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Académie d'Agriculture de France

La filière lait de chèvre en France


Dominique VERNEAU, membre de l'Académie d'Agriculture de France le 15/11/2022 à 07:50
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(©Pixabay)

Avec un peu plus de 600 millions de litres de lait de chèvre produits à l'année, en progression continue depuis des décennies, la filière caprine est une petite filière dynamique, qui, depuis quelques années a su maîtriser les volumes pour permettre une bonne rémunération de ses acteurs. On fait le point sur cette production avec l'Académie d'Agriculture de France.

La production du lait

Le nombre total d’éleveurs caprins recensés en 2013 était d’un peu plus de 6000, répartis entre 3200 producteurs fermiers ou mixtes et 2800 livreurs de lait. Le nombre de producteurs livreurs n’a cessé de baisser depuis (principalement en lien avec les conséquences de la dernière grande crise entre 2010 et 2013), pour s’établir en 2020 à 2300 producteurs. La collecte et, moindrement, la transformation fermière, se situent au Sud de la Loire ; plus on se dirige vers l’Est du pays, plus la production fermière prend de l’importance. La production de lait s’est développée vers la fin du XIXe siècle et le début du XXe, d’abord autour de quelques grands pôles coopératifs, puis de quelques groupes privés. La production s’est ensuite accélérée avec le développement des grands bassins de consommation (Paris, Lyon, Marseille), puis à la faveur de l’essor de la GMS (grandes et moyennes surfaces).

Depuis le début des années 1980, la collecte de lait de chèvre, avec la démocratisation de la consommation et le développement des ventes en GMS, en particulier le rayon libre-service, s’est fortement développée, passant de 170 millions de litres en 1979 à 527 millions en 2011.

Cet accroissement de la production s’est réalisé sous l’impulsion de plusieurs facteurs :

  • L’augmentation de la productivité par chèvre, avec une production moyenne de 992 litres de lait par lactation, contre moins de 700 litres il y a 40 ans. Ce progrès s’est trouvé mieux diffusé grâce au schéma génétique caprin français, par Capgènes (structure unique en France).
  • L’augmentation de la taille des troupeaux s’est accompagnée d’une professionnalisation des élevages, le cheptel restant, lui, à peu près stable au cours des décennies passées. Cette augmentation de taille a été rendue possible par un accroissement de la part des GAEC (Groupement agricole d’exploitation en commun, plus de 25 % du cheptel), des EARL (Exploitation agricole à responsabilité limitée, plus de 40 % du cheptel) ; les élevages individuels, nombreux, détiennent un peu moins de 30 % du cheptel.

L’économie de la filière

Depuis 2019, le prix du lait n’a pas cessé d’augmenter pour atteindre 771 €/1 000 litres (toutes primes comprises, toutes qualités confondues). En région Centre-Val de Loire, il s’est établi à 802 €/1 000 litres, et dans le Grand Ouest à 766 €/1 000 litres.

Le prix de base moyen français s’est élevé en 2021 à 694 €/1 000 litres pour un lait standard à 35 kg de matière grasse et 30 kg de matière protéique. Malgré ces hausses, les éleveurs n’ont toujours pas retrouvé des revenus permettant d’assurer une attractivité pour le métier. En effet, les résultats du réseau de fermes de référence INOSYS révèlent des revenus moyens relativement modestes, avec une grande variabilité et surtout un trou d’air à la suite de la crise de 2009-2012 ; ces revenus peinent à se rétablir avec les augmentations successives du prix du lait à cause de la hausse des prix des intrants.

Prix moyen du lait de chèvre en France

Il est indispensable que la filière retrouve les ressources pour consolider les revenus des producteurs et des transformateurs, si les opérateurs veulent assurer le renouvellement des générations.

Les singularités de la filière caprine, ses atouts, ses contraintes

La filière caprine a des particularités qui la distinguent des deux autres filières laitières :

En élevage

  • Un schéma de sélection unique, Capgènes, outil de la filière.
  • Deux races principales, Alpine (62 %, données du contrôle laitier) et Saanen (34 %), complétées par la Poitevine (2 %).

La chèvre n’est pas une petite vache :

  • Des besoins en entretien plus élevés/kg de poids vif, nécessitant des rations plus concentrées
  • Une capacité de production en moyenne plus élevée
  • Une capacité de tri accrue
  • Des réserves limitées
  • Donc une gestion de l’alimentation plus pointue, et les accidents métaboliques sont responsables de 25 % des mortalités

Un travail important :

En lait de vache, environ 300 000 litres par UMO, soit 43 vaches à 7 000 litres.

En lait de chèvre, environ 160 000 litres par UMO, soit 200 chèvres donc :

  • 200 mise-bas contre 43 vêlages ;
  • 300 chevreaux contre 43 veaux, 60 chevrettes à élever contre 12 génisses ;
  • 800 pattes pour la taille d’onglons 2 fois par an, 172 sabots à parer.

Le travail d’astreinte représente en moyenne 8,5 heures/1 000 litres en bovins lait spécialisés, 19 heures en caprins laitiers (source IDELE), soit 500 heures de plus par an en caprins.

La filière

  • Une petite filière (500 millions de litres, par rapport aux 24 milliards de litres en lait de vache).
  • Une filière jeune, relativement unie et soudée, avec une interprofession : l’ANICAP, créée en 1983,
    qui, après trois crises de surproduction, sait faire face à ses défis.
  • Peu d’acteurs :
    • 2 500 livreurs de lait, 2 500 fromagers
    • Environ 70 transformateurs
  • Un débouché principal : le fromage, avec un produit dominant, la bûchette.
  • Une diversification récente, avec le lait de consommation et l’ultra-frais.
  • Pas, ou peu de filière de dégagement (produits industriels).
  • Un prix de vente élevé, versus le lait de vache.
  • Une filière soumise aux aléas de la production et du marché.
  • Un approvisionnement souvent déficitaire.
  • Une production saisonnée qui s’arbitre sur la gestion de stocks de caillé congelé.
  • Une filière qui a recours aux importations de caillé issu d’Espagne ou des Pays-Bas, pour répondre à
    la demande.
  • Mais l’équilibre n’est pas toujours trouvé, et les gros déséquilibres sont à l’origine de crises qui
    souvent s’arbitrent sur le prix du lait.

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