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ACADEMIE D'AGRICULTURE DE FRANCE

Le blé dur


Alain BONJEAN et Philippe LETERME, membres de l'Académie d'Agriculture de France le 11/07/2023 à 17:25

(©Getty Images)

Le blé dur, parfois dit blé d'Afrique, est une céréale de la vaste famille des Poacées incontournable de notre alimentation.

Origine de l’espèce et extension actuelle

Cette espèce a été pré-domestiquée dans le Croissant fertile, à partir de populations d’amidonnier cultivé (Triticum turgidum ssp. Dicoccon), aux épis à rachis solide et grains vêtus, entre 7 500 et 5 500 avant J.-C. Toutefois, la culture du blé dur – aux épis à rachis solide et aux grains nus entièrement vitreux – a émergé comme culture majeure seulement au milieu du IVe siècle av. J.-C. en Grèce, puis en Égypte, avant de devenir la culture céréalière dominante autour du Bassin Méditerranéen et au Proche-Moyen-Orient, voici 2 000 à 1 500 ans.
Du fait de son adaptation originelle aux climats de type méditerranéens, tempérés chauds, et aux territoires semi-arides, ainsi que de son adaptation tardive limitée à quelques zones plus nordiques, l’aire de répartition mondiale du blé dur est moindre que celle du blé tendre : les 13,5 millions d’hectares de blé dur en 2021 représentent 6,2 % des surfaces de blé du monde. Aujourd’hui, l’Union européenne, le Canada, le Mexique et les États-Unis sont les principaux producteurs mondiaux, tandis que les principaux importateurs sont l’Italie, la Turquie, l’Algérie, le Maroc et la Tunisie.

En France, le blé dur est cultivé essentiellement dans quatre bassins de production par plus de 22 000 agriculteurs, sur 252 000 hectares produisant 1,3 million de tonnes dont les deux tiers sont exportés essentiellement vers l’Union européenne et le Maghreb (chiffres de 2021). La France est le second producteur de l’Union européenne derrière l’Italie, et le deuxième exportateur européen de semoule. Le blé dur est la quatrième céréale cultivée en France.

Critères de qualité et facteurs de variation des rendements en France

Pour le blé dur destiné uniquement à l’alimentation humaine, les critères de qualité du grain doivent être obligatoirement respectés, sous peine de déclassement (vers l’alimentation animale, par exemple). Le mouchetage correspond à une coloration noire du grain ; le mitadinage correspond à un grain qui n’est plus complètement vitreux et comporte des parties blanches, moins dures, diminuant le rendement en semoule.

Les conditions climatiques, la qualité sanitaire de la culture et la nutrition azotée sont les éléments clés de réussite. Le choix variétal est déterminant.

Les conditions climatiques


Pendant les neuf mois séparant le semis (vers octobre) et la moisson (en juillet), le blé dur s’avère sensible aux accidents climatiques découlant de températures ou de régimes hydriques extrêmes. Plus spécifiquement, on notera la grande sensibilité de la qualité des grains aux pluies à la floraison et à la récolte : d’importantes pluies autour de la maturité peuvent en effet provoquer du mitadinage et altérer considérablement la qualité de la récolte.

La qualité sanitaire


Trois maladies foliaires (rouilles, septoriose et oïdium) peuvent avoir des impacts importants sur le rendement. Elles sont présentes partout et dégradent aussi la qualité́ du grain (grains échaudés et poids spécifique faible).
La fusariose de l’épi n’est pas systématique mais elle est grave par temps humide et chaud à la floraison. Les grains atteints par la fusariose déprécient fortement la qualité́.
La protection fongicide doit donc être soignée, mais les risques doivent être préalablement minimisés par le recours à des variétés résistantes et l’insertion du blé dur dans une rotation adaptée : on évitera notamment de cultiver le blé dur après une précédente culture de blé dur, et même de blé en général.


La nutrition azotée


À la récolte, le grain de blé dur doit présenter au moins 13,5 % de protéines et un minimum de grains mitadinés. Cela exige une nutrition azotée de bonne qualité, et pour cela une fertilisation azotée optimisée. La méthode la plus répandue pour calculer la dose à apporter est celle du bilan prévisionnel de l’azote ; c’est la même méthode que pour le blé tendre, avec des paramètres spécifiques du blé dur comme le besoin d’azote par unité produite, qui est sensiblement plus élevé qu’en blé tendre et varie selon la variété.
Le précédent cultural aura là aussi une grande importance : on privilégiera les précédents qui laissent dans le sol des quantités d’azote importantes, comme les légumineuses.


Le choix variétal


Sans atteindre le niveau du blé tendre, l’offre variétale est toutefois assez riche. Outre la productivité, le principal critère de choix à privilégier est la capacité de la variété choisie à produire – dans les conditions pédoclimatiques du lieu – une qualité de grain satisfaisante pour le marché. Cela passera par la recherche d’une bonne tolérance aux maladies du feuillage, au mitadinage et à la moucheture, et d’une teneur importante en protéines.

Rendements réalisés et résultats économiques


Les rendements moyens, variables entre lieux et années, sont de l’ordre de 55 quintaux par hectare, ce qui classe la France au deuxième rang mondial juste derrière le Mexique où l’intégralité des blés durs est irriguée. Le Canada et les États-Unis affichent des rendements autour de 30 quintaux par hectare.
Les résultats économiques sont fonction des rendements, de la qualité, des coûts et des cours. Ils varient donc fortement entre années, mais le résultat global pluriannuel reste positif quand on le compare au blé tendre. Une étude réalisée par Arvalis dans trois départements producteurs montre que, sur treize années, la marge brute blé dur dépasse en moyenne celle du blé tendre de 130 €/hectare en Loir-et-Cher, 260 €/hectare en Haute-Garonne et 470 €/hectare en Vendée.

Académie d’Agriculture de France (academie-agriculture.fr)

(©Académie d’agriculture de France)

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