En intercultures, la cameline permet de réaliser 3 cultures en 2 ans
TNC le 13/05/2025 à 05:39
Cultivée historiquement en France, la cameline revient sur le devant de la scène grâce à ces nombreux atouts agronomiques et à de nouveaux débouchés liés à la décarbonation du secteur aérien.
« Aujourd’hui, la cameline en France, c’est peu d’hectares mais cette culture peut prendre une tout autre envergure grâce à ses atouts agronomiques et à ses débouchés », explique Cédric Dufour, agronome chez Saipol, lors d’une conférence organisée sur le stand de l’Acta au dernier salon de l’agriculture.
Historiquement cultivée en France et en Europe, la cameline a en effet disparu au 19e et 20e siècle pour revenir depuis quelques années. On comptait en 2022, 2 800 ha de cameline cultivée en culture principale (dont 1 000 ha en bio) et 3 300 ha en intercultures en France.
Des atouts agronomiques indéniables
C’est bien là l’une des originalités de cette culture oléagineuse de la famille des brassicacées. Son cycle très court, 90 jours, lui permet d’être cultivée en culture principale, en pure ou en association, mais aussi en dérobée. « Rustique, elle est peu exigeante en eau et en intrants, peu sensible aux variations de températures et aux fortes chaleurs et résiste bien aux bioagresseurs », souligne Domitille Jamet, chargée d’études en systèmes de culture et agronomie pour Terres Inovia.
Ses graines riches en huile et en oméga 3 sont utilisées pour l’alimentation humaine et animale, pour les cosmétiques, les composés chimiques mais aussi dans une nouvelle filière à fort potentiel, les biocarburants.
Carburant d’aviation durable
Un débouché qui pourrait se développer rapidement. Le règlement RefuelEU Aviation, adopté en octobre 2023, fixe un cadre pour le déploiement progressif de carburants d’aviation durables dans l’Union européenne. Les fournisseurs de carburants du secteur aérien doivent progressivement augmenter la part de ces carburants faiblement carbonés : de 2 % en 2025, ce pourcentage devra s’élever à 70 % en 2050. Tous les avions qui effectuent leur plein dans un aéroport de l’Union européenne sont concernés.
« Pour être éligible à la production de carburant d’aviation durable, le critère n’est pas l’espèce mais le mode de culture », explique Cédric Dufour. Les intercultures sont éligibles, puisqu’elles ne prennent pas la place d’une culture à vocation alimentaire sur les sols. Une aubaine pour la cameline.
Intercultures d’été ou d’hiver
« En intercultures, la cameline permet de faire 3 cultures en 2 ans sur les sols, dont deux cultures alimentaires, confirme Sylvain Marsac, responsable du pôle bioressources à Arvalis. Avec ses services écosystémiques, comme la couverture du sol, la limitation de l’érosion et du lessivage, elle entre tout à fait dans les critères de durabilité. »
En interculture d’hiver, la cameline doit être semée dans la première quinzaine d’octobre. Elle offre une bonne couverture du sol en hiver, fleurit en mars-avril et ne nécessite que 40 à 60 unités d’azote sur son cycle. « Tout l’enjeu est ensuite de bien réussir sa récolte. Il faut récolter le plus tôt possible pour ne pas impacter la culture suivante, explique Sylvain Marsac, soit fin mai-début juin. Un travail sur les variétés est en cours pour cela. » Dans les essais réalisés avec le projet Carina, le rendement se situe entre 10 et 12 q/ha.
En interculture d’été, la cameline est semée entre le 20 juin et 10 juillet, après la récolte de la culture principale. La floraison a lieu en août et elle arrive à maturité en septembre-octobre. La récolte idéale se situe avant la mi-octobre pour ensuite pouvoir semer une culture d’hiver.
Peu d’intrants, une fertilisation pas nécessaire en cas de précédent légumineuse, une bonne résistance aux bioagresseurs, une espèce mellifère en août au moment où les abeilles ont peu de choses à butiner… sont autant d’atouts à mettre à son crédit.
Tributaire de la météo estivale
« La difficulté en intercultures d’été, ce sont les conditions climatiques. Il faut avoir au moins 20 mm de pluie au semis, des températures pas trop élevées au moment de la floraison mais tout de même assez pour permettre une arrivée à maturité avant la mi-octobre, et pour finir avoir un créneau favorable pour la récolte avant mi-octobre. La cameline est donc compliquée à cultiver dans les parties tout au nord et tout au sud de la France », reconnaît Domitille Jamet. « Les résultats restent variables sur les 53 parcelles d’agriculteurs suivies dans le cadre du projet Carina. Certains n’ont pas récolté en raison des conditions climatiques ou parce qu’ils ne maîtrisaient pas encore l’itinéraire technique. Mais les autres ont obtenu entre 4 et 10 q/ha, et on a noté un potentiel autour de 15 q sur certaines parcelles. »
« Saipol propose un prix garanti à 600 €/t rendu agriculteur. Il faut donc assurer un rendement de 8 q/ha pour couvrir les coûts engendrés pour la culture de la cameline », complète Cédric Dufour. La filiale du groupe Avril propose aussi une « assurance récolte » par l’intermédiaire des organismes de collecte, en contrepartie du respect d’un cahier des charges.
« Depuis 30 ans, aucun travail de recherche variétale n’avait été réalisé sur la cameline. C’est une culture orpheline, tout doit être recommencé. Il faut travailler la sélection génétique avec les semenciers sur la précocité et le rendement ; l’itinéraire technique pour maîtriser le semis notamment, la formation… », énumère l’agronome de Saipol. C’est toute une filière qui est en train de se construire. Mais à n’en pas douter, la nouvelle réglementation sur le carburant d’aviation devrait aider la cameline à prendre son envol en France.