« Les frais de mécanisation coûtent 18 milliards d’euros aux agriculteurs français »


TNC le 28/08/2024 à 05:00
Parcagricolevuduciel

25 % des charges d’exploitation sont des charges de mécanisation en France, et jusqu’à 30 % selon les filières. (© Adobe Stock)

La Fédération Nationale des Cuma (FNCuma) propose un « plaidoyer en faveur d’une mécanisation responsable, durable et vivable » pour favoriser la mutualisation et lutter contre le « suréquipement ».

Le réseau FNCuma, qui regroupe plus de 10 000 coopératives en France, lance le débat et interpelle les pouvoirs publics et les acteurs agricoles : « si la mécanisation de l’agriculture française a fait l’objet d’une vision et d’une stratégie globale au sortir de la Seconde Guerre mondiale, elle est aujourd’hui un impensé politique ».

Pour parvenir à ce constat, la FNCuma s’appuie sur 8 chiffres. Les deux premiers « pèsent lourd sur la compétitivité ». 25 % des charges d’exploitation sont des charges de mécanisation, jusqu’à 30 % selon les filières. Et la charge cumulée des frais de mécanisation pour l’ensemble des exploitations française s’élève à 18 milliards d’euros par an.

Encourager fiscalement la mutualisation

La FNCuma pointe également « des politiques publiques lancées à toute machine sans aucun cap, mais vers quoi ? » et des « dispositifs d’aide centrés sur le renouvellement de la demande » et non les réels besoins. Moins de 10 % des machines agricoles sont ainsi mutualisées. Et la « sur-mécanisation individuelle » bénéficie d’1,3 milliard de soutien fiscal. « Les agriculteurs ne sont pas fiscalement poussés à investir en collectif », assène la Fédération.

Ce suréquipement a aussi des conséquences environnementales : la FNCuma met en parallèle les 1,4 million de moteurs thermiques du parc agricole français avec les 600 000 poids lourds du parc français du transport routier.

Jusqu’à 15 000€ d’économies par an

Le conseil en machinisme est, lui, taxé de « parent pauvre du conseil agricole ». Selon la FNCuma, il n’y a en France qu’un conseiller machinisme indépendant pour… 25 vendeurs de matériel agricole. Or « la posture du conseil en agroéquipement doit d’abord répondre à une demande précise concernant un besoin d’équipement en matériel », souligne la FNCuma.

Il est pourtant facilement possible malgré tout de limiter les dépenses. Selon les calculs de la Fédération, le potentiel d’économies grimpe jusqu’à 15 000 € par an par exploitation. Et 1 000 litres de carburants pourraient être économisés par an et par tracteur grâce à de meilleurs réglages.

Etendre les missions de l’Observatoire des prix et des marges

« Compétitivité », « attractivité des métiers de l’agriculture », « innovation au service de la transition agroécologique », « réduction de la pénibilité »… La FNCuma ne compte pas revenir à la charrue à main et liste également tous les atouts des machines agricoles. Elle souhaite simplement en « refaire un objet de politique publique, de réflexion stratégique et d’accompagnement ». Pour cela, elle lance 7 propositions pour alimenter le débat :

  1. Poser dans la planification écologique un objectif de mutualisation du parc de machines agricoles à hauteur de 30 % en 2050.
  2. Renforcer les outils de pilotage des politiques publiques sur les volets des agroéquipements, notamment en étendant les missions de l’Observatoire des prix et des marges (« La flambée depuis ces trois dernières années des prix des agroéquipements, à hauteur de 30 %, ne s’explique pas seulement par l’inflation du coût des matières premières », tacle la FNCuma) et en élaborant une feuille de route de la mécanisation agricole « avec l’ambition de mettre en cohérence les différentes politiques de l’État ». Pour la Fédération, les multiples aides actuelles (dans le cadre du conflit avec l’Ukraine, plan de Relance, plan France 2030, Planification écologique, PAC) « ne s’articulent pas entre elles » et répondent juste « aux enjeux du moment » tout en « alimentant le suréquipement des fermes ».
  3. Créer un dispositif fiscal qui incite les agriculteurs à mutualiser les investissements, avec la mise en place d’un « crédit d’impôt mécanisation collective ».
  4. Développer le conseil indépendant et l’accompagnement en agroéquipement dans une démarche stratégique pour faciliter et objectiver la prise de décision des agriculteurs en s’appuyant sur une méthode et une boîte à outils à construire. « Cette proposition vise à lancer un chantier de construction de ce conseil stratégique associant les différents parties prenantes (Chambres, Réseau Cuma…) », explique la Fédération.
  5. Positionner le diagnostic mécanisation dans la phase d’installation des nouvelles agricultrices et nouveaux agriculteurs.
  6. Soutenir le reconditionnement de matériel agricole afin de donner une seconde vie aux équipements, notamment en les rendant éligibles aux aides à l’investissement (France Agrimer…).
  7. Mettre en œuvre une conversion énergétique adéquate du parc de machines agricoles. La FNCuma considère qu’il faudrait « en priorité électrifier les agroéquipements pour les activités sur l’exploitation, notamment en cour de ferme, et dans un second temps électrifier les agroéquipements et tracteurs d’une puissance inférieure à 160 ch ».