Et si les couverts végétaux étaient une clé contre le ray-grass ?


TNC le 22/10/2025 à 11:30
Temoin

La plateforme d'essais de Vineuil est conduite en conditions agriculteur, et va aller jusqu'à la récolte de l'orge d'hiver. (© Astrid Mordon)

Le 9 octobre dernier, Astrid Mordon, agronome indépendante, avait donné rendez-vous aux agriculteurs qu’elle accompagne pour réaliser une première visite de la plateforme d’essais couverts végétaux, installée à Vineuil dans l’Indre.

Les couverts végétaux peuvent-ils être un levier pour lutter contre le ray-grass ? Et si oui, comment ? C’est tout l’objet de la plateforme d’essais mise en place cette campagne par Astrid Mordon dans l’Indre, avec l’appui des étudiants en BTS Agronomie Cultures Durables (ACD) du lycée Naturapolis de Châteauroux.

« 10 modalités de couverts en interculture courte, entre blé tendre et orge d’hiver, ont été implantées. Les mélanges sont composés de 2 à 7 espèces, pour un coût allant de 55 à 110 €/ha et une moyenne de 70-80 €/ha. Ce sont vraiment des couverts à valeur agronomique », souligne l’experte.

Retrouvez le détail des modalités et des densités de semis, la modalité 1 correspond au témoin sans couvert

Modalité 2  Densité (kg/ha) Densité (gr/m²) Modalité 3 Densité (kg/ha) Densité (gr/m²) Modalité 4  Densité (kg/ha) Densité (gr/m²) Modalité 5  Densité (kg/ha) Densité (gr/m²) Modalité 6  Densité (kg/ha) Densité (gr/m²)
Vesce commune 10 25 Avoine brésilienne 15 68 Sorgho fourrager 25 167 Moutarde brune 1,5 50 Moutarde brune 1,5 50
Phacélie 3 150 Phacélie 6 300 Colza fourrager 8 133 Sarrasin  8 36 Sarrasin 5 23
Sorgho 8 53 Radis fourrager 7 41 Tournesol 6 15 Tournesol 5 13
Fénugrec 5 31 Moha fourrager 5 217 Moha fourrager 3,5 152
Moutarde d’Abyssinie 1,5 30 Sorgho fourrager 5 33 Sorgho fourrager 3,5 23
Moutarde brune 1,5 50 Vesce commune 10 25
Radis chinois 0,5 4 Pois fourrager 35 19
Total 29,5 343 28 409 33 300 25,5 351 63,5 306
Modalité 7  Densité (kg/ha) Densité (gr/m²) Modalité 8 Densité (kg/ha) Densité (gr/m²) Modalité 9  Densité (kg/ha) Densité (gr/m²) Modalité 10  Densité (kg/ha) Densité (gr/m²) Modalité 11  Densité (kg/ha) Densité (gr/m²)
Phacélie 5 250 Phacélie 4 200 Phacélie 4 200 Sarrasin 7 32 Avoine Brésilienne 5 23
Tournesol 8 20 Tournesol 6 15 Sorgho fourrager 8 53 Sorgho fourrager 8 53 Phacélie 3 150
Pois fourrager 25 5 Pois fourrager 20 11 Pois fourrager 20 11 Phacélie 3 150 Lin de printemps 4 73
Vesce commune 10 50 Vesce commune 10 25 Vesce commune 10 25 Trèfle d’Alexandrie 2,5 81 Fénugrec 5 31
Colza fourrager 3 50 Colza fourrager 1 17 Radis fourrager 3 18 Radis fourrager 3 18
Vesce commune 11 28
Total 48 325 43 301 43 306 23,5 334 31 323

« Des espèces plus efficaces que d’autres »

« Les couverts à base de vesce commune et de pois fourrager présentent les meilleurs taux de levée et une implantation homogène. Les crucifères (radis, moutardes) ont un comportement plus variable ; la phacélie, souvent faible à la levée, a peu contribué à la couverture réelle. Les graminées estivales (sorgho, moha, avoine) ont levé de façon irrégulière selon les blocs », observe Astrid Mordon. 

Concernant le ray-grass, des comptages ont été réalisés dans les différentes modalités, et les notes s’échelonnent de 2 à 9 selon l’échelle de Barralis, sachant que le témoin est à 7 (entre 20 et 50 plantes/m²). Les analyses montrent, à ce jour, « qu’il n’y a pas d’effet de la densité de semis du couvert, ni du pourcentage de levée globale (entre 100 et 400 grains/m², les repousses de blé ont également été prises en compte). C’est l’architecture du couvert qui joue le plus contre le développement du ray-grass », estime l’experte.

« En effet, l’effet modalité est hautement significatif, ce qui confirme que la composition du couvert influe sur le ray-grass. L’effet bloc est non significatif, l’essai est homogène. La PCA (analyse en composantes principales) montre que les couverts efficaces se regroupent dans le quadrant vesce–pois–tournesol–radis et la régression multiple confirme que la vesce et le pois sont positivement corrélés au score de réussite. »

Pour le moment, « les modalités 5, 9, 10 et 11 sont les plus performantes : elles associent légumineuses (vesce, pois) à des espèces hautes et structurantes (tournesol, radis, colza). Les mélanges riches en phacélie ou sorgho présentent plutôt un effet « flash » : une bonne levée initiale, mais une perte rapide d’efficacité. »

Pour l’agronome, « ce n’est pas une question de diversité, ou de nombre d’espèces… Il vaut mieux rester sur un mélange de 4-5 espèces, mais qui soit bien ciblé. Le ray-grass étant une espèce héliophile et nitrophile, la concurrence à la lumière a vraiment joué ».

À noter aussi : « les couverts performants ne sont pas les plus coûteux, les modalités 5 et 9 combinent, par exemple, efficacité et rentabilité positive. Les couverts complexes ou mal levés (7, 8, 11) sont peu rentables. Enfin, les légumineuses apportent un gain azote et carbone intéressant (jusqu’à + 80 €/ha de valeur restituée) ».

Modalité 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11
Coût du couvert (€/ha) 79,59 € 75,45 € 77,98 € 57,69 € 110,51 € 93,57 € 85,17 € 84,05 € 67,64 €

69,66 €

Ces premiers résultats restent bien sûr à confirmer, l’orge d’hiver vient d’être semée et les observations vont suivre jusqu’à la récolte de cette dernière.

Ne pas oublier le levier rotation

Astrid Mordon précise que cette parcelle a connu, pour le moment, peu de couverts et est inscrite dans un système colza-blé-orge. En cas de forte infestation de ray-grass, « il ne faut pas démarrer par les couverts, précise l’experte. On peut être déçu du niveau de réussite, selon la pression adventice de la parcelle. Le levier rotation est plutôt à envisager comme première porte d’entrée, avec une, deux voire trois cultures nettoyantes à la suite.

« Tout va dépendre du système, on peut envisager un tournesol dans des situations séchantes, du millet, ou du sarrasin, et du maïs dans des contextes avec une meilleure réserve utile. Vu le prix des céréales, la jachère peut également être réfléchie dans des contextes vraiment difficiles. En zone intermédiaire, on a abandonné l’élevage, et c’est dommage ! Les leviers prairies ou luzerne peuvent être de véritables plus, la culture de porte-graines est également intéressante selon les contextes. »