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Production betteravière

Face à la baisse de production, Tereos va fermer une sucrerie et une distillerie


TNC le 08/03/2023 à 18:14
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Face à la baisse de la production betteravière en France depuis plusieurs années, Tereos annonce la fermeture de deux sites industriels : la sucrerie d'Escaudoeuvres et la distillerie de Morains. (©AIBS)

Actant « une baisse de volumes de betteraves », s'expliquant en grande partie par des difficultés agronomiques sans solution alternative depuis l'interdiction de l'usage des néonicotinoïdes, le groupe Tereos a annoncé ce mercredi 8 mars la fermeture d'une partie de la sucrerie d'Escaudoeuvres, dans le Nord, et de la distillerie de Morains dans la Marne, menaçant 149 emplois. (Article mis à jour à 18h37)

Le 8 février dernier, les betteraviers défilaient avec 500 tracteurs à Paris pour protester contre l’interdiction totale des néonicotinoïdes, insecticides nocifs pour les abeilles utilisés par dérogation en France pour protéger les semences de betteraves contre le virus de la jaunisse. Ils s’inquiétaient des répercussions de cette décision « dans toute la filière ».

Un mois plus tard, et malgré une forte hausse du prix du sucre, de l’alcool et de l’éthanol qui a fait bondir ses ventes au dernier trimestre 2022 (+ 34 %), Tereos, deuxième producteur mondial de sucre à base de betterave (Béghin Say), justifie sa décision de fermer deux sites par « une réduction durable » de la production de ces racines en 2023-24.

Face à ces difficultés et « aux enjeux de décarbonation et de modernisation de ses infrastructures », le groupe a donc décidé d’arrêter l’activité sucrière du site d’Escaudoeuvres dans le Nord (123 postes) et de sa distillerie de Morains dans la Marne (26 postes), a-t-il précisé dans un communiqué. Tereos, qui a traversé ces dernières années une grave crise de gouvernance, avait prévenu fin février qu’il s’attendait à une augmentation de sa dette nette du fait de la hausse des prix des matières premières et de l’énergie.

La direction de Tereos France, qui a annoncé ce mercredi ces projets de fermeture aux représentants des personnels concernés, affirme vouloir privilégier un reclassement de ses salariés via « la mobilité interne », en proposant « différents postes au sein des autres sites » du groupe dans la région, a indiqué Christophe Lescroart, directeur des activités agricoles et industrielles Europe, cité dans le communiqué. Pour autant, ces annonces pourraient conduire à la suppression de 149 postes, ainsi que la vente d’une amidonnerie.

À Escaudoeuvres, la sucrerie va fermer, mais 30 postes seront maintenus sur le centre logistique du site, qui compte notamment des silos de stockage, a-t-on précisé.

« Filière en danger »

Le président de la région Hauts-de-France, Xavier Bertrand (LR), et des élus locaux ont immédiatement réclamé dans un courrier l’organisation d’une réunion sous l’autorité du préfet « afin d’évoquer les vraies motivations de la fermeture de ce site ». Pour les élus locaux et les salariés, la décision de Tereos est un choc. Nicolas Siegler, président de la Communauté d’Agglomération de Cambrai, est très remonté contre le groupe sucrier. Chez nos confrères de l’Observateur, il estime que l’annonce de Tereos est un « cataclysme pour nos territoires ». Les salariés de l’usine du Nord ont manifesté devant l’entrée du site, dès l’annonce de la direction.

« Il se produit exactement ce que l’on craignait : les surfaces (de culture de la betterave) ont diminué d’environ 7 % en France et c’est maintenant toute la filière qui est en danger, des producteurs jusqu’aux sucreries », a réagi auprès de l’AFP Franck Sander, président de la Confédération générale des planteurs de betteraves (CGB).

Après leur mobilisation dans la rue et pour les inciter à planter, le gouvernement leur avait promis une indemnisation totale de leurs pertes en cas d’épisode de jaunisse en 2023. « Le prix de la betterave n’a jamais été aussi élevé. C’était l’année ou jamais pour planter. Le principal facteur expliquant la baisse des surfaces est l’interdiction des néonicotinoïdes, parce qu’on n’a toujours pas de solution alternative pour protéger nos cultures », a martelé M. Sander.

La baisse des surfaces emblavées est supérieure à 10 % dans le secteur d’Escaudoeuvres, selon Tereos. La campagne de ramassage et de production, habituellement de 110 jours, est cette année estimée à seulement 25 à 45 jours. Les betteraves récoltées près de cette usine seront désormais transformées « sur les sites voisins », précise le groupe.

La distillerie de Morains est quant à elle la seule des six que compte le groupe à ne pas être intégrée à un site industriel. La décision de la fermer est liée à une diminution des volumes traités et à la « sous-utilisation » du site depuis plusieurs années. Par ailleurs, Tereos a annoncé chercher un acquéreur pour son amidonnerie de pommes de terre sur son site de Haussimont (Marne), qui emploie 65 personnes. 

Déjà en juin 2022, Tereos n’excluait pas de fermer une usine en France.

La production de pommes de terre féculières (dont l’amidon est utilisé dans l’industrie, la chimie ou la pharmacie) a chuté de 28 % en 2022 du fait de la sécheresse. Les surfaces en 2023 sont en recul de 12 % sur un an, selon l’Union nationale des producteurs de pommes de terre (UNPT). « Cela menace directement les dernières usines de transformation présentes sur notre territoire », celle de Tereos à Haussimont et celle du groupe Roquette à Vecquemont (Somme), avait alerté l’UNPT en janvier.