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Au cinéma

« Cyrille, agriculteur, 30 ans, 20 vaches, du lait, du beurre, des dettes… »


AFP le 26/02/2020 à 07:05
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Même avec le produit de la vente de son beurre de baratte, ses interminables journées de travail à la ferme et des heures supplémentaires comme serveur au restaurant du coin, Cyrille, éleveur laitier en Auvergne, n'arrive pas à vivre de ses 20 vaches. Tel est le thème du film documentaire de Rodolphe Marconi qui sort en salle ce mercredi.

Le film documentaire Cyrille, agriculteur, 30 ans, 20 vaches, du lait, du beurre, des dettes de Rodolphe Marconi arrive à point nommé, en plein milieu du Salon de l’agriculture. Un portrait sans pathos, mais bouleversant d’un jeune éleveur dans la crise silencieuse qui affecte l’élevage et les campagnes françaises de ce début du 21e siècle. Au lieu d’échafauder des plans pour l’avenir, Cyrille, réveillé à 6 h, combinaison verte et bonnet vissé sur le crâne, est comme prisonnier du passé. Il travaille tout le temps pour combler des dettes, jusqu’à la liquidation de l’exploitation agricole.

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Un documentaire saisissant

En immersion pendant plus de trois mois dans la ferme, le cinéaste montre les longues journées de travail du jeune homme dans une ferme presque isolée de demi-montagne située dans le Puy-de-Dôme. « Je l’ai filmé au plus près, comme je l’avais fait pour Karl Lagerfeld », explique à l’AFP l’auteur du remarqué Lagerfeld confidentiel en 2007. Un vêlage difficile dans l’étable, la soumission au négociant qui emporte les veaux sans même dire combien il les paiera, la mort d’une vache malade… la caméra du documentariste montre chaque épreuve que subit le jeune producteur.

Une autre sortie ciné agricole depuis début 2020 : Les Vétos, le premier film sur le métier de vétérinaire et ses difficultés

Les ennuis de Cyrille viennent des dépenses engagées pour une mise aux normes des bâtiments d’élevage après le départ à la retraite de sa mère, décédée depuis. La laiterie ne veut pas se déplacer pour collecter son lait, car il ne produit pas assez de volume. Le jeune éleveur s’essaie alors aux circuits courts en allant vendre son beurre directement sur un marché voisin, pour un revenu dérisoire. Le documentaire est d’autant plus saisissant qu’il vient juste d’être tourné, entre décembre 2018 et mars 2019. À la différence du film Au nom de la terre d’Edouard Bergeon avec Guillaume Canet, ayant remporté un succès colossal l’an passé avec plus de deux millions de spectateurs, qui remonte aux années 1990 même s’il s’inspire également d’une histoire vraie.

« Je ne voulais pas tricher »

Le documentaire de Rodolphe Marconi montre l’extrême solitude dans laquelle est plongé le jeune homme, paraissant comme inadapté à la technicité de l’agriculture actuelle et à une crise qui ne touche pas que les éleveurs proches de la retraite comme l’affirment certains experts. Beau portrait d’homme aussi : Cyrille parle aussi bien de son amour des vaches que de son manque de moyens ou de sa solitude. Il ne se plaint pas. La vie va comme elle peut. Ses journées commencent par un « go » lancé avant la traite et se terminent sur un site de rencontres.

Le montage est linéaire. « Je ne voulais pas tricher », explique le réalisateur. Le spectateur comprend au passage combien il est difficile de vivre son homosexualité lorsqu’on est contraint d’habiter chez son père par manque de moyens. Et de traverser la chambre paternelle pour aller dans la sienne. Encore bouleversé par l’âpreté de l’expérience et de ce qu’il nomme la « pureté » de son personnage, le réalisateur raconte qu’il ne savait pas ce qui l’attendait lorsqu’il a proposé à Cyrille de le filmer. Leur rencontre fortuite s’est faite sur une plage du sud-ouest de la France, lors du seul court congé que le jeune agriculteur se soit jamais octroyé avec un ami.

« J’allais nager chaque matin une demi-heure sur la même plage et j’ai vu, trois jours de suite, ce jeune homme avancer dans l’eau jusqu’aux genoux et s’arrêter », raconte le cinéaste. « Le troisième jour, je lui ai demandé pourquoi il n’allait pas plus loin. Il m’a répondu qu’il ne savait pas nager. » Aujourd’hui, Cyrille suit des formations de reconversion professionnelle. Raison pour laquelle il peut difficilement participer à la promotion médiatique du film aux côtés du réalisateur. Pour Rodolphe Marconi, « ce qui est important est qu’il s’en sorte ».