En Charente, une start-up s’attaque au stress hydrique des plantes
AFP le 03/09/2025 à 11:15
Rendre les cultures plus résistantes à la sécheresse, c'est le défi d'Elicit Plant, start-up basée en Charente qui a développé un biostimulant « naturel » et « pas toxique » affichant jusqu'à 20% d'économie d'eau. De quoi cibler un « marché immense » avec le réchauffement climatique.
Dans les champs d’essais qui entourent le siège de cette société d’agrobiotechnologie à Moulins-sur-Tardoire, à 20 km à l’est d’Angoulême, les maïs non traités ont jauni sous les fortes chaleurs – jusqu’à 40°C en août.
Mais malgré cet été caniculaire, le troisième plus chaud jamais enregistré en France après 2003 et 2022, les parcelles qui ont reçu une pulvérisation de phytostérol, molécule naturellement présente dans la membrane des cellules des plantes, gardent des feuillages verts et une capacité à conserver leur eau, observe Jean-Paul Genay, responsable agronomie d’Elicit Plant.
« Nos produits permettent à la plante de moins perdre d’eau, avec moins de transpiration et un développement racinaire plus important », explique-t-il à l’AFP. « On arrive à obtenir des gains de rendement grâce à une plante qui arrive à fonctionner un peu plus, parce qu’elle a encore de la surface verte. » « Finalement, le manque d’eau n’est pas une fatalité », lance Aymeric Molin, directeur opérationnel et cofondateur en 2017 d’Elicit Plant avec Olivier Goulay et Jean-François Déchant.
« Régulation de la plante »
L’entreprise, qui compte 80 salariés, a développé une technologie brevetée basée sur ces molécules biostimulantes, déjà utilisées en cosmétique et « impliquées dans la régulation de la plante lorsqu’un stress va survenir », souligne Magdalena Kutnik, responsable des recherches au sein de la jeune pousse.
« Les phytostérols sont des lipides, donc du gras », dit à l’AFP Hubert Schaller, directeur de recherche au CNRS et biologiste à l’Institut de biologie moléculaire des plantes (IBMP) de Strasbourg. « Ce sont des renforçateurs membranaires, d’une part, et, d’autre part, de petites quantités de stérols sont des précurseurs de molécules régulatrices de la croissance des plantes », précise-t-il.
Ces molécules, présentes dans notre alimentation végétale, sont aussi commercialisées comme compléments alimentaires.
Installée dans la ferme familiale d’Aymeric Molin, Elicit Plant dispose de laboratoires de biologie et de chimie, de chambres de culture, de serres et de parcelles expérimentales. Alors que la quantité d’eau nécessaire pour produire 1 kg de maïs en grain s’élève à environ 450 litres en zone tempérée, l’entreprise se targue de ramener ce volume à 360 litres.
Une publication scientifique en 2019 a permis d’observer qu’un apport externe de phytostérols avait un effet bénéfique sur le stress hydrique de la plante.
Selon Hubert Schaller, l’effet des stress environnementaux (chaleur, manque d’eau) induit chez les plantes une modification de la composition en stérols, mais le mécanisme d’action reste à décrire en détail.
Elicit Plant, qui a levé 45 millions d’euros de fonds fin 2024, affiche pour l’heure un chiffre d’affaires compris entre 5 et 8 millions d’euros, mais son marché est d’envergure mondiale. Après une autorisation de commercialisation en France, en 2021, ont suivi l’Ukraine et le Brésil en 2023, l’Union européenne en 2024 et les États-Unis en 2025.
« Marché immense »
« On a une capacité de s’adresser à un marché immense », se réjouit Aymeric Molin. En outre, Elicit Plant a scellé des accords avec plusieurs géants de la chimie, comme Bayer ou BASF, pour bénéficier de leur réseau de distribution. « On s’est adossé à de grandes entreprises de l’agrochimie qui, elles aussi, font leur mutation vers des biosolutions qui ne sont pas toxiques », ajoute le dirigeant, qui évoque un « levier de croissance commercial extraordinaire ».
Pour l’heure, la gamme d’Elicit Plant concerne le maïs, le blé, l’orge ou le tournesol, mais ses laboratoires planchent sur d’autres cultures comme la vigne, le coton ou le colza.
Et, au-delà de la résistance à la sécheresse, ses chercheurs scrutent d’autres effets bénéfiques des phytostérols. « On s’intéresse également au stress thermique, aux maladies fongiques.
L’idée, en améliorant la santé de la plante, c’est de la préparer à mieux lutter contre différents types de stress environnementaux », conclut Magdalena Kutnik.