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Protection des plantes

Du canon à gaz à l’intelligence artificielle, tour d’horizon des effaroucheurs


TNC le 03/04/2024 à 05:10
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Corvidés (© © TNC)

La pression des corvidés et des pigeons s’accentue dans les champs de France. Avant la destruction, il existe de nombreuses méthodes pour faire fuir ces oiseaux qui peuvent causer d’importants dégâts.

Un oiseau, ça ne vit pas « que d’air pur et d’eau fraîche », comme dans la chanson de Michel Fugain. Les volatiles se nourrissent aussi de graines et de plantules. Et quoi de mieux qu’un champ tout juste semé comme garde-manger ?

« La pression est de plus en plus forte », confie Alexis Soiron, chargé de mission des interactions avec la faune sauvage des chambres d’agriculture et auteur d’un ouvrage de référence sur le sujet, le guide « Préévention et protection des cultures contre les corvidés », tout juste paru et accessible en ligne gratuitement. Car si les populations d’oiseaux se sont effondrées de 25 % en à peine 40 ans, plusieurs espèces, essentiellement les corvidés et les pigeons, ont largement profité de la disparition des perdrix, cailles, outardes…

« Pas de solution miracle »

L’impact économique de ces dégâts a été estimé par Terres Inovia et Arvalis à 20 millions d’euros sur les tournesol (à la levée) et entre 25 et 45 millions d’euros pour les maïs. L’outil Signalement de dégâts de la Faune Sauvage, déployé depuis décembre 2022, a permis de relever 858 cas et d’apporter plusieurs enseignements : les grandes cultures sont principalement touchées et 57 % des agriculteurs impactés avaient mis en place des systèmes de protection.

« Les corvidés sont des animaux extrêmement intelligents, capable de rendre obsolète toutes les mesures mises en place par les exploitants, souligne Alexis Soiron. Il n’y a pas de solution miracle. Il faut tester, varier, expérimenter. La vérité sur une parcelle peut être différente sur celle d’à côté. »

Panorama des techniques les plus répandues

Le canon à gaz : il reste le moyen le plus utilisé dans les champs de France. « Il montre vite ses limites. Le principal problème est l’accoutumance des oiseaux », note le spécialiste qui livre quelques conseils pour optimiser leur utilisation : à déployer juste avant le stade sensible (émergence en cas de risques colombidés, dès le semis pour les corvidés), privilégier les modèles avec coupure nocturne, espacer les détonations toutes les 15 ou 20 minutes, déplacer tous les deux jours sur la parcelle, orienter les effaroucheurs vers une source d’alimentation alternative par exemple un bois à proximité, combiner avec d’autres techniques comme les cerfs-volants. Pour éviter les conflits de voisinage, il convient de se renseigner auprès de la préfecture ou de la mairie avant utilisation (respect des dates d’utilisation autorisées, s’éloigner des habitations…).

Les hauts parleurs : ils émettent des cris d’oiseaux en détresse ou de prédateurs. Un mode aléatoire permet de limiter l’accoutumance. Conseil : éviter de programmer plus de 4 cris simultanés, le corbeau risque vite de se rendre compte qu’on se moque de lui. Là aussi, il est recommandé de s’éloigner des maisons les plus proches.

Les revolvers « effaroucheurs » et pistolet lance-fusée : ils tirent à blanc et font du bruit. Cela paraît simple. En vérité, une utilisation optimale demande un peu de pratique. « D’abord tirer des fusées détonantes pour faire décoller les oiseaux puis des fusées sifflantes ou crépitantes pour les faire se scinder en plusieurs groupes. Plus les oiseaux seront séparés, moins la pression du groupe sera forte pour revenir sur les lieux », résume Alexis Soiron. Enfin, même si c’est à blanc, il est interdit de tirer en direction d’une habitation.

Les corvidés sont des animaux remarquablement intelligents. (© Adobe Stock)

L’épouvantail : il peut à la limite être décoratif mais ne sert à rien contre les oiseaux. « Autant croire au Père Noël », tranche Alexis Soiron.

Le ballon-épouvantail : ce ballon, fixé au bout d’un mât, est doté de motifs réfléchissants qui imitent les yeux perçants d’un rapace. « Il a besoin d’être agité par le vent pour être efficace. Pour accentuer les mouvements, il est conseillé de mettre un ressort entre le ballon et la ficelle qui le retient au mât », détaille l’expert.

Le cerf-volant : il prend la forme d’un rapace noir menaçant, avec un bec jaune et une grande envergure. Il bouge même par vent faible. Attention aux haies proches pour éviter qu’il ne s’emmêle. Conseil de pro : remplacer les ficelles par un gros élastique noir pour le protéger des fortes rafales. Pour une version plus naturelle, des perchoirs permettent d’attirer les rapaces en chair et en os (et en plumes). Il est également possible de faire appel à des fauconniers (contact via les fédérations de chasse).

Les miroirs : Maître Corbeau étant un peu vaniteux, il reconnaitrait, selon certaines études, son reflet. L’efficacité des miroirs est donc nulle, à part pour servir d’amusante distraction aux corvidés.

De nombreux dispositifs innovants sont aujourd’hui à l’essai ou déjà sur le marché

L’AviTrac : entièrement programmable, cette machine de la société AgriProTech peut émettre jusqu’à 50 signaux d’effarouchement. Elle dispose de 3 semaines d’autonomie une fois chargée (panneaux solaires disponibles en option).

Drones et robots terrestres : la société Agri-Structures propose des drones volants et des robots terrestres pour faire fuir les oiseaux indésirables.

Systèmes de détection automatiques : « Plusieurs start-up travaillent sur systèmes faisant intervenir l’intelligence artificielle, couplés à des dispositifs sonores ou laser, avance Alexis Soiron. Cela permet d’effaroucher à bon escient, par exemple en évitant de déclencher l’appareil si une perdrix ou une outarde se pose. Après, les corvidés restent des animaux très intelligents… » Maître Corbeau versus ChatGPT, le match est lancé ! Parmi ces sociétés innovantes, citons Galinios, qui a reçu le prix des Chambres d’agriculture au concours Agreen Startup au salon de l’agriculture 2023.

En conclusion, Alexis Soiron rappelle que le mode d’effarouchement le plus efficace « reste la présence humaine ».