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[Point de vue] Réforme de la Pac

J.-M. Séronie : « Décentraliser les décisions pour éviter la renationalisation »


TNC le 22/03/2019 à 15:22
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Entre la négociation du Brexit qui, à moins de 200 heures de la date initialement prévue, vient d’être repoussé de quelques jours, et l’incertitude des élections européennes, la réforme de la Pac a été rangée dans les placards de Bruxelles. Pour l’agroéconomiste Jean-Marie Séronie, soutien du parti présidentiel, le choix des prochains députés européens sera crucial pour saisir l’occasion de « construire une Pac plus ambitieuse ». Une nouvelle Pac qui n’entrerait en vigueur qu’en 2023.

Sur son blog, l’agroéconomiste Jean-Marie Séronie estime que la temporaire mise au placard de la réforme de la Pac, en attendant l’issue du Brexit et les élections européennes, repousse mathématiquement son entrée en vigueur en 2023. De quoi laisser du temps, selon lui, pour « construire une Pac plus ambitieuse ».

« La Pac ne sera pas reformée avant les élections européennes de mai 2019, c’est certain maintenant. Cette décision de la commission agricole du parlement européen démontre son rôle central dans toute réforme de la Pac. Le choix des députés français, notamment ceux de LREM, qui y siégeront est donc déterminant alors que la plupart des huit députés français sortants « agricoles » ne se représentent pas ou risquent de ne pas être en position éligible », explique-t-il.

« Ce choix du parlement européen donne une marge de manœuvre de deux ans supplémentaires pour négocier la réforme. En effet, compte tenu des règles et de l’agenda européen, une nouvelle Pac ne pourra entrer en application qu’en 2023. Cela laisse donc un temps supplémentaire pour fortement améliorer la proposition de la commission et construire une Pac plus ambitieuse. Les marges de manœuvre pour une Pac plus forte dépendront des alliances possibles mais aussi de l’évolution du contexte européen comme de la situation des marchés.

Quatre pistes d’amélioration à négocier à Bruxelles

On pourrait proposer quatre grandes voies d’amélioration. D’abord, il faudrait préciser et sans doute mieux encadrer les nouvelles règles de mise en œuvre de la Pac pour garantir une décentralisation des décisions au plus près du terrain sans prendre le risque d’une renationalisation rampante ou de distorsions de concurrence trop fortes au sein de l’Union.

Nous devrons ensuite améliorer la protection apportée par la Pac aux agriculteurs européens en améliorant les outils de gestion des risques et les modalités d’intervention en cas de crise grave.

Troisièmement, il conviendra d’accroître les capacités de la Pac à anticiper et accompagner les innovations des agriculteurs s’engageant résolument dans les transitions agricoles. Il conviendrait sans doute de moins soutenir le revenu des exploitants (ce qui pousse à maintenir un statu quo) et de davantage accompagner l’adaptation des exploitations agricoles dans les transitions (donc favoriser l’avenir).

Et surtout, nous devrons préciser les grands objectifs communs à la Pac auxquels devront se conformer les plans stratégiques nationaux.

Engager sans attendre la construction du plan stratégique français

Ce délai supplémentaire devra également être utilisé en France pour construire dès maintenant les bases du plan stratégique national. Compte tenu de notre histoire et de notre pratique (réformer en préservant au maximum les équilibres établis), ne sera pas une mince affaire. De cette déclinaison nationale et donc des décisions que nous prendrons dépendra en partie la capacité de l’agriculture française à s’adapter à l’économie de marché (localement et internationalement), à concilier efficacité économique, sociale, environnementale mais aussi acceptabilité sociétale. »