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ACADEMIE D'AGRICULTURE DE FRANCE

Quels sont les atouts du bois dans une économie du « recyclable » ?


Académie d'Agriculture de France le 12/02/2024 à 14:59
AAF

(©Académie d'agriculture de France)

De la forêt jusqu’à la fin de vie des produits bois, la filière est dans une logique d’économie à la fois biosourcée et circulaire. Parmi les différentes composantes de cette filière, la présente fiche met l’accent sur les produits bois en s’attachant plus particulièrement à répondre aux questions suivantes : D’où proviennent les déchets bois ? Quel recyclage pour les produits bois en cours et en fin de vie ? Comment allonger la durée de vie du matériau bois ?

La filière forêt-bois : une économie biosourcée et circulaire

On peut définir l’économie circulaire «comme un modèle économique dont l’objectif est de produire des biens et des services de manière durable, en limitant la consommation et les gaspillages de ressources (matières premières, eau, énergie) ainsi que la production des déchets. Il s’agit de rompre avec le modèle de l’économie linéaire (extraire, fabriquer, consommer, jeter) pour un modèle économique « circulaire ».L’émergence de la notion d’économie circulaire fait suite à la prise de conscience des ressources limitées de la planète et du besoin de les économiser. Cette notion contient également l’idée que les nouveaux modèles de production et de consommation liés à l’économie circulaire peuvent être générateurs d’activités et de création d’emplois durables et non délocalisables. L’économie circulaire fait partie du champ de l’économie verte. Ainsi, les enjeux de l’économie circulaire sont à la fois environnementaux, économiques et sociaux».(Ministère de la transition écologique et solidaire – décembre 2015).


La filière forêt-bois peut se décrire par trois boucles, celle de la forêt, celle des produits bois, et celle des industries de la pâte et de la chimie verte (fig.1), les bio-énergies se plaçant au stade ultime de la vie du bois. La présente fiche se propose d’analyser en détail la boucle des produits bois (2).

Figure 1. La filière forêt-bois : une économie biosourcée et circulaire

(1) Le peuplement forestier géré durablement est en fin de vie régénéré par plantation ou naturellement. Les récoltes périodiques fournissent du bois d’industrie (petits bois et déchets d’exploitation) pour la fabrication de la pâte à papier, des panneaux, et pour l’énergie, ainsi que du bois d’œuvre (sciages, placages).
(2) La transformation du bois en produits (sciages, placages, panneaux) génère des sous-produits et déchets dont les débouchés sont les industries de la pâte, des bioénergies et des panneaux. Les produits bois peuvent être recyclés, une ou plusieurs fois sous différentes formes.
(3) Les usines de pâte produisent de la pâte à papier, des fibres pour le papier et les textiles, et des biocarburants et des produits chimiques d’intérêt (fiches 3.06), des biocarburants. Elles participent au recyclage des vieux papiers et cartons. Elles produisent aussi de l’énergie
(4) La filière énergétique comprend la transformation du bois en biocarburant et l’incinération du bois qui fournit de la chaleur, de l’électricité (ou les deux). Les cendres, riches en éléments minéraux, peuvent (sous certaines conditions) retourner à la forêt tandis que les gaz sont émis dans l’atmosphère. L’incinération est la fin de vie du bois.

Les différentes origines des déchets bois

La filière bois est organisée en un système fortement orienté vers la logique d’économie circulaire. Le cas de la valorisation des produits connexes de sciage en est un élément emblématique, puisque ceux-ci sont pratiquement totalement valorisés et trouvent des utilisations majeures en tant que matière première de fabrication de la pâte à papier et des panneaux de particules. Des emplois comme paillage horticole, litière animale sont également à signaler. Et une part importante est également utilisée en tant que combustible, soit directement (écorces), soit après simple préparation en plaquettes, soit comme granulés (sciures).

