Combiner les leviers pour une gestion durable des adventices

Les équipes de Noriap ont reçu, le 14 mai dernier, plus de 200 visiteurs sur la plateforme d’essais d’Ebeillaux (Oise), dédiée à la gestion responsable du désherbage. Face à la pression croissante des graminées dans les céréales et au retrait attendu de certains herbicides, la coopérative poursuit son travail sur les combinaisons de leviers agronomiques à intégrer dans les programmes.

« Le décalage de la date de semis est l’un des leviers les plus puissants pour réduire la pression des graminées sur céréales », estime Philippe Pluquet, responsable technique productions végétales chez Noriap. Sur la plateforme d’Ebeillaux, une réduction de 60 à 70 % des populations a été observée entre un semis du 4 octobre et un du 22 novembre 2024.

« Bien sûr, tout va dépendre du contexte pédo-climatique et des possibilités, on est toujours plus malin après ! » Mais la coopérative encourage vivement ses adhérents à attendre le cap du 15-20 octobre pour les semis de blé tendre. 

Une plateforme pluri-annuelle

D’autres leviers agronomiques ont également été expérimentés sur la parcelle comme le travail du sol (labour, TCS et semis direct) et le désherbage mécanique. Sur ce point, les gains d’efficacité varient de 5 à 20 % en fonction des modalités, dans cette année humide. « Le passage de herse étrille n’a été réalisé qu’au 6 mars, échéance tardive. C’est un complément intéressant, qui permet en général d’aller chercher 20 à 30 % d’efficacité, à condition d’avoir des conditions météo propices », souligne Philippe Pluquet. « L’automne et la sortie d’hiver de la campagne ont été plutôt favorables au repiquage. »

En ce qui concerne le travail du sol, le labourne ressort pas comme un levier utile dans les conditions de cet essai. « C’est un blé de betteraves, implantées déjà sur un labour. On a plutôt eu tendance à remonter les graines enfouies l’an dernier. » Mais Noriap entend poursuivre l’expérimentation en grandes bandes sur la même parcelle pendant 4 ans pour voir l’effet du type de travail du sol, couplé à la date de semis sur l’infestation de vulpins.

Autre levier mis à l’épreuve : le choix variétal pour un effet concurrentiel. Le responsable technique appuie la sélection de variétés à montaison précoce, « elles vont monter en même temps que le vulpin ». Peu de différences ressortent dans l’essai de cette année, par rapport à l’an dernier, car le facteur date de semis a diminué la pression. En 2024, ce sont les variétés de blé tendre Prestance et Celebrity, qui ont donné les meilleurs résultats : respectivement 84 épis de vulpins/m² et 168, contre 300 à 400 pour les autres.

Philippe Pluquet recommande aussi le changement d’espèce pour les situations infestées, s’appuyant sur les scores du seigle fourrager (3 épis de vulpins/m²) et de l’escourgeon (25) du même essai en 2024. La plateforme d’Ebeillaux va d’ailleurs évoluer en ce sens dès la campagne prochaine, avec un système multicultures pour mesurer notamment l’effet de la rotation sur la maîtrise des graminées.

Préserver les matières actives herbicides

La coopérative met également à l’épreuve les différentes solutions herbicides dans ses essais. Les équipes relèvent les programmes de doubles applications d’automne qui ont obtenu les meilleurs rapports efficacité/sélectivité à Ebeillaux cette campagne :

Pour rappel :  Défi (prosulfocarbe 800 g/l), Compil (diflufénicanil 500 g/l) et Tablo 700 (chlortoluron 700 g/l).

H325 BCS et Luximo sont des solutions encore en attente d’homologation. Le premier est un herbicide que Bayer entend proposer pour l’automne 2026, composé de 500 g/l d’aclonifène et de 120 g/l de diflufénicanil. Le second est un nouveau mode d’action, à base de cynméthyline, développé par BASF et également attendu pour 2026. 

Les équipes Noriap font part de résultats très intéressants avec Luximo sur vulpin et ray-grass, même s’il n’a pas été appliqué dans les meilleures conditions cette campagne (2-3 feuilles du blé). Il est plutôt recommandé au stade 1 feuille, sur conditions poussantes notamment. Mais la météo automnale a été particulière encore.

Les précipitations n’ont pas non plus été favorables aux applications de pendiméthaline, avec d’importantes pertes de sélectivité. Il est tombé environ 20 mm dans les trois jours suivant le traitement de pré-levée. Sur la parcelle, les équipes ont également relevé un début de résistance* des vulpins au chlortoluron.

Un autre mode d’action est attendu, plutôt en 2027, avec Isoflex de FMC (bixlozone). La coopérative se veut ainsi rassurante : « de nouvelles solutions herbicides arrivent face au retrait de molécules, dont le flufénacet ». « Reste encore à connaître leur coût », questionnent toutefois les agriculteurs lors de la visite.

« Quels que soient leur spectre et leur niveau d’efficacité, toutes ces innovations devront être accompagnées par de l’agronomie, rappelle Philippe Pluquet, pour conserver une efficacité durable dans le temps. »