L’identification et la traçabilité chez les équidés


Jean-Michel BESANCENOT, Emmanuel ROSSIER et Françoise CLEMENT, membres de l'Académie d'Agriculture de France le 29/05/2025 à 10:00

Tout équidé présent sur le territoire français doit être identifié. Cette identification comporte la pose d’un transpondeur électronique dans l’encolure, un relevé des caractéristiques physiques, l’attribution d’un numéro SIRE unique, l’enregistrement dans la base nationale SIRE et enfin l'établissement d'un document d'identification et d'une carte d'immatriculation. Des opérations complémentaires assurent la traçabilité zootechnique (suivi des généalogies et des performances) et sanitaire (enregistrement des propriétaires, des lieux de détention, des vaccinations et de l’exclusion ou non de la consommation bouchère) des équidés.

Au départ, la domestication des équidés s’est accompagnée de l’attribution d’un nom pour les distinguer de leurs congénères, mais aussi pour faciliter ou personnaliser la relation homme-animal au niveau du dressage, de la conduite, des soins ou toute autre intervention.

Très tôt se sont développées certaines formes de marquage, notamment au fer rouge, signifiant l’appartenance à un propriétaire, une région ou une race, méthode qui existe toujours.

Depuis, les méthodes d’identification se sont sophistiquées pour améliorer la fiabilité et la complétude du système et ainsi servir de socle pour la traçabilité zootechnique et sanitaire.

Historique

Au XIXe siècle, la création des livres généalogiques (studbook pour les chevaux) a imposé une identification précise de l’animal incluant le signalement, la propriété, les origines et descendance, en lien avec la sélection au sein d’une race. Ces informations sont consignées dans un document d’identification ou passeport. Cette inscription n’a concerné que les équidés inscrits à studbook.

En 2001 l’identification de tous les équidés se trouvant sur le sol français a été rendue obligatoire. Puis, les arrêtés de 2002 et 2003 ont instauré la pose d’un transpondeur électronique à partir de 2008. Tous les équidés doivent être porteurs de ce transpondeur : c’est le puçage. Une variante de l’identification électronique qui consistait à avoir le transpondeur électronique inséré sur une boucle auriculaire a été autorisée à titre expérimental de 2007 à 2012, puis en routine de 2013 à 2015 et a été finalement interdite depuis le 1er janvier 2016.

En 2016, un règlement européen a défini un modèle unique de document d’identification largement inspiré du modèle français. Une section V relative aux origines est spécifique des seuls équidés aux origines certifiées.

Par ailleurs, un numéro matricule d’identification a été mis en place pour chaque équidé (UELN : numéro universel d’identification des équidés). Ce numéro est inscrit dans la base de données unique de chaque pays. Pour la France, tous les équidés présents sur le territoire sont enregistrés dans le Système d’informations relatif aux équidés (SIRE), basé à Pompadour (Corrèze) et développé dès 1973. Il est aujourd’hui tenu par l’Institut
Français du Cheval et de l’Équitation
(IFCE).

Le système est complété par la déclaration des changements de propriété (depuis 1998), des lieux de détention (depuis 2010) et la tenue d’un registre d’élevage pour chaque lieu de détention (2000).

Depuis 2015 (loi du 13/10/2014), des contrôles assurés par des agents assermentés de l’IFCE sont mis en place pour le respect des obligations réglementaires des détenteurs d’équidés. Les manquements sont punis par une contravention de 3ème classe.

Les objectifs de l’identification et des opérations associées

Les objectifs de l’identification des équidés (cheval, poney, âne et mulet) et des opérations complémentaires
sont multiples et permettent de :

  • garantir à tout moment l’identité de l’animal lors de la vente, des concours d’élevage, des épreuves équestres et des courses et ainsi fiabiliser les financements associés,
  • suivre les médications reçues par le cheval ou son exclusion temporaire ou définitive de la boucherie
    afin de sécuriser la consommation de viande de cheval,
  • protéger les équidés contre les principales maladies infectieuses lors des rassemblements (suivi des
    vaccinations obligatoires),
  • reconnaître l’animal en cas de vol,
  • agir vite et efficacement en cas de détection d’un foyer d’infection (connaissance des propriétaires, des lieux de détention et des mouvements principaux),
  • sélectionner efficacement (connaissance des généalogies et des performances, calcul d’indices
    génétiques).

Les étapes de l’identification

L’identification proprement dite repose sur 5 étapes : la pose d’un transpondeur, le relevé du signalement, l’attribution d’un numéro unique, l’enregistrement dans la base nationale SIRE, l’édition d’un document d’identification.

La pose d’un transpondeur électronique : de la taille d’un grain de riz, le transpondeur (ou puce) est implanté dans le tiers supérieur gauche de
l’encolure. Ce transpondeur est inoffensif, ne gêne pas l’animal, et porte un code lisible par un lecteur spécifique. L’enregistrement de ce code par le SIRE suivra la réception de la déclaration d’implantation par l’identificateur (vétérinaire ou agent de l’IFCE).

L’IFCE publie sur son site internet (ifce.fr) la liste officielle des agents identificateurs, vétérinaires et agents de l’IFCE. Le transpondeur doit être absolument implanté avant que le relevé du signalement soit fait.

Le relevé du signalement doit être effectué par un agent agréé (vétérinaire ou agent IFCE). Celui-ci décrit toutes les particularités de l’extérieur d’un animal qui permettent son identification. La description concerne le sexe, la robe (différentes couleurs, bien codées), les marques particulières (épis, taches blanches…) sur la tête, le corps, les membres, la couleur des yeux et des sabots, les marquages particuliers, les cicatrices, les châtaignes. Cet examen prend environ une demi-heure.

