Aux quatre coins de France, ils témoignent de leur moisson 2025
TNC le 11/07/2025 à 05:02
Après une année 2024 vraiment difficile, les résultats sont globalement en hausse cette campagne, même si des disparités subsistent selon les territoires. Au 10 juillet, des agriculteurs de l’Ain, la Charente, la Dordogne, l’Eure et les Vosges livrent leurs retours de cette moisson déjà bien entamée.
Chez Benoît, installé à Bécheresse, au sud de la Charente, « la moisson se termine, avec environ 8 à 10 jours en avance. En blé tendre, on est autour de 93 q/ha, alors que la moyenne décennale se situe plutôt autour des 75-80 q/ha, indique l’agriculteur. On a eu une grosse période de pluie en avril, qui a été bénéfique aux parcelles implantées, mais pas pour les semis de printemps et on a eu aussi une bonne alternance entre pluie et soleil ensuite, durant le mois de mai. Les PS sont bons (79 à 84 kg/hl), mais les taux de protéines sont un peu faibles, entre 9,5 et 10,5 %. En colza, on tourne autour de 40 q/ha et c’est une très bonne année en orge également, chez les voisins (+ 10-15 q/ha par rapport aux moyennes habituelles) ».
Le producteur s’inquiète, en revanche, de l’état des cultures de printemps : « cela fait un mois et demi qu’on n’a pas d’eau, il faudrait au moins 30 mm pour les maïs et les tournesols ». Un constat partagé par Nicolas Gaillard, installé en polyculture-élevage et entrepreneur de travaux agricoles au nord de la Dordogne : « les maïs sont en train de griller sur pied ! ».
« Le potentiel était là »
L’agriculteur a démarré la moisson le 18 juin, « sitôt les foins finis ». « Les orges d’hiver sont de très bonne qualité, avec un PS élevé et des rendements allant de 65 à 80 q/ha. Les colzas sont assez beaux, sauf un incident sur une parcelle, la moyenne est à 35 q/ha, avec des parcelles « normales » à 50 q/ha, donc le potentiel était là ». « Les blés sont assez bons avec des résultats compris entre 60 et 80 q/ha, un PS de 79 à 85 kg/hl et un taux de protéines autour de 10-11 %. Et on vient tout juste de démarrer le triticale ».
Les premiers retours sont bons pour le Groupe Carré, dans les Hauts-de-France :
Dans les Vosges, la moisson semble moins précoce. Gérard Antoine est en train de finir de faucher les orges d’hiver. « On est largement surpris cette année, dans le bon sens du terme. Les rendements sont estimés à 80-90 q/ha, contre 65-70 q/ha habituellement et la qualité est bonne », explique l’agriculteur qui fait aussi de la prestation de récolte.
« Certains ont déjà attaqué les colzas et la récolte du blé devrait démarrer plutôt la semaine prochaine. C’est une année assez classique dans les Vosges, mais à 40 km de là, en Meurthe-et-Moselle, les moissons sont plus avancées. »
« Un contre-coup de l’année 2024 »
Dans l’Ain, Benoît Merlo, installé en polyculture-élevage allaitant et dans un système Biocohérence, dresse un premier bilan mitigé de cette moisson 2025. « Les colzas réussissent bien (28 q/ha), étant donné l’itinéraire technique, notamment la fertilisation. En blé tendre, on a un peu de tout : des parcelles à 50 q/ha, 12 % de protéines et 80 kg/hl de PS, et d’autres à 35 q/ha et une qualité moindre. Dans ces dernières, le rendement est décevant par rapport au potentiel visuel ».
L’agriculteur l’explique par « un contre-coup de l’année 2024 : les fortes précipitations ont entraîné des problèmes de compaction en profondeur. Selon les variétés, les parcelles ont été plus ou moins impactées par le coup de chaud sur les 10 jours de fin de cycle ». « En orge, le manque de protéines et de PS a déclenché son déclassement en fourragère, entraînant un manque à gagner d’environ 100 €/t ». L’Aindinois va démarrer la récolte des lentilles et s’attend à de bons résultats : « un collègue en bio a obtenu 23 q/ha. »
À Bosroumois, dans l’Eure, la moisson 2025 a malheureusement pris, à quelques jours du début, une autre tournure. L’exploitation de Jean-Christophe Leicher a, en effet, été fortement impactée par les épisodes de grêle du 13 et du 25 juin. « Des milliers d’hectares ont été détruits dans le département et cela entraîne beaucoup d’interrogations sur comment emblaver la prochaine campagne ? », indique le producteur, qui n’était pas assuré contre ce risque.
« Les prix ne sont pas à la hauteur »
Si les résultats de moisson diffèrent selon les secteurs, tous les agriculteurs s’accordent sur le fait que les prix ne sont pas à la hauteur. « La situation est préoccupante dans la mesure où les niveaux de charges à l’hectare restent élevés : le coût du matériel, mais aussi les prix des engrais préoccupent les producteurs aujourd’hui », note Philippe Heusèle, secrétaire général de l’AGPB.
« À l’heure qu’il est, nous livrons nos récoltes sans savoir à combien nous serons rémunérés. Rappelons-le, il est courant dans le secteur agricole que ce soit « l’acheteur qui fasse le prix » sans forcément se soucier si celui-ci couvre nos coûts de production », note Benoît Merlo.
« En six mois, le prix de la solution azotée soufrée a pris 100 €/t et à l’inverse, le cours du blé tendre a perdu 45 €/t », souligne Benoît, paysan charentais.
Proposition solution azoté soufré 420€/T
Prix spot blé tendre 163€/T
Depuis janvier +100€/T pour l'engrais
-45€/T pour le blé tendre. Ça coince sérieusement— Benoit, Paysan charentais (@benoitpaysan) June 26, 2025
« Le marché des céréales est ouvert à l’international, et ce sont les équilibres mondiaux entre offre et demande qui déterminent les prix, même si les aspects géopolitiques jouent désormais un rôle de plus en plus prépondérants. La guerre entre la Russie et l’Ukraine en est l’illustration. Ainsi, pour la récolte 2025, la production de blé augmenterait d’environ 15 millions de tonnes chez les huit premiers exportateurs mondiaux. La situation agronomique s’annonce satisfaisante en Europe, mais aussi pour les pays de la mer Noire qui, rappelons-le, n’ont jamais cessé d’exporter depuis le début du conflit. Cela pèse lourdement sur les cours », explique le secrétaire général de l’AGPB.
« Un autre paramètre nous pénalise : la parité euro/dollar, qui est passée de 1,03 en début d’année, à 1,17 aujourd’hui. À titre d’illustration, pour un blé proche de 220 $/t aujourd’hui (Fob Gulf), cette évolution induit un différentiel de 25 euros chez nous. La politique internationale des États-Unis explique largement cette hausse, et contribue à affaiblir les prix payés aux producteurs. »