Accéder au contenu principal
Académie d'agriculture de France

La diversification des systèmes de production agricoles à l’échelle territoriale


Gilles LEMAIRE, membre de l'Académie d'Agriculture de France le 18/08/2022 à 06:52
Scenic view of the Lot river valley in France

(©Getty Images)

L'intensification de l'agriculture s'est effectuée par la combinaison d'un usage important de ressources non renouvelables et d'une simplification des systèmes de production. Dans les pays industrialisés, la forte spécialisation de la production agricole est devenue une réponse aux contraintes socio-économiques, liées à la recherche de compétitivité à travers des coûts de production les plus bas possibles. Comment cette évolution se manifeste-t-elle envers la sécurité alimentaire et la qualité de l'environnement ? Le point avec l'Académie d'agriculture de France.

Sécurité alimentaire et qualité de l’environnement : un compromis est-il possible ?

L’intensification de la production agricole, associée à la spécialisation et l’uniformisation, aboutit à des impacts environnementaux préoccupants : contamination des eaux de surface et souterraines, émissions de gaz à effet de serre, érosion, contamination des sols, et perte de biodiversité.

Il en résulte une forte contradiction entre la nécessité d’augmenter la production agricole mondiale pour nourrir une population croissante, et celle de restaurer un environnement acceptable pour les sociétés humaines. Est-on réellement dans une impasse, ou bien existe-t-il des degrés de libertés pour trouver un compromis entre ces deux exigences ?

Face à ce dilemme, une analyse des systèmes agricoles les plus intensifiés montre que les impacts environnementaux, aujourd’hui constatés, ne sont pas directement la conséquence du niveau de productivité, mais sont liés à la perte de diversité du fait :

  • de la simplification,
  • de l’homogénéisation,
  • et de l’uniformisation

qui ont été imposées à toutes les échelles d’organisation. Un tel constat amène à formuler l’hypothèse de travail suivante : « La réintroduction d’une certaine diversification des systèmes de production, à l’échelle territoriale, ne devrait-elle pas permettre de maintenir la productivité agricole tout en minimisant les impacts environnementaux ? ». […]

Diversification, clé de la maîtrise des cycles bio-géochimique et des impacts environnementaux

Les impacts négatifs de l’agriculture moderne sur l’environnement sont liés aux émissions :

  • dans l’atmosphère : de composées actifs (CO2, CH4, N2O) contribuant à l’effet de serre ;
  • dans l’hydrosphère : de nitrates, phosphates et pesticides contribuant à l’eutrophisation des milieux et la détérioration de la qualité des eaux.

Ces émissions sont la conséquence d’une rupture d’équilibre entre les processus de couplage des cycles de C-N-P (Carbone-Azote-Phosphore) et de l’eau, avec les processus de découplage.

Le couplage correspond à la liaison stœchiométrique des éléments minéraux (avec C au sein de molécules organiques), alors que le découplage correspond à leur minéralisation libérant des formes ioniques libres de N et de P, ainsi que du CO2.

Ce déséquilibre engendre l’accumulation des formes actives de ces éléments dans le milieu.

Dans les écosystèmes naturels (forêts, pairies), les cycles de C, N et P :

  • sont couplés par la photosynthèse et l’assimilation des nutriments minéraux, afin de former la biomasse primaire (autotrophie) ;
  • et sont ensuite découplés par l’action de la micro-faune et de la micro-flore du sol (hétérotrophie).

Ces processus sont fortement reliés entre eux au niveau micro-local (rhizosphère) par un turn-over important, qui évite l’accumulation des formes ioniques actives de N et P, ainsi que leurs fuites dans l’environnement.

Turn-over couplage-découplage des cycles C, N, P et autres minéraux dans un écosystème à végétation naturelle.

Dans les écosystèmes cultivés, il y a rupture temporelle et spatiale entre les phases de couplage (couvert végétal) et les phases de découplage (sol nu). Il s’ensuit une augmentation des risques d’émissions dans l’environnement : NO3 – dans les eaux, NH3 et N2O dans l’atmosphère, PO4H2 – et PO4H — particulaire par ruissellement et érosion. La fertilisation minérale des cultures – en augmentant fortement la disponibilité de ces formes ioniques pour les plantes – permet d’augmenter les rendements, mais accroit dans le même temps les risques d’émissions dans l’environnement.

Asynchronie entre couplage et découplage dans les systèmes de cultures annuelles, et risques induits d’émissions environnementales.

La simplification des rotations et la tendance à la monoculture exacerbent le déséquilibre et accroissent fortement les risques environnementaux.

A contrario, la diversification des systèmes de culture, tant au niveau spatial (assolements) que temporel (rotations), permet de réduire l’asynchronie entre couplage et découplage. De plus, la diversification des rotations et des assolements permet en général une baisse de l’usage des pesticides, réduisant ainsi les risques pour l’environnement et la biodiversité. Introduire des légumineuses dans les systèmes de culture permet d’incorporer d’importantes quantités d’azote dans l’agro-système, sous une forme directement couplée.

L’augmentation de la diversité au sein des cultures – par la pratique des mélanges variétaux, des associations d’espèces, des cultures en bandes alternées, de l’agroforesterie – a pour ambition d’obtenir :

  • une utilisation optimisée des ressources du milieu pour la production agricole ;
  • et une réduction significative de l’utilisation des pesticides nécessaire à la protection des cultures.

Ceci démontre qu’en accroissant le niveau de diversité au sein des agrosystèmes, on peut maintenir, voire augmenter, la productivité agricole globale, tout en diminuant les risques environnementaux engendrés.

Une des bases de la diversité des systèmes de production agricoles est aussi l’association entre agriculture et élevage, qu’il convient d’organiser, non plus à l’échelle de l’exploitation individuelle mais à celle des paysages et des territoires.

Accédez à l’intégralité de la publication en téléchargement ci-dessous.

https://www.academie-agriculture.fr/

Pour approfondir le sujet consultez aussi