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Témoignages

Dans le Grand Ouest, des semis de céréales à l’arrêt depuis mi-octobre


TNC le 13/11/2023 à 17:39
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L'avancée des semis de céréales d'hiver 2023 est très différente selon les régions et les contextes pédo-climatiques. (© Nadège Petit/Banque d'images FranceAgriTwittos)

Dans plusieurs régions, les importants cumuls de pluie ont mis à l’arrêt les chantiers de semis de céréales d’hiver depuis quelques semaines, comme en Charente-Maritime. Dans l’attente de conditions plus favorables, les agriculteurs restent avec beaucoup d’interrogations.

FranceAgriMer vient de livrer son rapport hebdomadaire Céré’Obs : 67 % des semis de blé tendre sont réalisés au 6 novembre 2023, contre 91 % à la même date en 2022 et 83 % sur la moyenne 2018-2022.

L’avancée est disparate selon les régions : Île-de-France, Normandie, Hauts-de-France, Centre-Val-de-Loire, Provence-Alpes-Côte-d’Azur, Grand-Est et Bourgogne-Franche-Comté ont dépassé le cap des 75 %. À l’inverse, Auvergne-Rhône-Alpes et Pays-de-la-Loire comptent 44 % des surfaces emblavées (94 % l’an dernier), 39 % en Bretagne (71 %) et 24 % en Nouvelle-Aquitaine (94 %).

Du côté de l’orge d’hiver, on compte 81 % des semis effectués au niveau national au 6 novembre (96 % en 2022 et 91 % pour la moyenne quinquennale). Là encore, cela cache une avancée hétérogène selon les territoires : 100 % en Grand-Est ou 30 % en Nouvelle-Aquitaine notamment.

Dans plusieurs secteurs, les chantiers de semis des céréales sont à l’arrêt depuis quelques semaines, faute de conditions favorables. Au 7 novembre, Eric, lecteur de Terre-net installé en Charente-Maritime comptabilise, par exemple, entre 250 et 330 mm autour de Saintes et jusqu’à 380 mm à Chérac, tout ceci en l’espace de 3 semaines !, témoigne-t-il. « Avec ces cumuls, les semences de blé et d’orge d’hiver sont encore très majoritairement chez les coops et négoces, et je ne crois pas de semis possible avant la fin du mois dans les terres les plus faciles. Les quelques blés semés (du 15 au 17 octobre) dans le voisinage sont beaux pour l’instant et ne semblent pas souffrir d’attaque de pucerons. » « Il est préférable d’avoir une telle quantité d’eau à cette époque qu’en plein hiver. Sur un sol détrempé ne pouvant plus absorber un litre d’eau, les conséquences seraient vraiment désastreuses », estime l’agriculteur de Charente-Maritime.

« On est dans l’attente, avec beaucoup d’interrogations »

Avec ces conditions météo, plusieurs se remémorent les semis 2019. Pour Cyril Sacré, responsable terrain appro chez Terre Atlantique, la situation n’est pas comparable : « la moitié des semis de céréales à paille étaient réalisés à cette période (85 % fin novembre). Aujourd’hui, on est à peine à 15 % réalisés dans le secteur ». Et des intempéries sont encore annoncées jusqu’au 15 novembre a minima…

« Dans les terres de groies, il faudra compter au moins 4-5 jours de ressuyage et 10-13 jours dans les sols hydromorphes », notent les équipes régionales Arvalis de Poitou-Charentes. « Et même un mois dans certains contextes pédoclimatiques », ajoute Cyril Sacré. « En orge d’hiver, on se fixe la limite de début décembre ; en blé, on peut aller plus loin. Ou sinon, il faudra réfléchir à des cultures de printemps, mais cela peut remettre en cause la rentabilité économique et la gestion des semences aussi. Pour le moment, on est dans l’attente, avec beaucoup d’interrogations », explique le responsable de la coopérative. Des questions se posent aussi pour les parcelles déjà implantées : « la plupart n’ont pas pu être désherbées et on n’a plus de solutions en post-levée pour gérer efficacement le ray-grass… »

En ce qui concerne les semis à venir, les équipes Arvalis de Poitou-Charentes conseillent « d’attendre que le sol soit ressuyé sur toute l’épaisseur de la couche, de ne pas travailler trop profond et d’utiliser le matériel le plus léger possible, afin de maximiser les chances de créer une structure favorable à la levée puis à l’enracinement des cultures. Des tassements profonds pourraient réduire les réserves en eau exploitables et exposer davantage les cultures aux stress hydriques… ».

