Accéder au contenu principal
Mécanisation

Dans le vignoble, les machines à vendanger taillent leur chemin


AFP le 07/09/2020 à 12:05

Pour la première fois, Vincent Laroche, vigneron en Côte d'Or, va récolter une partie de son raisin avec une machine à vendanger. Une accélération de la mécanisation du vignoble qui doit beaucoup à un « effet Covid » mais aussi à l'amélioration de technologies made in France.

« En mars, j’ai acheté une machine neuve. Je voulais être sûr de pouvoir faire mes vendanges sans vendangeurs en cas de reconfinement en septembre », indique à l’AFP ce producteur de vins de Chablis. Jusqu’à l’an dernier, il était l’un des derniers viticulteurs de sa région à récolter entièrement à la main ses 27 hectares.

Et ce Bourguignon continue de cueillir le raisin de ses plus belles parcelles avec une équipe de 40 personnes à pied d’œuvre ce lundi. « Jamais je ne mettrai une machine à vendanger dans les premiers crus et les vieilles vignes », assure-t-il.

Avec les règles sanitaires de distanciation liées au Covid-19, il « aurait fallu louer deux bus au lieu d’un » pour transporter chaque matin tous les vendangeurs au pied des ceps. « Un surcoût de 5 à 7 % », calcule Vincent Laroche. Malgré le prix de la machine, il se rassure en se disant qu’il pourra toujours « la revendre l’an prochain ».

Dans d’autres domaines viticoles, l’impossibilité d’employer des travailleurs saisonniers, bloqués derrière les frontières européennes en raison de la pandémie, a aussi encouragé la mécanisation.

À Chablis, les machines assurent déjà 95 % de la récolte, une proportion bien supérieure à la moyenne française. Plus des deux-tiers du vignoble hexagonal est aujourd’hui vendangé mécaniquement, contre un petit tiers encore ramassé par des « coupeurs ».

« Il y a plus de demandes de machines cette année, certains vignobles en achètent, d’autres préfèrent louer », confirme Jacques Servoles, directeur viticulture du constructeur Pellenc, basé près d’Aix-en-Provence.

Pellenc, une entreprise de 1 800 salariés créée en 1973 qui appartient au groupe français Edify (ex-Somfy), est l’un des trois principaux constructeurs mondiaux de machines à vendanger, tous nés en France, terre de vignes.

« Les verjus, on n’en veut pas »

Les deux autres, Braud, installé en Vendée et Grégoire, près de Cognac, ont été rachetés par des industriels italiens, New Holland (groupe Fiat) pour le premier, et Same Deutz-Fahr pour le deuxième.

Exportant aux quatre coins de la planète viticole, du Chili à l’Afrique du Sud en passant par la Californie ou l’Australie, ces trois constructeurs, qui étaient au départ des entreprises familiales, sont devenus « des leaders mondiaux », avec 85 % du marché global, indique Alain Savary, directeur général du syndicat français des industriels de l’agroéquipement Axema.

En France, le boom des machines à vendanger, dont les prix vont aujourd’hui de 60 000 à 250 000 euros, a eu lieu dans les années 80. Pour faire baisser les coûts de production. « Il se vendait alors 1 000 machines par an », se souvient Jacques Servoles.

Certaines appellations comme la Champagne interdisant la mécanisation dans leurs cahiers des charges, la progression a fini par ralentir.

Aujourd’hui, les ventes en France concernent 500 à 600 machines par an, tractées ou automotrices, soit un marché de 180 millions d’euros si l’on inclut les matériels d’occasion et le service après-vente.

« Mais depuis cinq ans, on observe une reprise » y compris en bio et y compris dans des régions traditionnelles comme la Bourgogne, le Sancerre ou le Médoc, ajoute Jacques Servoles. En 2019, le marché français a progressé de 7 %, selon Axema.

Les progrès de machines bourrées d’électronique, de GPS, de tablettes tactiles, équipées de tables de tri intégrées (grappes égrenées, sans rafle, sans feuille), font peu à peu oublier les premières générations qui « arrachaient les ceps », se souvient un vigneron.

Autre avantage cité, à l’heure du réchauffement climatique : les machines faciliteraient les vendanges de nuit, en plein développement dans le sud pour éviter une surchauffe en température des raisins lors de la récolte.

Certains vignerons résistent, surtout dans le haut de gamme. « La vendange mécanique, ce n’est pas vraiment notre truc », dit à l’AFP Albéric Bichot qui possède six domaines en bio entre Côtes-de-Nuit, Pommard, Vosnes-Romanée, Côte de Chalons, Beaujolais et Chablis. « Chaque matin, on briefe les vendangeurs pour leur dire le type de raisin qu’on veut. Mais la machine, elle, ramasse tout. Nous, les verjus (raisin vert), on n’en veut pas ».