Marchés mondiaux

Un scénario catastrophe évité pour les produits laitiers, selon l’Idele


TNC le 30/07/2020 à 06:03
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La demande mondiale en produits laitiers a été dynamique en 2019, « toujours tirée par la Chine et l’Asie du Sud-Est », d'après l'Idele (©Pixabay)

Le coronavirus a joué les « trouble-fêtes » et a bousculé les filières laitières alors même que la conjoncture était favorable en 2019, a annoncé l’Idele dans son dernier dossier économie de l'élevage sur les marchés mondiaux des produits laitiers. « Si le scénario catastrophe pour la filière semble avoir été évité, les incertitudes restent nombreuses pour les mois à venir. »

Les marchés mondiaux des produits laitiers étaient en « bon équilibre général » en 2019, selon l’Idele dans son dossier économie de l’élevage de l’été 2020 paru le 21 juillet dernier. La production laitière avait alors progressé modérément, essentiellement en Asie. Elle était en revanche restée modeste dans les principaux pays exportateurs, notamment en Océanie (Australie et Nouvelle-Zélande), en conséquence des événements climatiques, en particulier la sécheresse. Aux États-Unis, c’est la hausse du prix du lait qui a permis de booster la production.

Les échanges internationaux avaient même « progressé en 2019 grâce à la remise sur le marché d’importants stocks de poudre maigre accumulée dans l’Union européenne lors de la crise de 2016, et de poudres grasses en Nouvelle-Zélande. » Au global, les produits laitiers ont bénéficié d’une demande internationale supérieure aux disponibilités. Mais cet équilibre a pris du plomb dans l’aile avec la crise de la Covid-19.

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Les conséquences ont été multiples : perturbation des chaînes d’approvisionnement, pertes de débouchés, demande de réduction de collecte (qui a d’ailleurs été bien suivie), accumulation de stocks, notamment avec un excès important de fromage aux États-Unis, obligeant les éleveurs à jeter leur production. Les cours des commodités laitières ont chuté, mais sont ensuite rapidement redressés, étant donné les stock de poudre et beurre qui sont restés limités dans l’UE. Si la filière entrevoit un avenir moins tourmenté, des incertitudes demeurent.

La Chine, un débouché essentiel pour les produits laitiers

Si les importations chinoises au 1er semestre 2020 ont été perturbées par le coronavirus, « elles pourraient redevenir dynamiques au second semestre. » Et heureusement, parce qu’avec 12,4 milliards d’euros (+15 %/2018), le pays est resté le principal débouché des produits laitiers en Asie en 2019, avec plus de 55 % des importations en valeur. La production laitière avait augmenté pour la deuxième année consécutive dans le pays (+4,1 % en 2019 par rapport à 2018) pour atteindre un niveau historique, à 32 Mt, ce qui n’a pas pour autant entravé la hausse des importations, compte tenu de la croissance de la demande chinoise.

Les importations ont également été en hausse dans les autre pays de l’Asie de l’Est et du Sud-Est. Au total, les pays de cette zone ont importé 22 Mds€ de produits laitiers, ce qui représente 45 % des échanges mondiaux (commerce intra-européen exclu), l’Europe ayant fournit 40 % (en valeur) des produits importés.

« Un retournement de tendance en 2020 ? », interroge l’Idele. C’est possible. Avec la pandémie, les ventes de produits laitiers ont chuté dans le pays et les débouchés se sont réduits. Les transformateurs ont constitué d’importants stocks de poudre grasse ce qui risque de réduire les importations en 2020. Les importations de beurre et de fromage devraient en revanche continuer de progresser.

Une récession économique mondiale

L’Europe s’en sort relativement bien, avec peu de perturbations importantes à venir, mais la crise a rendu la demande de certains pays particulièrement incertaine.

En Amérique du Nord, les accords commerciaux ont renforcé les échanges. Le Ceta, l’accord commercial entre le Canada et l’Union européenne a stimulé les importations canadiennes de produits laitiers, tandis que l’accord Canada, États-Unis, Mexique (ACEUM) « pourrait conforter la filière laitière sur son marché nord-américain ». Pour autant, « la forte dégradation du peso au Mexique, qui est le premier débouché en produits laitiers pour les États-Unis » pourrait compromettre les perspectives à l’exports, alors même que la hausse des stocks de fromages et de poudre maigre lié à la Covid-19 a créé « un déséquilibre qui devrait peser sur la filière dans les mois à venir ».

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Dans les pays du Mercosur, les perspectives n’apparaissent pas plus réjouissantes : « l’année 2020 s’annonce encore plus compliquée et difficile avec la pandémie de Covid-19 ». En plus des problèmes sanitaires, la crise économique et sociale risque de s’aggraver, et la production laitière pourrait encore diminuer. Les exportations de produits laitiers en Uruguay et en Argentine sont attendues en diminution. « Le contexte économique international dégradé et le probable prolongement de la baisse de la consommation nationale pèseront sur les cours et sur le prix du lait, ce qui risque de compromettre la reprise de la production laitière » en Argentine, explique l’Idèle.

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Au Brésil, la crise a non seulement plombé la consommation de produits laitiers, ce qui a mécaniquement réduit les importations, mais aussi fait grimper les coûts de productions, notamment sur l’alimentation du bétail. « La conjoncture laitière plus incertaine, la désorganisation de la collecte et de la distribution, risquent de décourager la production laitière » dans le pays.

En Nouvelle-Zélande, où le creux de collecte a été marqué, c’est la reprise saisonnière de la production laitière au second trimestre 2020 qui sera déterminante sur l’équilibre des marchés mondiaux. En Australie, les exportations pour les produits laitiers risquent de subir la baisse de la demande asiatique liée au coronavirus, la Chine représentant un débouché majeur du pays.

Une corrélation entre pétrole et importations

En Méditerranée et Afrique, la crise économique a également plombé la demande. En Algérie par exemple, qui est l’un des principaux importateurs de poudre dans le monde, la crise est loin d’être sans conséquence. Comme dans d’autres grands pays importateurs (Russie, Nigeria notamment) la demande est fortement liée aux revenus issus de la vente du pétrole. Compte tenu de la conjoncture actuelle, le demande est compromise. Si les revenus baissent, les importations de produits laitiers risquent de suivre le même chemin. Même chose en Russie : « on ne peut exclure un net ralentissement de la demande internationale en produits laitiers sous l’effet de la récession économique mondiale », explique l’Idele.

Pour plus de détails, consultez le Dossier Economie de l’élevage Été 2020 de l’Institut de l’Elevage.