Quelques adaptations nécessaires en cas de semis tardifs

Les experts Arvalis passent également en revue les principales adaptations à avoir en tête dans le cas de semis tardifs : l’augmentation de la densité de semis, tout d’abord. « Le décalage de la date de semis impacte directement la dose de semis, à la fois à cause du risque de perte à la levée et du tallage fortement réduit », rappellent-ils. « Dans certaines situations, un changement de variété peut s’avérer préférable. Cependant, il n’est pas nécessaire de se ruer vers des variétés alternatives ou de printemps notamment pour le blé tendre. En effet, les variétés de type ½ hiver ou ½ alternatives restent souvent les plus productives pour des semis jusqu’en février, et cela même si elles présentent une tardiveté significative (+ 5 à 10 jours à épiaison) par rapport aux variétés de printemps ».

Les conditions actuelles vont également avoir des conséquences sur la gestion des adventices : les implantations plus tardives ainsi qu’un recours au labour probablement accru peuvent permettre de réduire la pression graminées. […] Les désherbages de post-levée seront sans doute compromis ou impossibles, obligeant à désherber en sortie d’hiver voire en prélevée si les chantiers le permettent et les conditions climatiques sont favorables. 

En ce qui concerne la fertilisation, « elle devra être adaptée, avec un potentiel de rendement revu à la baisse et un enracinement retardé, notamment en sortie d’hiver et au printemps. Le faible tallage causé par le semis tardif devra peut-être être soutenu en sortie d’hiver par des apports adaptés. » Sur le plan des bioagresseurs, les équipes Arvalis rappellent l’exposition accrue des plantules aux limaces dans le cas des implantations en novembre ou décembre. Les semis plus tardifs sont toutefois moins exposés aux maladies (piétin verse, piétin échaudage, mosaïque…) car ils échappent aux premières contaminations pendant l’hiver. Les maladies foliaires prennent généralement du retard par rapport à la plante du fait du rythme accéléré des sorties de feuilles en semis tardifs. 

« On apprend la patience avec les années »

Pour Stéphane Olivier, installé avec son frère en Charente, pas question de recourir au labour pour la partie de l’exploitation en agriculture de conservation des sols (ACS) depuis 7 ans. Avec 320 mm reçus depuis la mi-octobre, l’agriculteur a pu seulement implanter 10 ha (triticale) sur les 130 ha de semis de céréales d’hiver prévus (blé tendre, blé dur et orge d’hiver). « La question s’était posée de commencer à semer avant le 15 octobre, mais c’était trop tôt, trop sec et il faisait trop chaud… Dans le secteur, la mi-octobre correspond au début de la fenêtre des semis de blé pour éviter le risque de gel à la formation des épis, ainsi pour limiter les soucis de ray-grass et d’insectes. L’année dernière, les parcelles semées plus tard sont celles qui ont obtenu les meilleurs résultats. »

« Avec les années, on apprend la patience. » De plus, malgré les cumuls de pluie, l’agriculteur observe « une très bonne portance des sols » en ACS. « J’ai voulu faire un test avant-hier après-midi avec le semoir direct à dents : après 320 mm, la ligne de semis est tout à fait correcte sur la partie limoneuse, c’est juste dans les mouillères où le tracteur marque encore trop. » Stéphane Olivier estime à un peu moins d’une semaine le temps nécessaire pour le ressuyage de ses sols. Dans les adaptations, il prévoit uniquement d’augmenter la densité de semis : « 320-350 gr/m² au lieu des 260 gr/m² habituels. Généralement, je passe aussi le rouleau pour toutes les cultures après le semis, là ce sera à voir en fonction des parcelles pendant l’hiver », précise-t-il.