Accéder au contenu principal
Décision de la CJUE

Les organismes issus de mutagenèse seront soumis à la règlementation sur les OGM


TNC le 08/08/2018 à 16:34
fiches_cjue-1

La Cour de justice de l’Union européenne considère, dans une décision du 25 juillet, que les plantes issues des techniques de mutagenèse doivent être soumises aux règles européennes sur les OGM, sauf lorsqu’elles sont « traditionnellement utilisées » et quand leur « sécurité est prouvée depuis longtemps ». Une victoire pour les associations anti OGM, qui se battent contre ces techniques controversées, parfois qualifiées d’OGM « cachés ». Mais « un coup d’arrêt à la recherche végétale en Europe » selon l'Union Française des Semencier (UFS).

Les plantes issues de la mutagenèse dirigée seront bien encadrées par les règles européennes relatives aux OGM. C’est la réponse qu’a donné la Cour de justice de l’Union (CJUE) au Conseil d’État français, saisi en mars 2015 par neuf associations, dont la Confédération paysanne contre les décisions du gouvernement français en la matière.

La France considérait en effet que les nouvelles techniques de mutagenèse devaient être exemptées de l’application de la directive OGM, comme le prévoit celle-ci. À l’époque, la mutagenèse, qui permet de modifier le génome de la plante, n’était en effet pas considérée comme une technique OGM, au contraire la transgenèse, qui introduit un gène extérieur dans le génome d’une plante.

Or, la mutagenèse a bien changé depuis la réglementation de 2001. Elles se fait désormais en laboratoire, et les chercheurs modifient certaines cellules d’une plante, quand la mutagenèse traditionnelle se pratiquait in vivo et sur une plante entière. Les associations estiment donc que ces nouveaux procédés sont « artificiels » et qu’il faut les intégrer à la législation OGM.

Par son arrêt la Cour donne donc raison aux associations. Elle n’a pas en revanche pas suivi l’avis de son avocat général, qui avait préconisé, lors de la présentation de ses conclusions le 18 janvier, une exemption de l’application de la directive OGM pour les techniques issues de la mutagenèse, avec cependant une autorisation pour les États membres de légiférer à ce sujet. Les juges européens estiment au contraire que « les organismes obtenus par mutagenèse sont des OGM », dans la mesure où « les techniques et méthodes de mutagenèse modifient le matériel génétique d’un organisme d’une manière qui ne s’effectue pas naturellement ». Ils concluent que « ces organismes relèvent, en principe, du champ d’application de la directive sur les OGM »

La Cour de justice de l’Union ajoute que les techniques de mutagenèse apparues après la publication de la directive en 2001 doivent être soumises aux obligations de cette réglementation. Selon elle, « les risques liés à l’emploi de ces nouvelles techniques » sont les mêmes que ceux « résultant de la transgenèse » car la mutagenèse dirigée a « les mêmes effets que l’introduction d’un gène étranger ».

Pour les juges, ces nouvelles techniques produisent des variétés à « un rythme et dans des proportions sans commune par rapport aux méthodes traditionnelles de mutagenèse ». La Cour précise cependant que les techniques de mutagenèse traditionnelles ; « dont la sécurité est avérée depuis longtemps », sont en principe exemptées, sauf si les États souhaitent les réguler « dans le respect du droit de l’Union ».

La Coordination européenne Via Campesina, qui rassemble une vingtaine d’organisations paysannes, dont la Confédération paysanne, a qualifié l’arrêt « d’historique ». Elle appelle désormais l’Union européenne à « agir pour faire respecter cette décision dans son intégralité, sans aucune interprétation visant à restreindre sa portée ».

« Nous sommes content que la décision soit claire. Maintenant, le Conseil d’État va reprendre la procédure et le gouvernement va devoir prendre des décisions. Par ailleurs, nous sommes satisfaits que la Cour ouvre la possibilité pour les États de réglementer même la mutagenèse traditionnelle » se réjouit Guy Kastler, responsable semence de l’organisation européenne.

Les semenciers, eux se désolent de la décision de la Cour de Justice de l’Union. L’Union Française des Semencier (UFS) déplore « un coup d’arrêt à la recherche végétale en Europe », considérant que cette décision va « priver les entreprises semencières et les agriculteurs européens des outils les plus prometteurs pour répondre aux enjeux du 21e siècle ».