« Pour renouveler les générations agricoles, ouvrez les chakras ! »
TNC le 10/06/2025 à 17:51
Preuve de l'importance des enjeux liés à l'attractivité des métiers et au renouvellement des actifs dans le secteur agricole : pour le premier d'Innov-Agri dans les Hauts-de-France, les 4 et 5 juin 2025 à Essigny-le-Grand, un espace et cinq conférences par jour étaient dédiés à la formation et l'emploi, notamment au recrutement de nouvelles recrues, chef(fe)s d'exploitation et salarié(e)s, et à l'organisation du travail. Y participaient les principaux acteurs dans ce domaine : chambre d'agriculture, Région, Vivéa, Apecita, Ocapiat, France Travail, Aract, Draaf, service de remplacement, CFA...
41 % des recrutements sont jugés difficiles par les employeurs, par manque de candidats ou de profils adaptés. Aucun des intervenants, présents aux ateliers dédiés à la formation et l’emploi en agriculture à Innov-Agri Hauts-de-France, pour dire le contraire : « Le secteur agricole est en tension, mais pourtant riche en opportunités. » Chambre d’agriculture, Région, Vivéa, Apecita, Ocapiat, France Travail, Aract, Draaf, service de remplacement, CFA… chacun s’implique dans des actions pour mieux faire connaître les métiers de l’agriculture et lutter contre les clichés, afin de les rendre plus attractifs auprès des jeunes comme des moins jeunes.
Tous bien sûr se mobilisent lors de salons agricoles comme ici, lors des forums de l’emploi, de la formation, de l’alternance, de journée d’orientation dans les lycées, les collèges, etc. Ocapiat s’appuie sur un réseau d’ambassadeurs – agriculteurs, salariés en exploitation ou d’entreprises de l’amont et l’aval… – car qui de mieux placés pour parler de leur profession que ceux qui l’exercent, et exhortent le maximum de professionnels à le rejoindre. « Et si chaque agriculteur commençait par échanger avec les habitants de son village, succeptibles d’être intéressés ? », suggère l’Apecita.
« Un gros travail de promotion à mener »
« Pour toucher la cible jeune très active sur les réseaux sociaux, et montrer que ces métiers sont modernes », Ocapiat y partage des vidéos de #jeunesdéter de 15 à 25 ans, apprentis en ferme, chefs d’exploitation, fromagers… L’Apecita, elle, a créé le site Agroorientation.com, à destination des candidats potentiels, comme des prescripteurs auprès desquels « un gros travail de promotion doit être mené ». Il répertorie 200 fiches métiers, 1 300 formations et 2 100 organismes qui en proposent.
Un crédit d’impôt pour promouvoir son métier.
Initiatives similaires de la Région Hauts-de-France avec la plateforme Prochorientation.fr, et l’intervention d’agriculteurs et de lycéens agricoles ambassadeurs dans les collèges de milieux urbains. Face à une charge de travail importante sur la ferme, donner de son temps est parfois difficile pour les exploitants. Sachez qu’en guise de dédommagement, il peut être possible de bénéficier, « via le mécénat de compétences, d’un crédit d’impôt à hauteur de 60 % des heures consacrées », avance la Région. « ll faut également inciter les élèves à effectuer leur stage de 3e et de 2nde dans le milieu agricole », suggère Ocapiat.
France Travail, une source énorme de candidats peu exploitée en agriculture
Pour renouveler les générations d’agriculteurs et de salariés agricoles, Ocapiat encourage à « ouvrir les chakras » vers d’autres circuits que ceux habituels des filières agricoles, comme France Travail. L’organisme met d’ailleurs en avant sa « force de frappe » avec, par exemple dans les Hauts-de-France, près de 500 conseillers répartis dans les différents territoires s’occupant exclusivement des relations avec les entreprises cherchant à embaucher. « Nous sommes la plus grosse source de candidats à l’emploi en France, ajoute-t-il. Mais, peu de nos offres concernent l’agriculture car les exploitants ne sont pas habitués à passer par nous. »
Toutes les organisations citées travaillent en partenariat pour accroître l’efficacité des dispositifs que chacune met en place. La plupart accompagnent également les employeurs dans leurs démarches de recrutement, et les demandeurs d’emploi dans leur montée en compétences via la formation, pour qu’ils accèdent à un véritable « parcours professionnel avec des évolutions possibles ». Ces derniers peuvent même bénéficier d’immersions en entreprises, France Travail dispose d’un site web réservé à cela mais regrette « la faible présence des exploitants agricoles ».