Le recyclage interne est également largement pratiqué, dans les usines de fabrication de panneaux où les chutes d’usinage sont réintroduites dans le système d’alimentation matière ainsi que dans le secteur papetier. La valorisation énergétique interne des entreprises des chutes et déchets industriels issus du bois, est encore plus répandue. De la scierie à la fabrication d’emballages, de meubles, de menuiseries et charpentes, dans les usines de pâte ou de panneaux, des systèmes de chaudières permettent la production de chaleur, voire d’électricité, pour des utilisations process et pour le chauffage des locaux, mais également pour revente externe.

A ces valorisations directes des coproduits et déchets de production, qui n’ont cessé de se développer, il faut ajouter aujourd’hui le recyclage et la valorisation des déchets de produits bois en fin de vie. Ces déchets sont globalement issus de trois domaines : les déchets de produits papier, les déchets de chantiers du BTP (construction, rénovation, démolition), les déchets de meubles en fin de vie (mobilier domestique, mobilier professionnel) et les déchets d’emballages (emballages légers, palettes et caisses palettes, caisses industrielles). A noter que les meubles en fin de vie ou DEA (Déchets d’Eléments d’Ameublement) font l’objet depuis 2012 d’une «filière REP » (Responsabilité Elargie du Producteur), gérée par deux éco organismes, ECOMOBILIER pour le meuble domestique et VADELIA pour le meuble professionnel, visant à améliorer la collecte, le tri, le recyclage et la valorisation de ces déchets (fig.2). La production de déchets de bois (hors connexes de sciage) atteint en 2012 près de 7,2 millions de tonnes, dont environ 1 million est auto-consommé par les sites les produisant.

Le recyclage des produits bois en cours et en fin de vie

En cours de vie, il existe de nombreuses situations de réemploi et réutilisations de ces produits. La palette multi-rotations est un exemple marquant de cette capacité d’un produit bois à être conçu pour assurer un nombre significatif d’opérations de service logistique, directement ou après réparation ; il est estimé qu’une palette multi-rotations a ainsi une durée de vie de 7 ans et un nombre moyen de 28 rotations). Dans le domaine de l’ameublement, il faut citer le rôle important des acteurs de l’économie sociale et solidaire dans le réemploi et la réutilisation des meubles. Dans celui de la construction, il est fréquent que les produits en bois massif soient récupérés et réutilisés.

Au-delà de ces pratiques, le secteur majeur de recyclage matière de produits bois en fin de vie est certainement la fabrication de panneaux de particules. Les fabricants utilisent classiquement les produits connexes de scierie comme source de matière première. La diversification vers les broyats de produits bois en fin de vie est apparue en France il y a une quinzaine d’années, parallèlement à la montée des préoccupations de gestion des déchets. L’utilisation de broyats d’emballages bois est certainement la première étape, la plus simple compte-tenu de la composition de ces déchets, constitués très majoritairement de bois massif (fig.3). La présence de clous en acier est facilement gérée, après broyage par séparation électromagnétique.

La seconde étape a été l’introduction de déchets bois du BTP, rendue possible par la mise en application de l’interdiction d’entrée en centres d’enfouissement de déchets inertes, des déchets bois, ainsi que de déchets bois issus des ménages, constitués principalement de déchets d’éléments d’ameublement. Le recyclage des DEA bois a fortement augmenté ces dernières années avec l’action des éco-organismes. Cette étape a nécessité le développement de centres de tri et de préparation des déchets afin que les caractéristiques de composition de cette matière première secondaire puissent correspondre aux cahiers des charges des fabricants de panneaux. Les entreprises qui se sont lancées dans l’introduction de ce type de matière dans leurs approvisionnements ont également investi dans des chaînes de tri complémentaire afin de bien maîtriser la qualité de la matière entrant dans le process.

