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À Bordeaux

Ambiance confinée pour le lancement des dégustations de primeurs


AFP le 15/04/2021 à 17:46

Epidémie oblige comme l'an dernier, les primeurs, système unique de vente de grands crus de Bordeaux, ont été lancés mercredi et jeudi, en toute intimité et sous la contrainte de règles sanitaires très strictes dans un grand hôtel Bordelais.

Comme le veut la tradition, seuls les professionnels de la région, un peu plus de 380 négociants, courtiers, experts et journalistes, ont été conviés pour cette « avant première » par petites sessions organisées sur deux jours. Ils bénéficient ainsi d’une petite longueur d’avance pour faire leurs choix. La « semaine des primeurs » proprement dite, organisée en France et dans les grandes métropoles internationales, se tiendra du 26 au 29 avril.

Dans les salons feutrés du Grand Hôtel de Bordeaux, tout est organisé pour éviter la contamination : pas plus de 6 personnes par groupe, gel hydroalcoolique à portée de main, gobelets crachoirs individuels et masque obligatoire pour circuler dans l’hôtel. Au centre d’un grand buffet rond où s’alignent les bouteilles, les serveurs portant des visières transparentes veillent au respect des règles. L’heure est à la concentration car les professionnels n’ont que deux heures trente pour goûter au total quelque 130 crus, rouges, blancs et Sauternes. Armés de blocs-notes ou d’ordinateurs, ils se consultent discrètement les uns les autres, commentent et notent sur de petites tables hautes disséminées dans ces grandes pièces la sélection de crus qui leur est proposée.

« Millésime fascinant »

Fabrice Dumont, marchand de vin à Bordeaux, n’aura pas eu le temps de faire le tour. Goûter les primeurs est un exercice un peu particulier, explique-t-il : « On goûte les vins sur leur potentiel et non sur le plaisir immédiat », « On ne s’attache pas aux détails, on ne va pas chercher la partie aromatique très précisément, il s’agit avant tout de savoir si le vin est bien fait ». Ces vins, jugés alors qu’ils sont en cours d’élevage, ne seront en effet livrés que dans 18 à 24 mois. Leurs ventes permettent aux propriétés d’avoir de la trésorerie et aux acheteurs de faire, en principe, des économies ainsi que d’acquérir des grands châteaux, souvent introuvables ensuite ou à des prix plus élevés.

D’ores et déjà, Ronan Laborde, président de l’Union des Grands crus de Bordeaux (UGCB), vante « un millésime fascinant, qui s’est construit sous des cieux cléments » avec de la pluie en début de saison qui a permis d’affronter une grande période de sécheresse et de chaleur jusque début septembre.

« Dans ces cas-là, nos vignes sont mises à rude épreuve et c’est là où elles donnent le meilleur en termes de concentration des sucres qui vont donner l’alcool, et des tanins qui vont apporter la richesse en bouche et la couleur », explique le président de l’UGCB.

Pour François Thienpont, de la maison Wings, c’est « un très beau millésime riche avec de très belles finales, très fraîches » en dépit de la chaleur qui a marqué l’été 2020. « Les grands terroirs sortent, selon lui, très bien, denses mais équilibrés ».

Dans une dizaine de jours, où débutera la semaine des primeurs, l’UGCB organisera des sessions comparables dans quelques-unes des principales métropoles internationales de ce marché: Paris, Bruxelles, Zurich, Shanghai, Hong-Kong. À New-York, San Francisco, Londres et peut-être aussi à Francfort, où l’on ne pourra probablement pas se rendre, « on enverra des services de dégustation complets aux principaux distributeurs et critiques internationaux pour qu’ils organisent eux-mêmes la dégustation », précise M. Laborde.

Un exercice déjà rôdé l’an passé lors du premier confinement mais qui réclame une logistique millimétrée, car ces vins sont très fragiles, instables. Sur le plan économique, il est trop tôt pour juger du succès de ce millésime, en pleine épidémie. Selon M. Laborde, « on reste quand même dans une situation contrainte en Europe, il n’y a qu’en Asie que les primeurs vont se dérouler dans un climat très favorables »