Gestion des ravageurs d’automne du colza : ne pas miser que sur un seul levier


TNC le 03/06/2025 à 18:03
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Trois leviers agronomiques sont testés cette année sur la plateforme de Monchy-Lagache (Somme) pour limiter l'impact des ravageurs d'automne du colza. (© TNC)

A l’occasion d’une visite d’essais organisée à Monchy-Lagache (Somme), les équipes de Terres Inovia sont revenues sur les principaux résultats d’essais du projet Adaptacol², dédié au déploiement de stratégies de protection intégrée du colza contre l’altise d’hiver et le charançon du bourgeon terminal.

« Pour limiter l’impact des ravageurs d’automne et obtenir un colza robuste, c’est un tout ! Il ne faut pas miser que sur le levier phytosanitaire, rappelle Nicolas Latraye, ingénieur Terres Inovia Hauts-de-France.

Et c’est ce que tient à mettre en avant l’institut technique à travers ces différentes plateformes d’essais, menées pour le projet Adaptacol², initié dans le cadre du plan d’action de sortie du phosmet.

Trois leviers mis à l’épreuve

« Ce dernier n’est pas un plan de remplacement de la molécule. L’homologation du cyantraniliprole est en cours, et les régions concernées par des phénomènes avérés de forte résistance des grosses altises aux pyréthrinoïdes ont déjà pu obtenir une dérogation en 2024. Mais pour préserver les solutions, il convient de mobiliser tous les leviers possibles ».

Sur la plateforme de Monchy-Lagache, dans la Somme, trois leviers agronomiques sont testés cette campagne :

– La technique d’implantation : avec un semoir à céréales, un semoir monograine et un passage de strip-till ;

– La fertilisation à l’automne : ammonitrate, DAP, NPS et phosphore seul ;

– L’association avec des plantes compagnes : avec un mélange composé de 50 kg/ha de féverole, 5 kg de trèfle et 10 kg de vesce.

Quels résultats ?

« On n’est pas encore arrivé au rendement et puis c’est un essai sans répétition, qui n’a pas donc pas vocation à servir de référence, mais il permet d’illustrer les atouts et les inconvénients de chaque pratique », note Nicolas Latraye.

Parmi les enseignements, l’ingénieur régional souligne un gain de biomasse de 20 à 30 % en entrée hiver grâce à l’apport d’azote : « on retrouve les unités apportées dans la biomasse du colza en entrée hiver et aussi en sortie hiver. L’apport de phosphore seul n’apporte rien au niveau de la biomasse, l’apport de soufre et de phosphore en complément à l’azote permet, en revanche un gain supplémentaire ». En témoignent les pesées de biomasse réalisées dans cet essai en entrée hiver : 1,33 kg/m² pour le témoin, + 30 % pour la modalité ammonitrate, + 29 % pour le DAP, + 4 % pour le P seul et + 40 % pour le NPS.

« L’apport azoté au semis apporte un coup de pouce, mais la valorisation est à peu près équivalente avec un apport en végétation à l’automne. Il convient toutefois de respecter la réglementation du programme d’actions régional directive nitrates (PAR 7). » « Si on choisit d’apporter de l’azote au semis, la culture valorisera un peu mieux un apport localisé : + 30 % de biomasse en entrée hiver dans cet essai par rapport au témoin, contre + 24 % en plein. »

« Malheureusement cette année ou plutôt heureusement, on n’a pas vu d’impact sur les dégâts d’altises car on avait une pression assez faible des larves. On était à 2-3 larves/plante dans les zones non traitées », précise Nicolas Latraye.

Le semoir monograine est également mis en avant comme un atout pour sécuriser davantage l’implantation du colza : 1,6 kg/m² de biomasse en entrée hiver, contre 1,4 kg/m² avec le semoir à céréales dans cet essai. En moyenne, Terres Inovia recense un gain de biomasse de 500 g/m² en entrée hiver, d’après 56 essais réalisés entre 2021 et 2024, sans dégrader le bilan environnemental et sans augmenter la dose totale apportée. Le levier strip-till n’a pas pu être évalué dans cet essai de Monchy-Lagache, à cause de soucis techniques au semis.

En ce qui concerne les plantes compagnes, « elles ne permettent pas forcément de gagner en biomasse, mais on observe une légère réduction du nombre de larves d’altises en entrée hiver ». Nicolas Latraye conseille également de diminuer de 30 unités la fertilisation azotée des colzas associés, grâce à la concurrence racinaire permise entre le colza et les plantes campagnes.

Lors de la visite d’essais, l’expert a aussi insisté sur l’importance d’observer son sol. Il recommande de le faire dans le précédent du colza dès le mois de juin, voire mars, pour anticiper le travail du sol à réaliser avant l’implantation. Un test bêche permet d’identifier un possible lissage, tassement du sol. L’objectif que l’on vise, c’est un pivot de colza descendu à 15 cm pour l’hiver. Réussir son implantation, c’est déjà une grande partie de la survie du colza assurée lors de la campagne et donc du rendement ».

Une combinaison de solutions à moduler

Depuis août 2022, les équipes du projet Adaptacol² multiplient les essais sur les leviers d’actions à l’échelle d’une parcelle ou d’un territoire. Dans les résultats observés, une bonne vigueur et un bon comportement variétal se sont révélés être de bons atouts pour limiter l’impact des pressions larvaires.

Concernant les biostimulants, aucun effet significatif n’a été relevé dans les 19 essais mis en place entre 2022 et 2024, ni sur l’infestation, ni sur les dégâts larvaires. Les résultats d’essais des produits de bioncontrôle testés au champ sont également peu encourageants : « leur efficacité est nettement inférieure à celle des pyréthrinoïdes et ils impliquent des contraintes non négligeables (météo, répétition des applications, coût). »

Terres Inovia a aussi mis en place 8 essais en 2023 et 2024 sur les mélanges variétaux : « les dégâts et les rendements du mélange sont proches de la moyenne des variétés conduites en pur. Pour les dégâts, la meilleure variété en pur (Feliciano KWS) est meilleure que le mélange. Et pour le rendement, la meilleure variété en pur (Helypse) est également meilleure que le mélange ». « D’autres essais en 2022-23 ont démontré que le piège à altises KWS Escape ne présente pas d’intérêt pour réduire les dégâts et l’impact sur le rendement du colza ».

Au sujet des pièges à altises, l’institut technique pousse davantage l’utilisation du radis chinois pour détourner ces insectes des parcelles de colza en les attirant sur des parcelles d’interculture. Le radis chinois se démarque des espèces testées par sa forte attractivité et il est, de plus, facile à détruire.