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Académie d'Agriculture de France

Pourquoi les rotations des cultures ?


Philippe LETERME et Philippe VIAUX, membres de l'Académie d'Agriculture de France le 03/06/2021 à 09:45
Aerial panorama over idyllic green summer farm fields crops pasture

(©Getty Images)

Dans les exploitations agricoles de grandes tailles, les agriculteurs changent chaque année (ou presque) la culture affectée aux parcelles. Pourquoi de tels changements et ne pas implanter une bonne fois pour toute chaque culture dans la parcelle la plus favorable? Pourquoi faire " tourner " les cultures et constituer ainsi des rotations culturales?

Les principales justifications de la rotation des cultures

Chaque culture modifie le milieu dans lequel elle est implantée, en fonction de ses caractéristiques propres (ex : la forme de son enracinement, ses besoins nutritionnels) et des pratiques culturales dont elle est l’objet (ex : un travail du sol profond préalable au semis ou, à l’inverse, un semis direct sans travail du sol).

Cette variation d’état du milieu peut affecter les caractéristiques physiques (ex : sol plus ou moins tassé), chimiques (ex : diminution de teneur en certains éléments minéraux du fait d’une absorption importante par la culture, ou présence d’une substance chimique particulière due à une sécrétion racinaire) et biologiques (ex : présence d’un inoculum parasitaire, ou multiplication de certaines mauvaises herbes, ou développement de populations de ravageurs).

Cette variation d’état, entre le début et la fin de la culture, constitue ce qu’on appelle l’effet précédent.

La culture suivante va se révéler plus ou moins sensible à cet effet précédent. Dans certains cas, elle s’en trouvera favorisée ; dans d’autres, elle sera pénalisée.

Quelques exemples d’interactions entre cultures successives

Liées à des modifications de l’état physique du sol

Quand le sol est humide, les passages d’engins agricoles provoquent des tassements qui peuvent être très préjudiciables à l’enracinement des cultures à venir.

En fonction de leurs dates de semis et de récolte, les risques d’avoir des conditions humides, lors des phases de préparation des semis et des opérations de récolte, varient avec les espèces. Ils sont faibles pour les semis de début d’automne (escourgeon et colza), plus élevés pour les semis plus tardifs (blé), et généralement importants pour les semis de fin d’hiver et printemps (pois, tournesol, maïs et betterave).

Les récoltes d’été (escourgeon, colza, blé et pois) se font le plus souvent en conditions sèches, mais les sols deviennent progressivement plus humides au début d’automne (tournesol), puis en automne pour maïs et betteraves. De ce fait, les sols seront souvent plus tassés après maïs et betteraves, voire tournesol ou pois, et il faudra impérativement en tenir compte si l’on souhaite implanter une culture suivante pour laquelle la qualité de l’enracinement est primordiale, comme c’est souvent le cas des cultures d’été.

Liés à des modifications de l’état chimique du sol

Luzerne, trèfle, haricot, féverole, pois, lentille, lupin, soja (et bien d’autres espèces) sont des légumineuses, famille dont une caractéristique essentielle est d’entretenir une symbiose avec des bactéries fixatrices d’azote atmosphérique du genre rhizobium.

Ainsi, une légumineuse comme culture précédent modifiera en général positivement le bilan azoté de la parcelle ; ceci sera avantageux pour une culture suivante valorisant bien l’azote, ou dans des conditions où la disponibilité en azote est limitée (comme souvent en agriculture biologique).

Mais cela pourra être pénalisant pour une culture suivante dont il faut maîtriser rigoureusement la teneur en protéines, comme c’est le cas de l’orge destinée à la brasserie. À côté de ces effets sur l’azote, on constate par ailleurs que la présence de légumineuses dans la rotation est généralement bénéfique par leurs effets sur l’activité biologique du sol.

Liés à des modifications de l’état biologique du sol

Chaque culture est accompagnée de bioagresseurs (plantes adventices, maladies, insectes etc.), spécifiques ou non. Répéter fréquemment une même culture dans une parcelle va donc conduire au développement de ces bioagresseurs, jusqu’à un niveau tel qu’ils deviennent incontrôlables et provoquent des dégâts très importants. Éviter ce phénomène est l’une des justifications majeures de la diversification et de l’allongement des rotations culturales.

Le tableau ci-dessous indique pour quelques grandes cultures les délais de retour minimum (appelés fréquence de retour maximum dans le tableau) à respecter. La durée de la rotation à respecter peut-être particulièrement longue dans certains cas : ainsi dans une parcelle ayant été affectée par des aphanomyces (pathogènes provoquant la pourriture des racines du pois), on conseille un délai minimal de retour du pois d’au moins 6 ans.

(©Académie d’Agriculture de France)

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