Au gui l’an neuf
André FOUGEROUX, membre de l’Académie d’Agriculture de France le 25/09/2025 à 10:00
Le gui – qui garde son aura mystérieuse – peut être détruit manuellement avec ou sans serpe d'or. Il est aussi possible, pendant cette opération, de chanter en celte, comme les druides d'autrefois : "O ghel an heu", signifiant "que le blé se lève". Au Moyen Âge, cette chanson est devenue "Au gui l'an neuf" dans la bouche des enfants réclamant l'aumône. Aujourd'hui, il est facile d'observer le gui poursuivre son action invasive et pénalisante sur les arbres de nos campagnes. Cependant, les chasseurs y trouveraient satisfaction et "seuls ont quelques raisons de s'opposer à sa destruction, parce qu'ils sont sûrs de voir en hiver une multitude de grives accourir pour manger les baies blanches que produit cette plante ".
Tantôt honni, tantôt honoré, le gui provoque des dégâts sur de nombreuses espèces ligneuses forestières et fruitières, entraînant un affaiblissement allant parfois jusqu’à la mort de l’arbre. Le gui était autrefois vénéré par nos ancêtres gaulois, la touffe de gui qui restait verte en hiver symbolisant la vie perpétuelle.
Cette plante parasite, si commune, reste un symbole païen d’origine nordique des fêtes de fin d’année, la présence de ses rameaux étant censée faire fuir les démons et leurs maléfices.
En France, le gui parasite fréquemment les pommiers et les peupliers. Il se rencontre aussi sur d’autres espèces comme les tilleuls, aubépines, sorbiers, et moins fréquemment sur les saules, amandiers, érables et robiniers ; il est rare, voire très rare sur les frênes, noisetiers, poiriers, bouleaux, cerisiers, charmes et châtaigniers, ormes et même les chênes.
Un fléau historique
La mauvaise relation entre le gui et les agriculteurs remonte loin dans le temps.
Les personnes confrontées aux infestations de cette plante hémiparasite ont vite fait le lien entre ces infestations et un affaiblissement de l’arbre hôte. Les agriculteurs ont aussi rapidement reconnu que la destruction de la seule partie aérienne du parasite était suivie de l’apparition de rejets et que l’arrachage des touffes de gui était une opération vaine.
Le gui a toujours eu ce statut ambigu entre vénération et destruction : La superstition de nos pères avait consacré le gui de chêne, peut être parce que cet arbre en porte rarement dans les pays du nord, et le préjugé qui en a été la suite se propage encore dans quelques cantons, où les habitants des campagnes n’osent pas le couper, quoiqu’ils détruisent sans scrupule celui qui nuit à leurs pommiers et à leurs poiriers. Après la Révolution, en 1800, dans un souci de clarification, le Dictionnaire raisonné universel d’histoire naturelle rappelle que « cette plante semble confondue dans la substance de l’arbre sur lequel elle croit, et demeure toujours verte en hiver et en été, sans que ses feuilles tombent. On sent par-là combien elle fait de tort aux arbres dont elle tire sa nourriture ; aussi les gens attentifs à l’entretien tachent-ils de la détruire. »
Le Cours complet d’agriculture lui consacre en 1822 un chapitre en actant que les pommiers et les poiriers en sont les principales victimes : « Les arbres fruitiers en plein vent sont sujets à en nourrir. Il est de fait qu’il épuise les branches qui le supportent et que, lorsqu’il est multiplié, l’arbre devient bientôt rabougri. On doit donc le détruire, mais pour le faire il ne suffit pas de casser ses branches comme on le pratique souvent ; il faut couper la racine ou même la branche de l’arbre sur laquelle il se trouve.
Ce que le Dictionnaire universel d’histoire naturelle précisera à nouveau en 1845, tout en rappelant l’ancienne vénération : « On connaît environ 20 espèces de ce genre, parmi lesquelles nous citerons le gui blanc Viscum album, qui croît également à ce que l’on prétend sur les frênes, les peupliers, les saules et les chênes. Il est très commun dans nos contrées méridionales et a longtemps été recommandé comme anti spasmodique et anti épileptique. Les Gaulois avaient autrefois une vénération très grande pour le gui de chênes que les druides leur faisaient envisager comme un présent du ciel. Mais ce temps de cérémonies superstitieuses est bien loin de nous. Actuellement le gui n’est pour le cultivateur qu’une plante extrêmement nuisible, et qu’il doit s’empresser de détruire aussitôt qu’elle commence à paraître ; car, s’il attend, il se verra obligé de couper la branche même qui porte ce parasite.«
La lutte contre le gui
Si la lutte manuelle contre le gui a ainsi longtemps prévalu, étonnamment, il n’est pas rapporté de solution faisant appel à la pharmacopée pour se défaire de cette plante parasite avant le XXe siècle et le développement de la chimie agricole.
Tout naturellement, les herbicides sont alors envisagés, afin de détruire ou d’inhiber le système endophytique du gui. Des herbicides véhiculés par la sève – tels que le 2,4DB ou le glyphosate – ont donc fait l’objet d’études, mais aujourd’hui il n’y a pas de solution autorisée.
Le recours au biocontrôle a aussi été envisagé, en isolant des pathogènes bactériens comme Burkholderia cepacia, Bacillus megaterium, Bacillus pumilus, Pandoraea pulminicola ou des champignons tels qu’Alternaria alternata et Acremonium kiliense à partir de touffes de gui. À ce jour, ces espoirs n’ont pas encore trouvé d’application pratique.
En protection des cultures, jusqu’au début des années 1980, la lutte contre le gui était obligatoire. Cette disposition a été abrogée et remplacée par l’annexe B de l’arrêté du 31/07/2000 modifié établissant la liste des organismes nuisibles aux végétaux soumis à des mesures de lutte obligatoire sous conditions. Cette lutte relève aujourd’hui de décisions ministérielles ou préfectorales précisant la zone concernée. Dans ce cas, sur l’ensemble du territoire mentionné, les personnes qui ont la jouissance ou l’usage de pommiers sont tenus de procéder à la destruction du gui sur les pommiers et peupliers par voie mécanique.

Pour approfondir le sujet consultez aussi
- fiche Question sur 04.03.Q14 : Au gui l'an neuf [547.67 KO]