A Strasbourg, des agriculteurs rémunérés pour leurs services environnementaux
AFP le 12/07/2025 à 09:15
C'est un dispositif issue d'une volonté de travailler « main dans la main » avec les agriculteurs pour préserver l'eau, les sols et la biodiversité : dans la métropole de Strasbourg, une trentaine d'exploitants sont rémunérés pour leurs « services environnementaux ».
« Ce dispositif, c’est génial. Avec ça, on a réglé 80 % du problème des coulées de boue. Je ne dis pas 100 % parce qu’il faut être humble, on ne sait pas ce que l’avenir nous réserve. Mais les points problématiques identifiés ont tous été traités, ou sont en cours de traitement. » Philippe Pfrimmer est enthousiaste. Le maire (divers droite) de Vendenheim est resté marqué par les coulées boueuses qui avaient traversé en 2015, 2016 et 2017 sa commune de 6 000 habitants située au nord de la métropole, sur les premiers vallons du Kochersberg, qui s’étend jusqu’aux Vosges.
« On a eu trois années terribles, on a passé des heures, des nuits entières à nettoyer », se remémore l’élu, qui chaque année s’inquiète de ce phénomène imprévisible amplifié par plusieurs facteurs, dont le réchauffement climatique, la diminution des surfaces de prairies, la spécialisation des cultures ou encore l’étalement urbain.
Pour réduire les risques et prévenir de nouveaux épisodes, une étude a été menée par la métropole avec le Bureau de recherche géologiques et minières (BRGM) afin d’identifier les zones de départ et d’arrivée des coulées d’eau boueuse et diminuer leurs impacts grâce à des actions spécifiques.
C’est là que les agriculteurs entrent en jeu. Dans les communes concernées, plusieurs ont été approchés pour modifier certaines pratiques et ainsi améliorer la rétention des eaux.
« C’est une satisfaction » « J’ai des terrains qui sont un peu en pente, le lotissement est juste derrière. Donc (aux extrémités) on fait des bandes enherbées (perpendiculaires à la pente) ou des bandes de céréales d’hiver, pour filtrer », explique Jean-Michel Gradt, 54 ans, installé sur 170 hectares à Vendenheim, où il produit blé, maïs et betterave, et fait un peu de maraichage bio.
« On travaille aussi le sol de différentes manières, on ne laboure pas toujours, on travaille superficiellement pour que l’eau s’infiltre plus facilement et n’aille pas dans le village », décrit-il. « Il a fallu trouver d’autres techniques, s’adapter. C’est parfois compliqué de trouver la bonne alternative, et ce n’est jamais fini parce que les années se suivent et ne se ressemblent pas. »
Sur ses terres, huit retenues hydrauliques (haies, fascines, bandes enherbées) ont ainsi été installées à des endroits stratégiques. C’est autant d’espace de culture en moins, mais il reçoit une compensation financière en échange de son implication.
« C’est intelligent » reconnaît-il aujourd’hui, après avoir dépassé ses réticences initiales et contribué à faire évoluer le dispositif. « Les citoyens ne voient pas forcément les efforts qu’on a faits, mais pour moi c’est une satisfaction. » Sur l’ensemble de la métropole strasbourgeoise, ce sont ainsi 36 exploitations qui sont impliquées, représentant plus de 3 600 hectares. Les compensations financières versées par l’Eurométropole vont de quelques centaines à plusieurs milliers d’euros par an. L’enveloppe globale, elle, a été portée à un million d’euros pour cinq ans, financée avec le soutien de l’Agence de l’eau Rhin-Meuse.
Modification du PLU
« C’est par les discussions qu’on a avec les agriculteurs qu’on arrive à avoir des résultats », insiste Thierry Schaal, vice-président de la métropole en charge de l’eau et de l’assainissement. « On a une vision de plus en plus fine des zones à risque, et on n’a pas envie de faire marche arrière. » Au-delà des pratiques agricoles, cette meilleure connaissance du territoire et des risques a eu des conséquences en matière d’aménagement : les règles et les zones du plan local d’urbanisme (PLU) ont ainsi été revues en 2024 pour intégrer les nouvelles connaissances relatives aux coulées boueuses.
Le dispositif poursuit également deux autres objectifs : améliorer la qualité des eaux souterraines, notamment en incitant le développement de cultures diversifiées moins gourmandes en intrants chimiques, et favoriser la biodiversité.
Sur l’ensemble du territoire français, pas moins de 179 projets de « paiements pour services environnementaux » ont déjà été mis en place, poursuivant à chaque fois des enjeux spécifiques à leurs territoires.