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Académie d'agriculture de France

Fiche introductive aux mycotoxines


Dominique PARENT-MASSIN et Isabelle OSWALD, membres de l'Académie d'Agriculture de France le 26/04/2022 à 11:21
corn rot,The fungi A. flavus and A. parasiticus producer of mycotoxin in corn used for food and animal feed in storage.

(©Getty Images)

À l’heure où le consommateur considère que le naturel est sain et que les produits naturels ne peuvent être toxiques, il est bon de se souvenir que les plus puissants poisons sont d’origine naturelle, et que certaines toxines naturelles sont potentiellement présentes dans les denrées alimentaires ; les mycotoxines de la famille des trichothécènes sont même suspectées d’avoir été utilisées comme arme chimique dans la seconde partie du XXe siècle en Asie ou au Moyen-Orient.

Les aflatoxines (AF)

Cinq toxines – AFB1, AFB2, AFG1 et AFG2 et M1 (métabolite hydroxylé de AFB1, retrouvé dans le lait des mammifères) – ont été incriminées dans des mycotoxicoses, secrétées principalement par Aspergillus flavus et Aspergillus parasiticus. On les retrouve dans les graines oléagineuses, les céréales, les fruits secs, les épices, les fruits à coque, le lait et les produits laitiers, la farine de poisson.

L’hépatotoxicité est la caractéristique majeure des aflatoxines, et notamment de l’AFB1 ; elle conduit à des cancers primitifs du foie atteignant l’Homme dans de nombreuses zones tropicales et subtropicales.

L’Aflatoxine B1 (AFB1) est une substance naturelle cancérigène avérée pour l’Homme. En conséquence, aucune Dose Journalière Tolérable (DJT) ne peut être fixée pour aflatoxines. […]

Les ochratoxines (OT)

Neuf molécules composent la famille des ochratoxines, mais seule la présence d’ochratoxine A (OTA) a été rapportée sur différents produits alimentaires.

Aspergilus ochraceus est responsable de la production d’ochratoxine A sur le café, les épices, l’arachide, le riz et le maïs en région chaude et tropicale. […]

La Commission européenne a fixé des niveaux maximums pour l’OTA de 10 μg/kg dans les denrées alimentaires telles que les céréales, les fruits secs ou encore les noix.

La patuline

La patuline est produite par plusieurs espèces des genres Penicillium (dont Penicillium griseofulvum, Penicillium urticae et Penicillium expansum), du genre Aspergillus (Aspergillus clavatus, Aspergillus giganteus et Aspergillus terreus) ainsi que Byssochlamis nivea.

Penicillium expansum est l’agent toxinogène incriminé dans la contamination des pommes, poires et produits dérivés. Byssochlamis nivea est la source de patuline dans les ensilages, alors que la contamination (peu fréquente) des céréales au cours du stockage est liée à Aspergillus clavatus.

Chez toutes les espèces, les signes toxiques – lors d’une exposition aiguë – correspondent à une neurotoxicité (agitation, convulsions) associée à une congestion pulmonaire avec ulcération et inflammation intestinales. La DJT a été fixée à 0,4 µg/kg pc/j.

[…]

Les toxines de Fusarium

Les toxines de Fusarium sont très fréquemment retrouvées dans les récoltes céréalières.

Fusarium graminearum et Fusarium culmorum sont les espèces majoritaires sur le blé et l’orge, et Fusarium verticillioides et Fusarium proliferatum sur le maïs. La contamination a lieu essentiellement avant récolte, et il n’existe à l’heure actuelle aucune stratégie de maîtrise suffisamment efficace pour garantir des niveaux de mycotoxines dans les grains récoltés respectant les limites réglementaires.

Ces toxines appartiennent à différentes familles :

Les trichothécènes forment un groupe, dont le déoxynivalénol (DON), le diacetoxyscirpénol (DAS) et la toxine T-2 sont les représentants les plus étudiés. […]

Les fumonisines sont produites par Fusarium verticillioides, Fusarium proliferatum, principalement sur le maïs et le sorgho. Elles ont des effets toxiques différents suivant les espèces animales ; la fumonisine B1 a un effet immunosupresseur. Les fumonisines peuvent induire des effets indésirables sur le système cardiovasculaire (hypertension et athérosclérose). […]

La zéaralénone est dotée d’une forte affinité à l’égard des récepteurs oestrogènes.
En raison de sa présence dans le maïs, elle est à l’origine d’un syndrome oestrogénique fréquent chez le porc, avec tuméfaction vulvaire, vulvo-vaginite, prolapsus vaginal chez les jeunes, altération de la fertilité mâle et femelle chez les adultes. Les effets de cette mycotoxine chez l’Homme ne sont pas avérés, cependant, elle est considérée comme un perturbateur endocrinien potentiel puissant. […]

L’enniatine, la beauvéricine, et la moniliformine sont des mycotoxines émergentes, produites par des champignons du genre Fusarium. […] Très peu de données sont disponibles quant à leurs effets toxiques, en conséquence, il n’a pas été possible de leur fixer une DJT, ni d’évaluer le risque pour le consommateur.

Les alcaloïdes de l’ergot sont produits principalement par des moisissures du genre Claviceps. Le terme ergot fait référence aux structures fongiques appelées sclérotes du champignon Claviceps purpurea, qui remplacent les grains sur les épis de céréales ; ces sclérotes contiennent des alcaloïdes toxiques. L’ergotisme se manifeste en deux formes :

  • une forme gangreneuse nommée feu de Saint-Antoine ou feu sacré ou mal des ardents ;
  • une forme convulsive appelée mal de Saint-André.

La dernière épidémie d’ergotisme en France aurait eu lieu à Pont-Saint-Esprit vers les années 1950.

En 2012, l’EFSA a attribué une DJT de 0,6 μg/kg pc/j aux alcaloïdes de l’ergot. L’exposition chez l’Homme peut varier entre 0,02 et 0,98 μg/kg poids corporel/j. Les enfants jusqu’à 10 ans sont 2 à 3 fois plus exposés que les adultes. À l’heure actuelle, la réglementation pour l’alimentation humaine concerne seulement la quantité de sclérotes (maximum 0,5 g/kg pour les céréales brutes), et non les alcaloïdes de l’ergot proprement dits.

Dans un contexte où les risques induits par la présence de résidus de produits phytopharmaceutiques dans l’alimentation inquiètent le grand public, il est donc important rappeler que des toxines naturelles – comme les mycotoxines – peuvent faire courir aux consommateurs des risques plus importants que les résidus de produits phytopharmaceutiques.

Sur le terrain, on constate que la diminution de l’usage des fongicides favorise la réémergence de l’ergot de seigle.

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https://www.academie-agriculture.fr/

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