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Reportage Dephy Limagne 63

Cumuler au moins six leviers agronomiques pour réduire son IFT


TNC le 08/10/2021 à 18:03
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« Le plus fort d’un groupe est moins fort que tout le groupe », tel pourrait être le slogan du réseau Déphy Limagne 63 selon Frédéric Moigny (à droite), responsable d’équipe agronomie à la chambre d’agriculture du Puy-de-Dôme et Rémy Rivaton, agriculteur à Gerzat (à gauche). (©Emilie Durand)

Depuis près de 10 ans, le réseau d’agriculteurs Dephy Limagne 63 travaille pour réduire l’utilisation des produits phytosanitaires, avec succès. Pour cela, les agriculteurs combinent plusieurs leviers. Rémy Rivaton, agriculteur en bordure de Clermont-Ferrand donne quelques clefs de sa réussite technique comme économique.

« En dix ans, 80 % des agriculteurs du réseau Dephy Limagne 63 ont baissé leur indicateur de fréquence de traitements sanitaires (IFT) », annonce d’emblée Frédéric Moigny, responsable d’équipe agronomie à la chambre d’agriculture du Puy-de-Dôme. Durant toutes ces années, un groupe d’une dizaine d’exploitations a été suivi et accompagné dans le but de réduire l’utilisation de produits phytosanitaires tout en conservant une bonne rentabilité. « Certains agriculteurs en sont sortis au fil des années et d’autres y sont rentrés, maintenant une bonne dynamique », explique Frédéric Moigny.

Limiter l’utilisation des herbicides est l’objectif du réseau dans les cinq ans à venir. (©Groupe Dephy Limagne 63)

Rémy Rivaton, agriculteur sur près de 60 ha à Gerzat, banlieue proche de Clermont-Ferrand témoigne : « Cela permet de réfléchir en groupe. C’est plus efficace et plus porteur ! Les accompagnateurs du réseau vont chercher de l’information ailleurs pour nous la retransmettre. » Rémy ne met plus d’insecticides depuis bientôt dix ans. Installé agriculteur en 1999, après une vie de commerçant, il reprend 117 ha à l’époque puis perd, année après année, de la surface en lien avec l’artificialisation des terres. Un Ikea géant est installé à quelques centaines de mètres de ses parcelles de maïs. Si très vite, il s’est orienté vers une baisse des phytosanitaires, il n’a jamais eu de pression de la part des riverains à ce sujet. Il reconnaît cependant qu’il existe un « code de bonne conduite » quant à leur utilisation (épandage la nuit, pas le dimanche, etc.).

Agir en préventif et non en curatif

La gestion des adventices reste, pour lui, le problème majeur à gérer dans son système de production (SAU 2021 : 28 ha de blé, 16 ha de maïs, 11 ha de soja, 2 ha de jachères, 4 ha de luzerne, 10 ha de bandes enherbées, noisetiers, chênes, etc.). Cette année, malgré l’humidité, il s’est passé de fongicide, après avoir diminué les doses de 2/3 les autres années, avec succès. « Un des réflexes des agriculteurs quand il y a un mauvais résultat, c’est de se dire : j’aurais dû traiter !, relève Frédéric Moigny Seulement, cela n’aurait rien changé car quand il n’y a pas d’eau comme en 2019 et 2020, la plante ne pourra de toute façon jamais pousser correctement. Or avec le changement climatique, ce type de situation risque de se reproduire régulièrement ! ».

De son côté Rémy Rivaton revient à l’origine de son engagement dans le réseau et de son questionnement : « Je n’aimais pas trop labourer. Je n’avais pas l’impression que cela aidait la terre à vivre, au contraire. Je voulais travailler autrement. » Aussi, se positionne-t-il dès les années 2010 sur du semis direct, lui permettant d’économiser du fioul. Il tente aussi de modifier la rotation « blé-maïs », typique de la plaine de la Limagne. « J’ai tenté du lin oléagineux, de l’orge d’hiver, de la féverole, de la luzerne. Voilà six ans que j’ai intégré dans la rotation du soja pour l’alimentation animale (25-35 q/ha). Mon objectif serait de passer à quatre plantes dans la rotation », analyse Rémi Rivaton.

Diversifier la rotation blé-maïs

Comme le confirme Frédéric Moigny, c’est bien l’association de plusieurs leviers, comme la variété, la date de semis ou la diversification de la rotation, qui permet de diminuer l’usage des phytosanitaires. « Sur certaines parcelles de blé sur blé, je sème en interculture un mélange de radis chinois, du fenugrec, de la phacélie, du sarrasin, etc., soit au moins 5 ou 6 espèces différentes. Cela m’aide à gérer la population d’adventices et améliore la vie des sols. Dans ce sens, je broie aussi les pailles. Je ne la récolte pas. Si je perds de l’argent en ne la vendant pas, j’en gagne bien plus sur du long terme car mes sols ont retrouvé de la vie et j’achète moins d’engrais minéraux », analyse Rémy Rivaton.

« Il ne faut pas réfléchir qu’avec des cultures à fortes marges. Au contraire, il faut intégrer des cultures à marge plus faible mais intéressantes car améliorant la vie des sols et diminuant la pression des adventices et des ravageurs. Il faut réfléchir à long terme ! », s’exclame Rémi Rivaton, agriculteur à Gerzat (63). (©Emilie Durand)

Il utilise aussi du compost, issu des déchets verts liés à l’agglomération toute proche. Les trichogrammes, ces insectes utilisés en biocontrôle pour lutter contre la pyrale du maïs, font partie de ces outils depuis bientôt dix ans et il s’est intéressé aux autres techniques de biocontrôle comme les huiles essentielles : « J’ai tenté l’ail ou le cumin mais sans succès. Il est plus efficace de semer tard, sans aller trop tard non plus dans la saison au risque de voir baisser ses rendements », constate-t-il. Côté engrais, il effectue une analyse systématique des reliquats azotés de ses parcelles, en sortie d’hiver, adaptant ainsi les quantités à apporter par la suite. Il réfléchit aussi à adapter son matériel. « Rien ne sert d’avoir beaucoup de matériel pour ne s’en servir que très peu. En Limagne, les charges de mécanisation sont parfois bien plus importantes que celles des phytosanitaires ! », relève Rémy Rivaton qui reconnaît aussi que sur le plan économique toutes ces réflexions et évolutions de son système sont plutôt très positives (baisse des charges de mécanisation, engrais minéraux, phytosanitaires, etc.)