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Agroéquipements

Et si on arrêtait de matraquer nos sols ?


TNC le 11/02/2022 à 06:03
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Une règle d’or à respecter : ne pas dépasser 17 t par essieu, car au-delà, le sol est compacté en profondeur (©TNC)

Comment concilier débit de chantier et respect des sols ? Au-delà des quelques règles de bon sens – tel éviter d’intervenir sur une parcelle humide –, de nombreuses solutions proposées par les manufacturiers existent pour réduire l’impact des machines. Tour d’horizon.

Pour réduire la pression au sol, les manufacturiers ont multiplié les innovations depuis une dizaine d’années. Les diverses solutions existantes consistent à mieux répartir la charge. Mais quelle que soit la situation, si l’on dépasse 17 t de charge par essieu sur des terres limoneuses et humides, elles seront tassées en profondeur au-delà de 30 cm.

Efficacité relative des roues plus grandes ou plus larges

Un pneu à grand volume d’air permet d’augmenter la surface d’empreinte au sol. Les manufacturiers en proposent désormais qui atteignent 650 à 900 mm de large pour les tracteurs de 200 à 250 ch de puissance (contre 420 à 520 mm de large en standard). Le diamètre s’étend lui aussi, certains modèles atteignent 2,15 m, voire 2,32 m chez Michelin, par exemple. « Les céréaliers constituaient la clientèle pour ces produits-là, mais désormais, les polyculteurs-éleveurs s’y intéressent également », note Jonathan Ramos, directeur technique et spécifications chez Trelleborg. Si le pneu à grand volume d’air permet de diminuer la contrainte en surface, il influence peu la propagation des contraintes en profondeur.

Le jumelage : efficace et peu coûteux

Le jumelage, aussi efficace que les pneus basse pression, consiste à doubler les roues sur chaque essieu, et donc la surface de contact au sol. La technique revient en vogue depuis cinq ou six ans, sans doute parce qu’elle est assez peu onéreuse, surtout si l’agriculteur opte pour des pneus d’occasion. « Excellent compromis entre le coût et la performance », commente Julien Hérault, conseiller indépendant en machinisme. Les adeptes sont nombreux parmi les céréaliers du grand Bassin parisien, particulièrement pour les travaux de semis. « Si le sol est assez ressuyé, les roues jumelées sont plus intéressantes que les pneus basse pression », remarque Pascale Métais, ingénieure spécialisée sur la fertilité physique et la structure des sols chez Arvalis-Institut du végétal.

Le jumelage des roues (ici lors de semis de maïs), solution assez efficace en conditions humides, est moins onéreux que les pneus basse pression si l’on opte pour des modèles d’occasion. (©TNC)

Les basse-pression : efficaces, mais onéreux

Réduire la pression des pneus (en deçà de 1 bar) élargit la zone de contact au sol. Après les pneus standards sont apparus les pneus élargis, puis très élargis et, plus récemment, les pneus IF (improved flexion) et VF (very high flexion). Les IF sont capables de supporter 20 % de charge supplémentaire au champ, et de rouler jusqu’à 65 km/h sur route. « La majorité des pneus montés sur les engins neufs en grandes cultures sont aujourd’hui des modèles de technologie IF », constate Guillaume Vidal, responsable marketing chez Michelin. Les VF, à flancs encore plus souples, acceptent une charge de 40 % supérieure à celle des pneus standards. En situation humide, la solution est efficace à condition de réduire significativement la pression de gonflage.

Le pneu de type VF est capable de supporter 40 % de charge supplémentaire à pression de gonflage identique. Mais il coûte deux fois plus cher qu’un modèle standard. (©TNC)

Outre le prix, la principale contrainte des pneus basse pression réside dans la nécessité de les dégonfler et regonfler selon qu’on passe de la route au champ et vice versa. Certains trouvent un compromis en gonflant à 0,8 bar tout le temps et en roulant moins vite sur la chaussée.

La firme Trelleborg a lancé le Pneutrac, un modèle à structure alvéolaire, « entre le pneu classique et la chenille », pour l’arboriculture et la viticulture. L’absence de flancs crée un effet chenille dans la répartition de la charge au sol. « Demain, la demande devrait arriver sur de plus grandes dimensions, pour les besoins de la grande culture », veut croire le directeur technique et spécifications de Trelleborg.

Le pneu adapté à la route et au champ, révolution silencieuse

Michelin a conçu le pneu Évobib, médaille d’or au Sima 2017, qui intègre la technologie VF et s’adapte à la route et au champ. Sa sculpture, réservée aux tracteurs de plus de 200 ch, change selon la pression de gonflage. Peu gonflé, c’est un pneu à chevrons, plus gonflé, il se transforme en pneu route.

Michelin a lancé il y a cinq ans son pneu adapté à la fois à la route et au champ baptisé Évobib. Sa surface d’empreinte augmente de 20 %. (©TNC)

La chenille : efficace en surface pour les charges lourdes

La chenille constitue la solution qui apparaît comme imbattable pour compacter le moins possible en surface, mais qui demeure peu répandue hormis sur les prospectus ou sur certaines machines automotrices. Elle intervient en dernier recours lorsqu’il s’agit de passer avec de grosses charges.

Le train de chenille augmente très sensiblement la surface d’empreinte et limite significativement le tassement de surface. Pas celui en profondeur. La solution est surtout valable sur terre meuble, pour des travaux d’épandage en sortie hiver et de reprise de travail du sol. À partir de 30 cm, aucune différence significative n’est observable entre la chenille et le pneu. C’est le résultat d’un essai mené dans les Hauts-de-France avec une arracheuse de betteraves sur sol limoneux humide par l’association de transferts de résultats Agro transfert.

« CTF », quèsaco ?

Dernière solution : le controlled traffic farming (CTF). Le principe est simple, tous les chantiers sont effectués en utilisant l’auto-guidage, qui a pour mission de faire passer le matériel toujours dans les mêmes empreintes. Pour cela, il faut évidemment une installation RTK, ainsi que des outils ayant tous la même largeur de travail (ou un multiple). Les passages sont archi compactés, ce sont donc les voies sacrifiées au profit du reste de la parcelle.

Le CTF permet de concilier débit de chantier et conservation des sols. En Australie et en Amérique du Nord, la technique émerge, mais pas en France, où il y a peu de chance qu’elle se développe, le parcellaire n’étant pas adapté. Nos champs sont trop petits et surtout, l’équipement est hors de prix, car il faut que l’exploitant renouvelle son parc machines, ou a minima modifie ses outils. Installer un élargisseur de voie pour obtenir la même distance entre les deux roues d’un essieu coûte très cher.