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Académie d'agriculture de France

Le bien-être animal : quelle définition ?


Bernard DENIS, membre de l'Académie d'Agriculture de France le 06/01/2022 à 11:35
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L'opinion publique est de plus en plus sensible aujourd'hui à la question du bien-être animal. Il n'existe pas de définition officielle le concernant, ce qui contribue à expliquer que des points de vue différents s'expriment, certains d'entre eux étant susceptibles de conduire à des positions radicales à l'égard de l'élevage. Le point avec l'Académie d'agriculture de France.

Les conceptions classiques

Classiquement, en l’absence de définition officielle ou largement consensuelle, on peut estimer qu’il y a trois manières d’appréhender le bien-être des animaux :

  • L’approche minimaliste, qui considère que l’absence de maladie ou de blessure et, pour les animaux de ferme, le maintien d’un niveau de production satisfaisant, constituent un témoin suffisant de l’état de bien-être.
  • L’approche maximaliste, qui retient pour le bien-être animal la définition que l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) avait donnée de la santé des humains en 1946 : « La santé est un état complet de bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité ». Le fait nouveau était alors d’introduire, pour l’Homme, les dimensions psychologiques et sociales.
  • Entre ces deux extrêmes, diverses approches ont été proposées, la plus connue étant celle dite des cinq libertés ou des cinq principes (rapport Brambell, 1965) : 1. absence de faim et de soif, 2. confort physique, 3. bonne santé physique, et absence de blessures et de douleurs, 4. possibilité d’exprimer le comportement normal de l’espèce, 5. absence de peur et de détresse.

Aucune de ces trois approches n’est une définition à proprement parler du bien-être des animaux et chacune continue d’être défendue par ses partisans.

Une autre opinion vient s’ajouter à elles, qui contourne le problème de la définition en préférant parler de bientraitance. L’argument de ses tenants est qu’il ne sera jamais possible de savoir ce qu’est le bien-être, faute de pouvoir se mettre à la place des animaux. La bientraitance désigne ce que l’Homme considère a priori comme confortable pour ces derniers, même s’il est impossible d’échapper à un certain anthropomorphisme dans le choix. Les adeptes de la bientraitance considèrent que celle-ci se confond finalement avec le bien-être et soulignent que les pratiques retenues arbitrairement seront toujours susceptibles d’évoluer. […]

Le bien-être des animaux : un état physique et mental

Deux expertises collectives menées par l’INRA, en 2009 sur les douleurs animales et en 2017 sur la conscience des animaux, ont généré l’idée que la sensibilité et la conscience devaient être toutes deux prises en compte pour définir le bien-être.

Pour leurs auteurs, c’est au travers de ce que ressentent véritablement les animaux, et non pas de ce que l’homme croit bon pour eux, qu’il faut apprécier l’état de bien-être. Ils n’ont donc pas hésité à considérer que la définition de la santé de l’Homme par l’OMS pouvait être transposée au bien-être des animaux. Cela ressort clairement de la définition proposée récemment par l’ANSES : « Le bien-être d’un animal est l’état mental et physique positif lié à la satisfaction de ses besoins physiologiques et comportementaux, ainsi que de ses attentes. Cet état varie en fonction de la perception de la situation par l’animal ». On remarque que cette définition va bien plus loin que le Code civil qui, dans un amendement du 28/1/2015, qualifie les animaux d’êtres vivants sensibles.

Il est volontiers fait référence aujourd’hui à cette définition de l’ANSES mais elle ne fait pas l’unanimité et suscite des polémiques. Les tenants de la bientraitance doutent qu’il soit possible d’appréhender le ressenti des animaux dans leur très grande diversité, tandis que le groupe de travail de l’ANSES affirme le contraire grâce à l’analyse de leur comportement et à la prise en compte de leur état physiologique et sanitaire. Chacun paraît camper aujourd’hui sur ses positions.

Il reste que, malgré l’absence d’une définition consensuelle du bien-être animal, des méthodes d’évaluation ont été proposées. Elles sont toutes inspirées des cinq libertés. L’Organisation mondiale de la Santé animale (OIE), dans sa proposition de définition du bien-être animal, a amalgamé définition proprement dite et critères d’appréciation : « On entend par bien-être animal la manière dont un animal évolue dans les conditions qui l’entourent. Le bien-être d’un animal (évalué selon des bases scientifiques) est considéré comme satisfaisant si les critères suivants sont réunis : bon état de santé, confort suffisant, bon état nutritionnel, sécurité, possibilité d’expression du comportement naturel, absence de souffrances telles que douleur, peur ou détresse) ». Cette approche fait consensus au plan international.

Il en est de même du projet européen Welfare quality®, qui a retenu quatre grands principes du bien-être : de bonnes conditions de logement, une alimentation adaptée, une bonne santé et un comportement approprié des animaux. Ces quatre grands principes ont été déclinés en douze critères distincts mais complémentaires et appliqués à sept espèces et types de production (voir encadré ci-dessous).

Les douze critères d’appréciation du bien-être des vaches laitières, proposés par le projet européen Welfare quality®
Alimentation appropriée
1 – Absence de faim prolongée (score d’état corporel)
2 – Absence de soif prolongée (disponibilité en eau, propreté des points d’eau ; débit d’eau ; fonctionnement des points d’eau)
Hébergement approprié
3 – Confort autour du repos (temps nécessaire pour se coucher ; collisions avec les équipements durant le coucher ; animaux couchés en partie ou complètement hors de la zone de couchage ; propreté mamelle, flancs, membres postérieurs)
4 – Confort thermique (pas de mesures actuellement)
5 – Facilité de mouvement (les animaux sont-ils attachés ? ; accès à une aire d’exercice extérieure ou au pâturage)
6 – Absence de blessures (boiteries : nombre et gravité, lésions du tégument)
Bonne santé
7 – Absence de maladies (problèmes respiratoires : toux, écoulement nasal ou oculaire, respiration difficile ; problèmes digestifs : diarrhée ; problèmes de reproduction : écoulement vulvaire ; taux de cellules somatiques dans le lait, « syndrome de la vache couchée », dystocie ; mortalité)
8 – Absence de douleur induite par les procédures de gestion (écornage, coupe de queue : procédures ; âge des animaux ; utilisation d’analgésiques)
Comportement approprié
9 – Expression des comportements sociaux (comportements agonistiques)
10 – Expression des autres comportements (accès à la pâture)
11 – Bonne relation homme-animal (distance de fuite/d’évitement)
12 – État émotionnel positif (évaluation qualitative du comportement)

On peut donc remarquer que les méthodes actuelles d’évaluation de la qualité de vie des animaux ne sont guère discutées, bien que n’étant pas parties d’une définition scientifique rigoureuse du bien-être, et qu’elles ont à la limite valeur par elles-mêmes d’une définition, certes plus ou moins empirique. […]

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