La colère agricole refait surface, avec des ressorts multiples


AFP le 12/12/2025 à 09:45
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Manifestation de la Confédération paysanne dans le Var. (© Compte X Conf' paysanne)

Un accord Mercosur sur le point d'être voté, une Pac profondément remaniée, des maladies animales à la gestion publique contestée... la colère agricole refait surface aux quatre coins de la France et devrait s'exprimer à Bruxelles la semaine prochaine.

Une marche est prévue le 18 décembre dans la capitale européenne, où les organisateurs espèrent jusqu’à « 10 000 manifestants », dont une bonne partie venue de l’Hexagone.

En France, cette semaine a vu gonfler la mobilisation : actions contre des abattages sanitaires du Jura aux Pyrénées, rassemblements devant les préfectures, « feux de la colère » dans la Marne, cercueil devant le ministère…

L’exaspération est telle que presque tous les syndicats agricoles ont boycotté le discours de la ministre de l’agriculture Annie Genevard, qui a lancé lundi à Rungis des « conférences de la souveraineté alimentaire » : un « exercice de communication » alors que le « diagnostic » dramatique de la « Ferme France » est connu, selon la FNSEA.

La première puissance agricole européenne souffre, doit importer toujours plus au point d’entrevoir un déficit commercial en 2025 pour la première fois depuis 50 ans. Ses fleurons, du blé aux vignes, traversent une crise inédite.

Les avanies s’accumulent : crises climatiques, sanitaires, tensions géopolitiques, coûts de production en hausse, prix et revenus en berne… En cette veille d’hiver, s’ajoutent d’autres sources de préoccupation.

La dermatose qui fâche

Des éleveurs en pleurs, des militants prêts à en découdre : l’opposition à la politique sanitaire du gouvernement – qui divise les syndicats – se durcit ces derniers jours.

Après la fièvre catarrhale ovine et alors que sévit toujours la grippe aviaire, la dermatose nodulaire contagieuse (DNC) des bovins est apparue en France fin juin. Sa gestion par l’État, avec abattage de tous les foyers affectés, passe mal.

Dans le Doubs ou en Ariège, des manifestants, soutenus par la Confédération paysanne et la Coordination rurale, tentent de s’opposer aux euthanasies et plaident pour une vaccination préventive généralisée.

La FNSEA en revanche soutient le protocole, redoutant qu’une vaccination large prive la France de son statut de pays « indemne » et donc de sa capacité d’export de bovins vivants pendant de longs mois.

Une Pac incertaine

Pivot de la construction européenne et de l’agriculture du continent, la Politique agricole commune (PAC) constituait jusqu’ici le premier poste de dépenses de l’UE.

Les propositions de la Commission attisent la colère : non seulement le budget de la prochaine Pac (2028-34) pourrait être réduit de 20 % mais il pourrait être « dilué » dans un grand fonds.

La France redoute une coupe particulièrement douloureuse pour ses agriculteurs, premiers bénéficiaires de la Pac avec environ 9 milliards d’euros d’aides par an, soit les deux tiers de leurs revenus.

Ces subventions sont un amortisseur vital pour de nombreuses exploitations fragilisées depuis la guerre en Ukraine. En Grèce des retards de versement de subventions, du fait d’un scandale de fraude nationale, provoquent en ce moment des manifestations monstres.

Vote UE-Mercosur en vue

Le vote des États européens sur cet accord dénoncé par tous les syndicats agricoles approche. La Commission européenne vise un feu vert avant le 20 décembre et une adoption au Parlement début 2026. Cet accord doit permettre à l’UE d’exporter davantage de voitures, machines, vins… mais facilitera l’entrée de bœuf, volaille, sucre, miel…

Les agriculteurs dénoncent une concurrence déloyale du fait de normes moins exigeantes et à même de déstabiliser des filières européennes déjà fragiles. « L’accord avec le Mercosur est inacceptable. Il sera peut-être appliqué.

Car nous sommes 27 dans l’Union européenne », a admis mardi la ministre française de l’agriculture Annie Genevard devant les producteurs de betteraves.

MACF, la taxe de trop

Un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) de l’UE doit entrer en vigueur le 1er janvier.

Les céréaliers réclament que les engrais en soient exclus : pour eux, cette taxe carbone s’ajoutera à celle imposée depuis juillet aux engrais russes et fera exploser le coût des fertilisants.

La FNSEA estime son impact à « 500 millions d’euros pour les grandes cultures ».

Les cultivateurs ont connu une envolée des coûts liée à l’invasion de l’Ukraine, une récolte de blé catastrophique en 2024 et une baisse de prix des céréales, des pommes de terre ou des betteraves sucrières en 2025. Ils estiment que les trésoreries, « déjà exsangues », ne pourront encaisser un nouveau choc.