La proportion de déchets bois utilisés en fabrication de panneaux de particules est aujourd’hui estimée à 35%. Ainsi environ 800 000 tonnes de déchets bois sont valorisés en recyclage matière par l’industrie des panneaux en France, tandis qu’environ 1 Mt de ces déchets sont exportés pour ce même type de recyclage. D’autres usages de recyclage tels que les litières animales, le paillage horticole ou l’utilisation en stations d’épuration des eaux pour le traitement des boues interviennent également.

La valorisation énergétique des déchets de bois en fin de vie

Les déchets d’emballages bois constituent un gisement très intéressant pour la production d’énergie. En effet, qu’il s’agisse de palettes ou emballages légers, ils sont constitués très majoritairement de bois. Les clous et agrafes d’assemblage sont facilement séparés, après broyage, par électro-aimant. Une démarche de Sortie de Statut de Déchet (SSD) a été menée par les professions concernées, qui permet aujourd’hui, pour les centres de production de ces broyats d’emballage qui sont agréés pour cela, de commercialiser un combustible biomasse produit à partir de ces déchets, pouvant être utilisé sans contrainte particulière par les chaufferies biomasse.

Pour les déchets de bois issus de meubles en fin de vie, ou de chantiers de démolition et de rénovation, la réglementation actuelle permet leur valorisation énergétique dans des installations classées pour l’incinération ou la co-incinération de déchets. Ces installations, généralement de grande capacité et puissance thermique, sont conçues et équipées pour la destruction et filtration des effluents gazeux polluants qui pourraient être liés à la combustion des adjuvants chimiques présents dans les produits bois. Ici encore, la production d’énergie se fait sous forme de chaleur, souvent utilisée pour des procédés ou sous forme d’électricité. Au total, ce sont plus de 1,2 Mt de déchets de bois (hors connexes de scierie) qui sont valorisés en énergie.

Hiérarchie de la gestion des déchets et utilisation en cascade

Du point de vue macro-économique de la gestion de la ressource bois, et sur une période de temps significative, le fait d’allonger la durée de vie du matériau bois en intégrant une ou plusieurs boucles de recyclage matière avant la valorisation énergétique (qui correspond aussi à la destruction du matériau) est beaucoup plus intéressant que de brûler directement le déchet bois dès la fin de vie du produit (fig.4).

Cette utilisation en cascade permet également de prolonger le stockage de carbone dans le matériau, ce qui représente un avantage pour la lutte contre le changement climatique. Quelques travaux de recherche ont ainsi exploré avec succès la possibilité de créer une boucle supplémentaire de recyclage en amont de l’utilisation du bois en tant que matière première secondaire pour les panneaux de particules (2). Le propos est dans ce cas par exemple de fabriquer, à partir de déchets de bois massif, des carrelets, éléments en bois massif reconstitué ou bois lamellé-collé.

La directive européenne 2008/98/CE et la réglementation française (Ordonnance n° 2010-1579 et Décret n° 2011-828) fixent une hiérarchie
des modes de gestion des déchets et classe notamment par ordre de priorité : 1) la préparation en vue du réemploi ; 2) le recyclage ; 3) les autres formes de valorisation, notamment la valorisation énergétique. Les textes prévoient que des dérogations à cette hiérarchie sont possibles si justifiées d’un point de vue environnemental, économique et social.

A noter que dans un certain nombre de situations spécifiques, comme prévu par la réglementation, il peut être plus intéressant de valoriser directement en énergie que de recycler (exemple : absence d’unités de recyclage à proximité du lieu de production du déchet ou niveaux de contamination trop élevés nécessitant une incinération).

Ainsi, les activités de transformation du bois ont un taux très élevé de recyclage et de valorisation de l’ensemble des co-produits et déchets de fabrication, et élaborent des produits durables, et pour certains, réemployés de nombreuses fois dans leur phase de service et réparables. En fin de vie, les produits sont pour la plupart recyclables sans obstacle technique majeur et des niveaux importants de recyclage et de valorisation énergétiques sont atteints.

(©Académie d’agriculture de France)

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