L’enregistrement et l’immatriculation dans le fichier central SIRE entraîne l’attribution d’un numéro SIRE.

L’édition d’un document d’identification encore appelé « livret » ou « passeport » ou « papiers » est l’équivalent de notre carte d’identité. Il est émis par SIRE ou depuis 2013, il peut également être délivré par un studbook étranger avec enregistrement au SIRE. Il sert de document d’identification (nom, âge, signalement, numéro de transpondeur, numéro dans la base SIRE), de certificat d’origine (inscription éventuelle à un studbook), de document sanitaire (suivi des médications, vaccinations) et de passeport (le livret accompagne l’animal toute sa vie, notamment lors de ses déplacements). La couverture varie selon la race (noire pour les origines non constatées ; de couleur avec une couleur différente par année pour les chevaux à origines). Remarque : le nom d’un cheval doit commencer par une lettre spécifique à l’année de naissance : la lettre A pour les ceux nés en 2010, et ainsi de suite, d’où lettre P en 2025 ; les lettres W, X Y et Z sont exclues. A la mort de l’animal, ces documents doivent être retournés au SIRE.

Les opérations complémentaires de traçabilité zootechnique

Suivi de la filiation

La déclaration de l’accouplement entre un étalon et une jument par l’étalonnier à SIRE via le carnet de saillie, puis le contrôle par l’identificateur de la présence du poulain sous la mère permettent d’enregistrer les parents du poulain.

Cette procédure est le plus souvent complétée par un contrôle de filiation par typage ADN. Remarquablement efficace, ce contrôle établit les génotypes (12 à 14 microsatellites) du poulain et de ses parents présumés et compare leurs microsatellites et permet ainsi de confirmer ou d’infirmer la filiation.

Recueil des performances et indexation

Le relevé des performances en compétitions équestres ou en courses est enregistré par la fédération française d’équitation et les sociétés mère de courses. Ces résultats donnent lieu à la parution d’indices de performances pour chaque équidé. Couplé à la généalogie, ces données permettent la création d’index génétiques utiles au choix des reproducteurs améliorateurs selon les objectifs de sélection d’une race donnée.

Les opérations complémentaires de traçabilité sanitaire

Lien entre le cheval et son propriétaire

La carte d’immatriculation est le document officiel indiquant le propriétaire enregistré dans la base SIRE. Elle permet le suivi de la propriété de chaque cheval. Celle-ci est établie à la naissance de l’équidé et est modifiée à chaque changement de propriété. La carte existe en format papier ou dématérialisée. Depuis 2022, tout changement de propriété se fait en ligne. Ce document est dématérialisé et le propriétaire peut imprimer
une attestation.

Contrôle des vaccinations

Toutes les vaccinations à caractère obligatoire sont mentionnées dans le passeport de l’équidé par le vétérinaire. Ainsi les organisateurs de rassemblements d’équidés peuvent refuser l’entrée d’un animal non vacciné et donc susceptible de transmettre un agent contagieux.

Contrôle des médications

Après traitement incompatible avec la consommation humaine, les équidés sont exclus de la consommation humaine de façon irréversible. L’information « exclus de la consommation de façon irréversible » ou « destiné à la consommation », ainsi que les toutes les médications administrées aux équidés destinés à la consommation doivent être enregistrées dans la base et figurer dans la partie traitement médicamenteux de son document d’identification. Les abattoirs contrôlent que le cheval est identifié, muni d’un document d’identification, qu’il est destiné à la consommation et qu’il n’a reçu aucun traitement interdit ou dont le délai d’attente n’est pas terminé. Le consommateur de viande chevaline est ainsi protégé.

Déclarer les lieux de détention

Tout détenteur d’équidés doit déclarer auprès du SIRE les lieux de détention dont il est responsable. Il reçoit un numéro de détenteur. En répertoriant tous les lieux de détention susceptibles d’accueillir des équidés, les services sanitaires pourront en cas de foyer infectieux agir auprès de chaque détenteur situé autour du foyer dans les meilleurs délais. Cet enregistrement est définitif.

Enregistrer les mouvements des équidés

Tout détenteur d’équidés doit tenir un registre d’élevage dans lequel il enregistre les entrées et sorties des équidés qu’il détient. Ceci permet de faciliter l’enquête épidémiologique en cas de maladie contagieuse.

Déclarer un vétérinaire sanitaire

Tout détenteur de trois équidés ou plus doit avoir un vétérinaire sanitaire qui sera chargé d’agir en cas de
foyer infectieux.

Opérations complémentaires pour le bien-être animal

Depuis 2015, tous les détenteurs professionnels doivent désigner un référent bien-être animal dans leur structure.

Depuis le 31/12/2022, toute personne non professionnelle détenant un équidé doit justifier d’un certificat d’engagement et de connaissance. Celui-ci est délivré par un vétérinaire ou un organisme autorisé.

Importance du dispositif

L’identification des équidés étant obligatoire depuis 2008, de plus en plus rares sont les chevaux adultes non identifiés des oublis involontaires (ou volontaires…) qui tombent sous le coup de la réglementation lors d’un contrôle officiel. Ce sont donc aujourd’hui essentiellement les poulains qui sont concernés par les démarches d’identification.

L’identification concerne en France 1 052 000 équidés hébergés chez 100 000 détenteurs professionnels (34%) ou particuliers (66%) (estimation 2023).

En 2023, 10 189 étalons et 82 855 juments ont été gérées au niveau de leur accouplement (enregistrement des saillies). 53 851 poulains avec origines ont été immatriculés auquel il faut ajouter les poulains sans origine connue.