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Académie d'agriculture de France

Pourquoi cultiver les variétés en association ?


Claude POPE et Joël LORGEOUX, membres de l'Académie d'Agriculture de France le 20/09/2022 à 06:19
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(©Pixabay)

L'association, au sein d'une même parcelle, de variétés portant des gènes de résistance ayant des propriétés complémentaires vis-à-vis de champignons parasites aériens, présente un double apport pour l'agriculteur, par rapport aux cultures monovariétales : elle permet de freiner les épidémies et de limiter l'usage de produits phytosanitaires. Cette pratique culturale ancienne (peu utilisée en Europe ces dernières décennies) connaît un important regain d'intérêt en France. Pourquoi s'est-elle développée récemment dans les cultures de blé ? Et comment est-elle obtenue ? Le point avec l'Académie d'Agriculture de France.

La recherche d’une diversité des gènes de résistance des variétés

L’efficacité des résistances naturelles peut être augmentée par leur diversité. À l’échelle de la parcelle, l’agriculteur peut lui-même choisir les différentes variétés résistantes, qu’il associe pour freiner les épidémies et pour améliorer la résilience vis-à-vis de stress multiples, en particulier dans le contexte du changement climatique ; il en tire une stabilisation du rendement et de la qualité de la récolte. L’agriculteur a ainsi la capacité de cumuler les propriétés intéressantes de différentes variétés, et peut changer rapidement la composition de l’association, en cas de contournement d’un gène de résistance par exemple.

Initialement, les associations variétales étaient créées pour freiner les épidémies causées par des parasites aériens, essentiellement les rouilles et l’oïdium chez les céréales. Déjà en 1952 aux États-Unis, Jensen en expliquait les avantages pour réduire la propagation d’une maladie fongique : la rouille couronnée de l’avoine. […]

La faisabilité de la culture des associations variétales dans le contexte français a été démontrée avec des associations de quatre variétés de blé panifiable, par un partenariat entre une meunerie, trois chambres d’agriculture et douze agriculteurs, dans cinq départements en 2000-2002, avec un réseau de parcelles ayant cumulé 250 hectares. Le système de culture de protection intégrée a conduit à l’application d’un seul traitement fongicide en végétation. Les performances des associations variétales étaient proches de celles de la meilleure culture monovariétale, et supérieures à la moyenne des cultures monovariétales pour la résistance à la septoriose, le rendement en grains, la teneur en protéines et la stabilité du rendement, particulièrement dans les conditions défavorables de stress hydrique. De même, la qualité de la récolte a été stabilisée.

Toutefois, toutes les associations ne sont pas bénéfiques : certaines ne montraient pas d’avantage pour la résistance aux maladies ou le rendement, ou étaient défavorables. Il faut créer une diversité efficace en choisissant des variétés complémentaires et compatibles.

Comment l’association améliore-t-elle la situation ?

La propagation d’épidémies dans une association variétale est réduite du fait de la plus faible densité de plantes sensibles, ce qui diminue la probabilité de contact entre les spores et une variété sensible (l’effet de dilution) ; de plus, les plantes résistantes de l’association interceptent les spores virulentes émises par les plantes sensibles (effet de barrière). […]

Leur utilisation dans la pratique

Depuis 1979, la législation européenne autorise la commercialisation des associations variétales de céréales à paille, à condition qu’elles soient particulièrement efficaces contre la propagation de certains organismes nuisibles ; avant mélange, les variétés utilisées doivent répondre aux règles de certification ou de commercialisation. […]

Par l’arrêté du 26 juin 2018, la France a jugé opportun l’application de la directive européenne de 1979 autorisant la commercialisation de semences de mélanges de variétés de céréales : blé dur, blé tendre, épeautre, maïs, orge, riz, sarrasin, seigle, sorgho, triticale. La composition des mélanges de semences est transmise au Service officiel de contrôle et de certification. Les semences d’associations de variétés peuvent être assemblées à la ferme à partir de semences achetées ou fermières.

Récemment, l’usage des associations variétales de blé a fortement progressé en France, passant d’environ 20 000 hectares à plus de 550 000 hectares, de 2000 à 2020, représentant alors environ 11 % de la proportion de la surface totale emblavée en blé tendre, l’équivalent d’une variété très populaire. En 2021, les associations variétales de blé correspondent en superficie à la troisième variété la plus cultivée en France, avec une disparité dans la répartition régionale (de 6 à 32 % des surfaces régionales) ; c’est dans le Centre et l’Ouest que cette pratique est la plus répandue Les associations variétales (telle l’association CertimixBio de Semences de France, composée de trois variétés innovantes) ont aussi intégré l’agriculture biologique. […]

Comment sélectionner les variétés à associer ?

Comme on ne peut déterminer a priori quelle sera la meilleure variété dans le contexte climatique et épidémiologique de l’année, l’association de variétés ayant des qualités et faiblesses différentes permet une compensation.

Le niveau de la résistance collective (créée par une association variétale) dépend principalement de la proportion de plantes sensibles et résistantes : un quart à un tiers de plantes sensibles sont efficacement protégées par des plantes résistantes.

Les associations de trois à cinq variétés sont plus efficaces que les associations binaires pour freiner les épidémies et stabiliser le rendement, mais ce n’est pas tant le nombre de variétés que leur niveau de résistance qui importe. La proportion de variétés résistantes est d’une manière générale un critère robuste de conception des associations variétales. […]

Les associations variétales peuvent donc constituer un élément d’itinéraires techniques des cultures de céréales, résilients avec d’autres comme la rotation, la réduction de densité de semis, la tardivité du semis et la réduction des niveaux de fertilisation azotée. Cette pratique est élargie à d’autres cultures, comme le colza, pour lutter contre un insecte ravageur, le méligèthe : en associant une faible proportion de variété ayant une floraison très précoce qui attire et détourne l’insecte, la variété d’intérêt productive sera protégée, du moins partiellement. Les associations variétales concernent également des cultures pérennes, telles que le caféier, le saule ou le pommier à cidre.

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