Professionnaliser le recrutement et la fidélisation
« Recruter est un métier, les agriculteurs ont déjà beaucoup de casquettes, ils ne peuvent pas tout savoir faire », argue Ocapiat. « Un accompagnement par des structures spécialisées permet de professionnaliser les choses », appuie l’Apecita. L’analyse de postes, des activités à réaliser, l’identification des profils, la préparation des entretiens d’embauche, de l’intégration des salariés, des plans de formation… augmentent les chances de réussite. « Il s’agit de valoriser votre entreprise, vos valeurs, autrement dit votre marque employeur », souligne l’organisme, de même que France Travail. « Mais avant toute chose, vous devez nous remonter vos besoins », insistent d’une seule voix tous les intervenants.
Valoriser votre entreprise, vos valeurs, votre marque employeur.
L’important ensuite est de les communiquer auprès des demandeurs d’emploi mais également des personnes qui envisagent une reconversion professionnelle, puisqu’un salarié sur trois prévoit de changer d’emploi dans les douze mois. La fidélisation est donc un enjeu essentiel, la reconnaissance du travail et l’ambiance étant deux facteurs déterminants. Un mauvais management de proximité est tout aussi impactant. « C’est la première raison de quitter une entreprise, lance l’Apecita. Or, les agriculteurs sont peu formés dans ce domaine, ils apprennent sur le tas. Une formation les aideraient pourtant à mieux répondre aux attentes de leurs salariés et leur éviteraient de devoir recruter trop souvent. »
Se former davantage aux enjeux stratégiques
Or l’offre existe, au sein des chambres d’agriculture mais pas seulement. Vivéa en a à son catalogue avec une sélection d’organismes qui les organisent. L’inscription est rapide et facile : toutes les démarches s’effectuent en ligne. Les coûts sont pris en charge intégralement par Vivéa (en partie hors catalogue), notamment pour les permis C, CE, BE, B96, Fimo, FCO et chasse, les bilans de compétences…, et les demandes de financement gérées par l’organisme.
3 000 €/an pour se former, autant en profiter !
« 120 €/an de cotisations MSA me donne droit chaque année à 3 000 € financés par Vivéa pour des formations professionnelles (s’applique aux chefs d’exploitation, conjoints collaborateurs et aides familiaux), autant en profiter ! », exhorte un agriculteur, qui se forme régulièrement pour gagner en autonomie sur le plus de tâches possible.
Un crédit d’impôt pour chaque heure passée (au Smic horaire de 11,65 €) peut être sollicité, de même que le recours au service de remplacement. « Réunir les exploitants sur des formations non obligatoires est un vrai challenge, en raison de la charge de travail, de la météo », déplore l’Apecita qui met en œuvre depuis quatre ans avec les chambres d’agriculture du Nord et du Pas-de-Calais un programme spécifique sur le management, basé sur la connaissance de soi, la façon d’entrer en relation avec les autres, la gestion des erreurs, des conflits.
Difficile de mobiliser sur des formations non obligatoires.
Ce que confirme Vivéa : « Le Caces, le Certiphyto, la santé et sécurité au travail, entre autres, représentent la majorité des demandes. Le technique prime malheureusement sur le stratégique : développement de l’entreprise, recrutement des salariés, management, communication, enjeux de la Pac, etc. Constat identique côté salariés : « 70 % des actions portent sur le réglementaire », constate Ocapiat qui s’occupe de la formation des salariés agricoles. Des parcours plus longs sont envisageables tels que les certificats de qualification professionnelle pour les moins de 30 ans et les contrats de professionnalisation au-delà de cet âge.
Améliorer les conditions de travail
L’attractivité des métiers et le renouvellement générationnel passent également par l’amélioration des conditions de travail. Pour se dégager du temps, il est possible de recourir au Service de remplacement. Dans les Hauts-de-France, un peu plus de 1 700 agriculteurs adhèrent à l’une des six associations – une par département et deux dans le Nord – et 1 000 contrats environ sont signés chaque année. 80 agents de remplacement y travaillent (dont 30 % de femmes) à 70 % en CDI. « Comme quoi on peut y faire carrière ! », lance le délégué régional.
Comme son nom l’indique, l’Aract (Agence régionale pour l’amélioration des conditions de travail) peut épauler les entreprises dans ce domaine : elle réalise des diagnostics en situation et co-construit, avec l’agriculteur, ses associés, ses salariés, des solutions aux problèmes identifiés, qui seront expérimentées puis pérennisées si elles conviennent. « L’objectif est d’initier une discussion sur le travail au sein de l’équipe afin de garantir la santé physique et mentale de chacun. Les leviers peuvent relever de l’organisation, du climat social, etc. Ils sont souvent simples et peu coûteux, la finalité étant d’améliorer les performances économiques », détaille l’organisme.