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Bilan

Agritechnica : le triomphe de la démesure fait de l’ombre à la productivité verte


TNC le 20/11/2023 à 05:06
MoissonneuseCR11NewHollandAgritechnica

Avec son nouveau look et sa largeur de coupe de 15 mètres, la CR11 exposée à Agritechnica a attiré un public nombreux. (© TNC)

L’édition 2023 du plus grand salon mondial dédié au machinisme sacre la force de frappe des constructeurs, aux chiffres d’affaires faramineux. Côté « Green productivity », le thème de l’évènement, il fallait avoir l’œil aiguisé pour déceler dans les allées les traces d’une transition vers une agriculture plus responsable.

Le premier évènement de l’édition 2023 d’Agritechnica, la première en chair et en os depuis 2019, a donné le ton. Caché derrière un rideau noir, entouré d’une fumée de boîte de nuit, sous une musique digne d’un film Marvel, le tracteur 9S de Massey Ferguson est soudainement apparu au petit matin. Le tracteur le plus puissant du catalogue de la marque (jusqu’à 425 ch) soulignait d’entrée de jeu le contraste entre le thème affiché du salon, la « Green productivity », la « Production verte », et le gigantisme des vedettes du salon.

Toujours plus grandes, toujours plus lourdes, les stars d’Agritechnica ne faisaient pas, à l’image du 9S de Massey Ferguson, dans la dentelle. Le Xerion 12.650 Terra Trac chez Claas, élu « Tractor of the year » et aussi primé lors de Farm Machine, grimpe ainsi jusqu’à 653 chevaux et affiche 25 tonnes à vide sur la balance. L’autre grande tête d’affiche du salon, la moissonneuse-batteuse CR 11 de New Holland est capable d’absorber jusqu’à 18 m de largeur de coupe, 775 ch sous le capot et une trémie allant jusqu’à 20 000 litres. Des chiffres qui n’ont pas manqué de faire réagir les lecteurs de Terre-Net.

Les propulsions alternatives émergent

« 20 000 litres à 80 de PS ça fait juste 16 tonnes, reparties à 80 % sur les pneus avant, plus le poids du monstre qui doit sans doute avoisiner les 25 tonnes à vide coupe attelée, pour après ça parler de sol compacté, c’est de la folie », commente Paco. « Sans parler de la chaîne logistique pour arriver à suivre un monstre pareil et évacuer les tonnes de grain et en assurer le stockage. Car là, le chiffre de l’investissement devient plus que géant », souligne Willy.

D’un autre côté, des modes de propulsion alternatifs apparaissent, le palmarès de Farm Machine le montre. Dans la catégorie « Tracteurs puissance élevée », c’est le T7 Methane Power de New Holland qui a été récompensé, avec une autonomie conséquente (1 300 l de gaz en réserve) et une puissance à même de supporter de nombreux travaux (270 ch). Le concours a aussi salué, dans la catégorie tracteur utilitaire, le Farmall 75C de Case IH, illustre modèle de la marque avec un siècle au compteur, qui se modernise dans une toute nouvelle version électrique, avec des performances annoncées similaires au modèle diesel.

Sur les stands, ces innovations intriguent le public. Mais quand ils font la queue, ces passionnés de machines rutilantes, captivés comme des enfants dans un magasin de jouets, c’est pour grimper dans la cabine des mastodontes. Quand, chez les constructeurs, la file d’attente s’allongeait devant les plus grosses machines, un modèle électrique servait, lui, de batterie… pour recharger les téléphones. Quant à l’utilisation et la production de méthane, un débat inextricable, Patrice, un lecteur de Terre-Net, pose la question : « A ce régime on roulera au gaz mais on n’aura pas grand-chose pour se nourrir ».

Le HVO partout… sauf à la pompe

Chez les motoristes, le méthane et l’électricité étaient bien sûr présents, mais c’est le HVO qui était sur toutes les lèvres. Produit à partir d’huile végétale, de graisse animale ou d’huile de cuisson usagée convertie en chaînes d’hydrocarbure à l’aide d’hydrogène, ses propriétés sont presque identiques au diesel conventionnel, qu’il peut remplacer totalement. Problème : sa disponibilité reste aujourd’hui extrêmement limitée.

Au niveau du travail du sol, les solutions pour un désherbage mécanique, avec un recours limité voire nul aux phytos, se développent massivement, à l’image de la herse étrille Thulit chez Lemken ou un projet voisin en cours chez Kverneland, l’Arcadia 20220 F. Les systèmes de cartographie se généralisent, pulvérisateurs inclus, promettant un usage des fertilisants et des phytos ajusté au strict nécessaire. Dans le même temps, des outils tractés de plus en plus volumineux, notamment des semoirs, voient le jour. Et ce n’est pas certainement avec une batterie électrique, en tout cas pas aujourd’hui, et 75 chevaux au compteur qu’ils vont avancer.