a-t-on appris jeudi par les avocats des parties.

La chambre de l’instruction de la cour d’appel de Bordeaux a mis sa décision en délibéré après avoir examiné mercredi à huis-clos l’appel du parquet contre le renvoi en correctionnelle de Hubert de Boüard et Philippe Castéja, ordonné le 16 août dernier pour « prise illégale d’intérêts » par une juge d’instruction. Au dernier classement de 2012, Hubert de Boüard, consultant viticole et copropriétaire du Château Angélus, avait été propulsé 1er grand cru classé A, tandis que le négociant Philippe Castéja, propriétaire du Château Trottevieille, était maintenu 1er grand cru classé B.

Hubert de Boüard et Philippe Castéja siégeaient tous deux au comité national des vins de l’Inao (Institut national de l’origine et de la qualité), établissement public sous tutelle du ministère de l’agriculture qui révise tous les dix ans ce classement à gros enjeux commerciaux et financiers. Ce comité a eu un rôle crucial car il a adopté les règles du classement élaborées par des juristes, désigné les membres de la commission de classement et approuvé la liste des lauréats avant homologation ministérielle.

Dans son ordonnance, la juge d’instruction reprochait aux deux propriétaires d’avoir participé à des réunions clés de ce comité, « alors qu’ils avaient des intérêts personnels dans des exploitations candidates ». En particulier, M. de Boüard était «omniprésent» à tous les stades du processus de classement. La justice n’a toutefois pas pu établir qu’ils avaient voté des délibérations. MM. de Boüard et Castéja ont toujours balayé les accusations de conflit d’intérêts, assurant qu’ils s’étaient retirés des délibérations. L’affaire était partie des plaintes en 2013 de trois exploitations familiales – Croque-Michotte, Corbin-Michotte et La Tour du Pin Figeac – qui accusaient les deux hommes d’avoir été « juges et parties » dans le processus de classement et dénonçaient un « combat à armes inégales ». « L’impact a été immédiat tant sur les ventes que sur la valeur de la propriété », a affirmé à l’AFP Jean-Noël Boidron, propriétaire de Corbin-Michotte, qui avait toujours figuré dans ce classement depuis sa création en 1955.

« On espère que ce sera l’aboutissement d’un long combat de 8 ans, éprouvant et asphyxiant économiquement » pour les trois châteaux et qu’« un procès public aura lieu pour que tous les éléments soient sur la table », a déclaré leur avocat, Me Eric Morain, après l’audience. « On espère véritablement un non-lieu car l’information judiciaire a apporté la preuve que Hubert de Boüard n’avait jamais indirectement ou directement influé sur le classement », a répondu son avocat Antoine Vey, jugeant « malveillante » la démarche des « trois châteaux déclassés ». Le parquet général, qui représente le ministère public à la cour d’appel, a demandé la confirmation du renvoi en correctionnelle.