La bataille contre les adventices se joue sur le long terme


TNC le 15/05/2025 à 12:30
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Quel facteur limitant peut expliquer la présence d'une adventice ? Guillaume Bouchard compile les éléments de diagnostic pour répondre à cette question et faire émerger des solutions sur le long terme. (© TNC)

Entre un contexte réglementaire restreint et une pression accrue, la lutte contre les adventices représente un véritable défi pour les exploitations agricoles. Agronome indépendant, Guillaume Bouchard nous explique la méthode qu’il utilise avec les agriculteurs qu’il suit pour élaborer une stratégie de gestion sur le long terme.

« Si une adventice est présente dans une parcelle, c’est qu’elle a trouvé un milieu adapté pour s’y développer. Il faut alors déterminer quels éléments de l’itinéraire technique ont permis de lever les conditions de levée de dormance », indique Guillaume Bouchard, agronome indépendant et fondateur d’Agro Cohérence.

« Avec les agriculteurs que j’accompagne, le diagnostic démarre toujours par une présentation globale de l’exploitation : assolement, contexte pédo-climatique, organisation du travail et main-d’œuvre, travail du sol, matériel, attentes professionnelles et personnelles… » L’objectif est « d’avoir un premier aperçu du fonctionnement de la ferme et de comprendre les clés de décision de l’agriculteur ».

Compiler les briques du diagnostic

On passe ensuite à « un diagnostic plus technique sur la fertilité des sols, en regardant d’abord les indicateurs de la fertilité physique, avec un test bêche puis un pénétromètre, afin d’identifier de possibles problèmes de compaction ou de tassement notamment. Si nécessaire, on peut aller jusqu’au profil de sol ».

Pour la partie chimique, « on a recours aux prélèvements de sols. Des analyses sont également nécessaires sur le plan biologique, pour déterminer la part de matière organique (MO) stable, et fraîche, ainsi que la biomasse microbienne présente dans les sols. » L’agronome travaille, pour cela, en lien avec le laboratoire Célesta-Lab. « L’idée est de faire émerger les problèmes afin de co-construire avec l’agriculteur les potentielles solutions. On prend en compte ce qui a déjà été testé sur l’exploitation. »

Guillaume Bouchard s’inspire également des travaux de Gérard Ducerf sur les plantes bio-indicatrices. « Le ray-grass se plaît, par exemple, dans les sols riches en matière organique et en nitrates, avec une présence aussi de potasse, magnésium et calcium non disponibles pour les plantes. À l’inverse, le vulpin des champs semble plus présent dans les sols avec de la potasse, du magnésium et du calcium solubles dans l’eau, dans des sols compactés où l’air circule mal et avec peu de MO. Dans le cas des vulpins des prés, la MO est fortement présente, mais sous forme stable, donc non disponible pour les micro-organismes. »

« Cela donne une indication supplémentaire, c’est une des briques qu’on utilise pour compléter le diagnostic. On se base aussi sur les analyses de sols et de sève, vraiment quantifiables. »

Pour déterminer le facteur limitant

Une fois tous ces éléments réunis, « on est censé pouvoir déterminer le facteur limitant : compaction de sol, excès de nitrates, manque de matières organiques stables ou fraîches, ou de biomasse microbienne ? On va alors reprendre l’itinéraire de l’agriculteur sur les cinq dernières années, pour déterminer les pratiques qui ont engendré ou aggravé ce facteur limitant. »

« Si on a identifié un problème de compaction par exemple, la solution est simple en théorie. On va chercher dans une vision stratégique long terme à restructurer le sol et restaurer la fertilité, via un travail sur la MO, un questionnement sur le travail du sol et le choix du matériel (poids, fréquence d’utilisation). »

L’agronome propose alors des ateliers de « prise de recul » pour réfléchir à la mise en place d’un itinéraire technique détaillé, en prenant en compte les objectifs de l’agriculteur. Car cette vision stratégique se traduit aussi dans une tactique annuelle sur le choix d’assolement, des couverts ou encore des outils à utiliser, en fonction des contraintes pédo-climatiques de l’exploitation.

« Exemple avec l’utilisation de la herse étrille, qui sera déterminée selon les créneaux météo disponibles. Les décisions sont à adapter au quotidien, tout en gardant en tête notre vision stratégique. Il ne faut pas, non plus, être dogmatique en fonction des conditions de l’année. On peut prévoir un travail du sol même si on a l’objectif à long terme de s’en passer, et réfléchir à une action pour pallier cela. »

« Le retour sur investissement peut être plus ou moins rapide selon les problématiques. Dans un sol très argileux, faible en MO, on peut rehausser assez vite le taux car le sol sera capable d’absorber beaucoup de MO. Après tout va dépendre aussi de l’accès à la MO… Les actions des couverts ou d’un changement d’outil peuvent également montrer vite des résultats, contrairement à d’autres pratiques, comme la fissuration. »

En général, beaucoup d’essais sont réalisés sur des solutions de gestion individualisées, que l’on compare les unes aux autres, mais l’agronome encourage plutôt à une combinaison de solutions pour lutter contre les adventices. « L’objectif de tout ce travail est de rendre l’exploitation plus robuste et résiliente. »